L’áte dans l’Iliade (le cas Agamemnon)


Depto. de Letras Clássicas
Faculdade de Letras
Universidade Federal de Minas Gerais
[This article was originally published 1998/1999 in Classica 11/12: 271-280. It is published here by permission of the editors. In this online version, the original page numbers are indicated within braces (“{“ and “}”). For example, “{271|272}” indicates where p. 271 of the original article ends and p. 272 begins.]
pour Filomena Hirata
RESUMO: Estudo breve sobre a áte na Ilíada a partir da discussão do caso de Agamêmnon — decisivo para a intriga da cólera. Exposição da polaridade complementar entre a Áte e as Litaí e do mito da áte de Zeus como sua última ocorrência no plano divino. Análise, no caso de Agamêmnon, das duas versões sobre a “responsabilidade” pelo ato ruinoso (que, do ponto de vista prático, ele assume como seu), a divina e a humana, tentando mostrar como — longe de serem excludentes — elas são, segundo Albin Lesky, “as duas faces diferentes de uma única e mesma moeda”.
PALAVRAS-CHAVE: Áte; Agamêmnon; Ilíada.
L’objectif de ces brèves remarques n’est pas de réaliser une étude linguistique exhaustive de toutes les occurrences du nom áte dans l’Iliade — pour cela on pourrait commencer par vérifier l’appendice du livre de Doyle (Doyle, 1948, p. 157) — mais simplement de faire une étude de cas, en choisissant celui qui est considéré comme le plus typique, le plus riche en matériaux, et dont les conséquences sont essentielles pour le scénario du poème: le cas de l’áte d’Agamemnon.
Nous pourrions peut-être accepter pour une première et provisoire définition de l’áte la suggestion de Dodds, selon laquelle l’áte serait “un obscurcissement, une perturbation momentanée de la conscience normale” (Dodds, 1977, p.15), mais il faudrait ajouter, comme l’a fait Suzanne Saïd, que cette perturbation est toujours liée à une expérience de l’échec (Saïd, 1977, p.76 et 77) [1] . Si le mot donc dans Homère ne signifie pas, comme c’est souvent le cas dans la tragédie, “un désastre objectif” (sauf peut-être dans un exemple de l’Odyssée XII, 372), il n’en reste pourtant pas moins vrai que la perception de l’áte est d’habitude dérivée de celle des conséquences ruineuses de l’acte qu’elle a causé ou avec lequel elle se confond. D’où la traduction d’áte par erreur, proposée le plus souvent par Mazon qui hésite quelquefois en proposant aussi celle de folie. A la première suggestion de Dodds nous pourrions associer le fait, signalé par Doyle, que le phénomène d’áte se présente toujours dans le voisinage de ces termes qui dans Homère désignent l’activité “spirituelle”: le thumós — l’organe des émotions et de la volonté — et le phrén ou phrénes — l’organe du sens et de l’intelligence pratique (Doyle, 1948, p. 18 et Saïd, 1978, p. 79). [2] . {271|272}
Pour présenter le cas de l’áte d’Agamemnon nous prendrons d’abord le résumé de l’histoire tel qu’il a été fait par Achille à sa mère Thétis, lorsqu’il la prie de demander à Zeus la funeste réparation de l’offense subie, c’est-a-dire une défaite des Grecs pour que son absence soit ressentie (Iliade, trad. P. Mazon) [3] : “Nous nous en sommes allés à Thèbes, la ville sainte d’Éétion, et, après l’avoir détruite, nous en avons tout emmené. Les fils des Achéens se sont ensuite, ainsi qu’il convenait, partagé le butin, et ils ont mis à part, pour le fils d’Atrée, la jolie Chryséis. Mais alors Chrysès, prêtre de l’archer Apollon, est venu jusqu’aux fines nefs des Achéens à la cotte de bronze. Pour délivrer sa fille, il apportait une immense rançon et tenait en main, sur son bâton d’or, les bandelettes de l’archer Apollon; et il suppliait tous les Achéens, mais surtout les deux fils d’Atrée, bons rangeurs de guerriers. Lors tous les Achéens en rumeur d’acquiescer: qu’on eût respect du prêtre! qu’on agréât la splendide rançon! Mais cela n’était pas du goût d’Agamemnon, le fils d’Atrée. Il congédiait brutalement Chrysès, avec rudesse il ordonnait. Le vieillard est parti en courroux, et Apollon, qui l’aime chèrement, a entendu sa prière. Il a, sur les Argiens, décoché un trait cruel, et, les uns sur les autres, les hommes ont péri, tandis que les flèches du dieu partaient ainsi de tous côtés par la vaste armée achéenne. Le devin qui sait tout nous expliquait alors les arrêts divins de l’Archer; et c’est moi, le premier, qui ai, sans retard, donné le conseil d’apaiser le dieu. Là-dessus, la colère s’empare de l’Atride; brusquement il se lève et lance une menace aujourd’hui accomplie (…)” (Il. I, 366-388).
Quelle est donc cette menace et pourquoi Agamemnon l’a-t-il faite? Agacé par la suggestion (faite par Achille) de rendre Chryséis, sa part d’honneur (géras) du butin de guerre, vu que ce butin avait déjà été distribué et qu’il ne serait pas possible de le refaire pour remplacer sa perte, Agamemnon suggère alors qu’il pourrait prendre (pour ne pas être le seul à ne pas avoir son géras) le géras de quelque grand guerrier comme Achille, Ulysse ou Ajax. C’est alors qu’ Achille se met en colère, car la possibilité de perdre son géras, signe de la reconnaissance de sa valeur, met en cause pour lui tout le sens de l’héroïsme. Et comme Athéna apparaît pour lui conseiller de ne pas tuer Agamemnon, il nourrit davantage sa colère et décide de se retirer du combat, ce qui aura des conséquences funestes pour les Achéens. L’histoire de l’Iliade a donc sa base, comme le dit bien son premier vers, dans l’histoire de la colère d’Achille, causée, comme le reconnaîtra plus tard Agamemnon lui-même, par une erreur désastreuse (áte). L’áte s’inscrit ainsi comme cause première, même si elle est accidentelle, de tout ce que reláte le récit principal de l’Iliade.
Voyons alors comment les deux protagonistes de cette querelle (qui déclenche la trame de l’Iliade) se représentent l’erreur (l’áte) décisive d’Agamemnon. Les deux protagonistes, c’est-à-dire Agamemnon lui-même et Achille. Commençons par le discours d’ Agamemnon au chant XIX, où l’essai de représentation de l’áte est poussé plus à fond. Il dit d’abord en présentant le cas: “Souvent les Achéens m’ont tenu ce langage et m’ont querellé. Mais moi je ne suis pas responsable. C’est Zeus, c’est le Lot (Moîra), c’est Érinys qui marche dans la brume, qui, à l’assemblée soudain m’ont mis dans l’esprit (phresín) une erreur sauvage (ágrion áten), le jour où, moi-même, j’ai dépouillé Achille de sa part d’honneur (géras). Qu’aurais-je pu faire? Un dieu (theós) accomplit toutes choses. Áte est fille aînée de Zeus; c’est elle, la maudite, qui fait errer tous les êtres. Ses pieds sont délicats: elle ne touche pas le sol, elle marche sur les têtes des hommes pour leur nuire. Elle enchaîne celui-ci comme celui-là.” (Il. XIX, 85-94, traduction modifiée).
Dans cette description áte apparaît d’abord comme erreur envoyée par d’autres divinités (plus hautes) et ensuite comme personnification divinisée de l’Erreur. Cela pourrait {272|273}sembler quelque peu contradictoire et plus d’un commentateur a parlé ici d’allégorie. La coexistence de ces deux modalités d’être est pourtant souvent attestée dans l’Iliade, lorsqu’il s’agit de phénomènes extraordinaires qui, en tant que tels, sont perçus comme des puissances passibles d’une personnification mais qui n’ont pas pour autant une existence ou une figure personnelle (comme par exemple Athéna ou Apollon) en dehors de leur fonction. Áte est donc ici à la fois le phénomène et cette figure mineure divinisée. Dans la plupart des occurrences dans l’Iliade ce n’est que le phénomène qui est indiqué; néanmoins il y en a une qui montre une personnification de l’Áte et qui peut donc nous aider non seulement à compléter sa description mais encore à mieux la comprendre, par contraste avec ces figures qui personnifient en quelque sorte le phénomène opposé: les Litaí ou les Prières.
Dans le discours du chant IX que Phénix fait à Achille pour essayer de fléchir sa colère en lui montrant les avantages qu’il aurait à céder et à accepter la réparation offerte par Agamemnon, il remarque que même les dieux se laissent fléchir par des offrandes et des prières “quand ils (les hommes) les viennent supplier (lissómenoi) après avoir commis une transgression ou une erreur (hamártei)” (Il. IX, 501).
“C’est qu’il y a les Prières (Litaí), les filles du grand Zeus. Boiteuses, ridées, louches des deux yeux, elles courent, empressées, sur les pas d’Erreur. Erreur (Áte) est robuste, elle a bon pied; elle prend sur toutes une large avance, et va, la première, par toute la terre, faire du mal aux humains. Les Prières, derrière elle, tâchent de guérir ce mal. A celui qui respecte les filles de Zeus lorsqu’elles s’approchent de lui, elles prêtent un puissant secours, elles écoutent ses vœux. Celui qui leur dit non et brutalement les repousse, elles vont demander à Zeus, fils de Cronos, d’attacher Erreur à ses pas, afin qu’il souffre et paie sa peine.” (Il. IX, 502-512).
A la vitesse de l’Áte correspond en quelque sorte l’absence de réflexion de celui qui la subit; à sa force et vigueur, la sûreté et l’extension du dommage qu’elle cause (la violence d’Agamemnon cause la retraite d’Achille qui, à son tour, produit de grandes pertes pour l’armée achéenne). Les Prières (Litaí) sont boiteuses parce qu’elles arrivent toujours trop tard et elles sont ridées comme de vieilles dames parce que la douceur de l’entendement convient aux vieux. Elles sont enfin louches parce que leur but est oblique et qu’elles veulent détourner l’homme stupide de son chemin inflexible. Comme l’a bien remarqué Hermann Fränkel (Fränkel, 1962, p. 68 à 70) [4] on voit alors s’établir entre l’Áte et les “Prières” une opposition entre deux polarités qui ne prennent tout leur sens que l’une par rapport à l’autre: la folie et la sagesse; la hâte et la prudence; l’obstination têtue et le souple changement du cœur. Ce genre de polarisation (et de complémentarité entre opposés) est typique de la mentalité grecque archaïque mais elle ne deviendra concept que dans philosophie ionienne. La véracité de ce discours de Phénix à Achille est confirmée par la suite des événements. Résistant et inflexible, Achille sera pris lui aussi par l’Áte parce que, se refusant à aider les Achéens au moment le plus difficile pour eux, il finit par envoyer à sa place Patrocle, son meilleur ami, qui sera tué. Ce n’est que cette mort qui lui dévoile l’ampleur de son erreur et la stupidité de sa colère.
Si nous revenons au discours d’Agamemnon au chant XIX, nous pouvons encore y voir la mise en scène d’un mûthos qui, sur le plan divin, illustre bien le rôle joué par la figure fonctionnelle de l’Áte. Cette fois, dans une histoire antérieure du point de vue de la chronologie mythique, c’est Zeus lui-même la victime de l’Áte. Lors de Ia naissance de son fils Héraclès (qu’il avait conçu avec Alcmène), Zeus a annoncé à tous les dieux: “Aujourd’hui même Ilithye, qui veille aux douleurs de l’enfantement, fera venir au jour un enfant destiné {273|274} à régner sur tous ses voisins et qui appartient à la race des mortels sortis de mon sang”. C’est à Héra alors de dire perfidement: ‘Tu en auras menti et tu n’auras pas joint l’acte à la parole. Allons! dieu de l’Olympe, jure-moi donc sur l’heure un puissant serment, qu’il régnera bien sur tous ses voisins, l’enfant qui en ce jour tombera aux pieds d’une femme, s’il est des mortels qui appartiennent à la race sortie de ton sang”. “Elle dit”, note le poète alors; “Zeus ne voit pas la perfidie: il jure un grand serment et commet la plus grande des erreurs” (Il. XIX, 103-113). Car Héra suspend les couches d’Alcmène, amène précipitamment au jour Eurysthée alors que sa mère n’était qu’au septième mois de sa grossesse, et annonce à Zeus: “Un noble mortel vient de naître, qui régnera sur tous les Argiens: c’est Eurysthée, le fils de Sthénélos le Perséide. Il est de ta race: il ne messied pas qu’il règne sur les Argiens”. C’est le poète qui raconte: “Une douleur aiguë a frappé Zeus au plus profond du cœur. Brusquement, il saisit Erreur (Áte) par sa tête aux tresses luisantes, le cœur en courroux, et il jure un puissant serment, que jamais plus elle ne rentrera ni dans l’Olympe ni au ciel étoilé, cette Erreur qui fait errer tous les êtres. Cela dit, en un toumemain, il la fait pivoter et la jette du haut du ciel étoilé, d’où elle a vite fait de choir au milieu des champs des mortels.” (Il. XIX, 122-131).
Cette histoire paraît élargir le champ d’occurrences d’Áte en la situant aussi sur le plan divin et, dans celui-ci, choisissant pour victime Zeus, le plus puissant des dieux et — comme Agamemnon (entre les Achéens) — le roi. Sa valeur en tant qu’exemple qui inclut même les dieux (et parmi ceux-ci Zeus) serait donc d’adoucir la gravité du cas d’Agamemnon. Mais en tant qu’exemple de l’action d’Áte parmi les dieux cette histoire est aussi la demière. Après son expulsion de l’Olympe, elle est tombée “au milieu des champs des mortels” et doit en conséquence se définir comme un phénomène exclusivement humain (Cf. Saïd, 1978, p. 83).
Certains commentateurs pourtant — comme P. von der Mühll (1952, p. 285-286) et G. Müller (1956, p. 4-5) — ont eu des dificultés à comprendre la nature de la comparaison entre les deux cas, eu égard à la différence entre la conduite d’Agamemnon et celle de Zeus. Tandis qu’ Agamemnon commet lui-même une faute en dépouillant Achille de sa part d’honneur, Zeus est plutôt la victime de la faute d’Héra qui l’a trompé en l’empêchant de donner à Héraclès la royauté sur les Argiens. Mais dans l’áte, comme l’a fort bien remarqué S. Saïd (Saïd, 1978, p. 79), il ne s’agit pas pour Homère de nommer, du point de vue du droit, celui qui serait coupable pour avoir commis un outrage ou quelque autre acte blâmable, mais plutôt de constater qu’un acte, même s’il ne se définit que négativement comme manque d’attention (et c’est le cas de Zeus qui n’est pas suffisamment rusé pour soupçonner la tromperie d’Héra), — qu’un acte — a des conséquences ruineuses. Ce sont donc ces conséquences (dans le cas de Zeus, le malheur de son fils Héraclès; dans le cas d’Agamemnon, les pertes ruineuses pour l’armée grecque à cause du retrait d’ Achille), un état de fait caractérisé par le malheur et non des considérations sur le degré de participation à un délit, ce qui est essentiel dans la désignation du phénomène.
Cela dit, on peut aussi remarquer qu’en général l’áte ne peut vraiment être perçue qu’après coup. Selon J. Stallmach “ce n’est qu’alors qu’il a éprouvé le dommage comme résultat de son action, qu’il devient clair pour le héros qu’il doit s’en attribuer la responsabilité.” (Stallmach, 1968, p. 30) [5] C’est la conséquence qui éclaircit la vraie nature de l’acte, ce qui n’empêche pourtant pas la recherche d’une cause extérieure à cet acte avec lequel l’áte d’une certaine façon se confond. C’est comme si le héros, étonné par les conséquences ruineuses de son acte, se demandait: “Comment ai-je pu faire cela?”. {274|275}
Si nous reprenons maintenant le début du discours d’Agamemnon au chant XIX, nous pouvons nous demander quel est le sens de cette attribution à une triple causalité divine de l’áte qu’il a subie: “C’est Zeus, c’est Moîra, c’est Érinys, qui, à l’assemblée soudain m’ont mis dans l’esprit une erreur sauvage (…)”. Ce que nous devrions d’abord indiquer c’est que le partage entre trois agents ne révèle peut-être qu’une nomination de trois aspects d’une même causalité. Les remarques de Dodds ici continuent à être utiles. Zeus d’abord, “le seul des Olympiens à qui l’on attribue les manifestations de l’áte dans l’Iliade” (Dodds, 1977, p.16) — d’où la description de l’áte comme sa fille aînée — parce que c’est lui aussi le seul à détenir un certain contrôle sur le cours des événements dans l’Iliade et à pouvoir donc avoir voulu qu’un événement se produise en vue d’un plan dont l’ensemble pourtant échappe aux mortels. Moîra ensuite qui paraît designer non pas un Destin universel, mais bien la part ou le lot qui échoit à un individu (ici Agamemnon), d’où le soupçon légitime de Dodds en ce qui concerne l’écriture de Moîra ici avec une majuscule “comme s’il s’agissait d’une déesse personnelle (…)”. Dodds suggère avec justesse que “les gens parlaient alors de tout désastre personnel inexplicable comme d’une chose faisant partie de leur destin, de leur ‘portion’ [puisque cela — même si inexplicablement — s’était produit, “il était donc nécessaire ‘que cela fût’]” (Dodds, 1977, p. 17). Érinys enfin qui ne serait ici en aucune façon un esprit de vengeance (comme chez Eschyle) mais, comme le suggère encore une fois Dodds, “l’agent personnel qui assure l’accomplissement d’une moîra“. Si les Érinyes coupent court au discours du cheval d’Achille, c’est qu’il n’est pas “‘compatible avec la moîra‘ des chevaux de parler. C’est pourquoi aussi elles puniraient le soleil, selon Héraclite, s’il ‘transgressait ses limites’ en dépassant la tâche qui lui est assignée” (Dodds, 1977, p. 18).
Ici encore c’est le fait constaté et irréfutable qui, révélant d’abord l’acte qui l’a produit, organise ensuite même la représentation de la causalité de cet acte. Zeus en tant que seul planificáteur divin concevable (même si son plan reste caché aux mortels), moîra comme la portion de l’individu qui doit s’accommoder de ce plan (ou du cours des événements), et Érinys comme agent personnel qui ne permet pas que cette moîra ne s’accomplisse, essaient, sur le mode de la figuration et en tant que trois aspects d’une même causalité, de donner une intelligibilité quelconque à ce “résidu dur du fait” — selon H. Fränkel (1962, p. 64) [6] — qui demeure d’une certaine manière non-analysable, même si ses effets n’en restent pas moins décisifs dans la configuration du réel.
L’éclairage du sens de cette attribution de responsabilité à un Autre extérieur et divinisé peut nuancer quelque peu sa fonction pragmatique d’excuse; il n’en reste pas moins que le lecteur moderne continue à être frappé (et, du point de vue moral, gêné) par les premières paroles d’Agamemnon: “Mais moi je ne suis pas responsable” (egò d’ouk aítiós eimi) [même si après il dit, dans une apparente contradiction: “moi-même (autós) j’ai dépouillé Achille de sa part d’honneur”]. Ce discours pourtant n’est pas une simple invention personnelle d’Agamemnon, vu qu’Achille, la victime même de l’áte du chef de l’armée, se représente (au chant XIX) l’événement d’une façon semblable, lorsqu’il s’adresse à Zeus en disant: “Ah! Zeus Père! tu apportes aux hommes de grandes erreurs (megálas átas)! Sans quoi, jamais l’Atride n’eût si profondément ému mon cœur (thumón) en ma poitrine et n’eût emmené la fille malgré moi, sans qu’on pût faire rien contre lui (amékhanos). Mais Zeus souhaitait en quelque façon la mort de nombreux Achéens” (Il. XIX. 270-274).
Néanmoins, ce qui (du point de vue de la responsabilité) est vraiment décisif, c’est le fait que, même en niant être la cause ultime (ouk aítió s eimi), Agamemnon agit ”juridiquement” {275|276} en tant que responsable, car il démontre assumer les conséquences de son acte [c’est lui-même (autós) qui a dépouillé Achille de son géras]. Juste après avoir fini l’exemple comparatif de l’áte qui a frappé Zeus, Agamemnon dit: “Mais, si j’ai erré naguère (aasámen), si Zeus m’a ravi le sens (phrénas), en retour je veux en donner une satisfaction et, pour cela, offrir une immense (lit. “infinie” apereísia) récompense (ápoina: rachat d’une peine)” (Il. XIX, 137-138, traduction modifiée).
Il ne fait que répéter ici son acte du chant IX. La seule différence c’est qu’à ce moment Achille, détourné de sa colère par la mort de Patrocle, va accepter la récompense et se réconcilier mais, hélas, il est trop tard et son ami n’est plus qu’un cadavre.
Ce que cette conduite d’Agamemnon montre c’est qu’à ce moment où le droit n’est pas encore institué, c’est l’acte et ses conséquences qui comptent vraiment du point de vue moral et en aucune façon l’intentionnalité de l’agent. Nous voyons une fois de plus que chez Homère l’homme ne vaut que pour ce qu’il fait et non pas pour ses intentions. C’est son faire qui le définit: il est ce qu’il fait.
Si on revient cependant aux paroles d’ Achille dans le chant XIX (où il dit que c’est Zeus qui apporte aux hommes les erreurs), on peut imaginer que — en ce qui concerne la motivation — la représentation d’une causalité divine pour l’action humaine est un trait commun de cette mentalité archaïque homérique; et on est même tenté de donner raison à Bruno Snell lorsqu’il dit que, dans Homère, “l’action humaine, en effet, n’a pas de commencement réel et autonome. Ce qui est envisagé et réalisé résulte de l’action des dieux” (Snell, 1994, p.15).
Ce déterminisme — même si on laisse de côté la question délicáte de la nature du rapport de l’homme à la divinité — n’est pourtant pas vraiment homérique. Une lecture attentive du texte nous empêche de soutenir la thèse de Snell et nous jette dans une sorte de contradiction qui n’a pas l’avantage de la simplicité. Car les mêmes personnages qui ont soutenu la causalité divine de l’erreur d’Agamemnon, c’est-à-dire Agamemnon lui-même et Achille, avaient déjà décrit l’action du chef de l’armée ne mettant en scène que l’acteur humain. Achille, lorsqu’au chant I il raconte à sa mère Thétis l’offense qu’il a subie, formule de la façon suivante son vœu d’une vengeance par l’intermédiaire de Zeus: “ne daignera- t-il (c’est-à-dire Zeus) pas porter aide aux Troyens et acculer à leurs poupes, à la mer, les Achéens décimés, afin qu’ils jouissent, tous, de leur roi et que le fils d’Atrée lui-même, le puissant prince Agamemnon, reconnaisse enfin ce que fut son erreur (hèn áten, Mazon traduit ‘sa folie’) d’avoir refusé tout égard (oudèn éteisen) au meilleur des Achéens? (Il. I, 408-412, trad. modifiée).
Les deux derniers vers de ce passage seront repris tels quels dans le discours que Patrocle au chant XVI adresse aux Myrmidons avant de rentrer dans la bataille: “Rappelez-vous votre valeur ardente pour que nous honorions le Péléïde et pour que l’Atride, le puissant prince Agamemnon, reconnaisse aussi ce que fut son erreur (hèn áten) de n’avoir pas rendu hommage (oudèn éteisen) au meilleur des Achéens” (Il. XVI, 274-275, trad. modifiée).
Les mots d’Agamemnon au début du chant IX nous donnent un exemple meilleur encore de cette autre (et trop humaine) manière de voir le phénomène. Après avoir été incriminé par Nestor qui lui rappelle la violence de l’enlèvement de Briséide et son refus têtu d’entendre les conseils dissuasifs qu’il a alors reçus, Agamemnon lui réplique: “Ah! vieillard! tu n’as pas menti en énumérant mes erreurs (emàs átas). J’ai erré (aasámen), et moi-même je ne le nie pas (oud’autós anaínomai) […]. Mais, si j’ai erré naguère, pour avoir {276|277} obéi à des pensers funestes, en retour je veux en donner une satisfaction et, pour cela, offrir une récompense infinie.” (Il. IX, 115-116 et après 119-120, trad. modifiée).
Ces deux derniers vers nous paraissent familiers. En fait, avec la modification de la moitié d’un vers, nous les avions déjà cités dans le discours d’Agamemnon au chant XIX. La répétition fait partie de la construction par formules et n’est pas encore un défaut stylistique dans une poésie faite et transmise oralement. La répétition elle-même permet pourtant de mieux mettre en relief ce qui a été modifié. Au chant XIX, Agamemnon dit: “Mais, si j’ai erré naguère, si Zeus m’a ravi le sens (phrénas)”; tandis qu’au chant IX il dit: “Mais, si j’ai erré naguère, pour avoir obéi a des pensers (phresí) funestes” et la conclusion est exactement la même: “en retour je veux en donner une satisfaction et, pour cela, offrir une récompense infinie.”
Dans un cas, c’est Zeus qui lui a ravi le sens, dans l’autre, c’est lui-même qui a obéi à des pensers funestes. Comment concilier ces deux descriptions (contradictoires) de l’erreur? A l’époque où les analystes cherchaient à séparer, selon la variation du style et celle de la vision du monde, les différentes parties ou blocs des chants qui composaient les poèmes homériques en les attribuant à différents poètes, Willamowitz (Willamowitz-Möllendorf, 1932, p.117), par exemple, a jugé que la version du chant IX était l’œuvre d’un poète plus ancien, tandis que celle du chant XIX aurait pour auteur un poète plus jeune. Hermann Gunter (Gunter, 1940, p. 229), à son tour, a proposé l’idée d’une évolution psychologique du personnage. Albin Lesky, qui refuse cette interprétation, reconnaît au moins que la differénce des situations est dans un étroit rapport avec la différence des descriptions: à un Agamemnon qui, au chant IX, déprimé en raison de la conduite d’Achille et de l’échec achéen, en assume entièrement la responsabilité, s’oppose un Agamemnon qui, au chant XIX, rassuré par la réconciliation et le retour d’Achille, attribue à une triple causalité divine son erreur ruineuse (Cf. Lesky, 1961, p. 41-42).
Mais ce que Lesky a essayé de montrer tout au long de son essai “Göttliche und menschliche Motivation im homerischen Epos”, c’est qu’une logique de l’exclusion des deux descriptions apparemment contradictoires laisse échapper précisément l’essentiel: la concurrence de deux motivations interdépendantes et complémentaires dans la production d’une seule et même action. L’humain et le divin ne sont ici que des aspects différents d’un même phénomène ou pour reprendre ses mots “les deux faces différentes d’une seule et même monnaie” — die zwei verschiedene Seite ein und derselben Münze — (Lesky, 1961, p. 41); même si elles n’apparaissent pas toujours ensemble et peuvent non seulement alterner mais encore jouer l’une contre l’autre [ce qu’il a démontré par l’analyse fine d’une série d’exemples qu’il ne serait pas question de reprendre ici]. Cette vision d’ailleurs, comme l’a remarqué R. Gaskin, ne coïncide pas avec la “surdétermination” proposée par Dodds, parce que celle-ci considère les deux motivations, l’humaine et la divine, comme étant chacune suffisante pour déterminer l’action, tandis que l’interprétation de Lesky proposerait que “les dieux opèrent avec (et quelquefois à travers) les hommes” (Gaskin, 1990, p. 4). [7]
Mais pour qu’une telle vision de l’action humaine (traversée par le divin) soit possible, il faut supposer chez Homère une figure de l’homme autrement structurée qu’à l’âge moderne (mais déjà différente aussi de celle dessinée par Aristote ou les stoïciens). Certes, on n’y trouve pas de terme pour désigner “l’âme” (psukhé est le souffle qu’exhale l’homme en train de devenir cadavre — sôma) et, comme l’a remarqué Snell (Snell, 1994, p. 17-41), l’homme homérique apparaît plutôt partagé entre le thumós (l’organe des émotions et de la volonté), le phrén ou les phrénes (l’organe du sens ou de l’intelligence pratique) — qui, {277|278} comme nous l’avons vu, sont justement ceux qui sont atteints par l’áte — et le nóos (l’intellect ou la pensée). Mais cela n’implique pas forcément, comme le voulait Snell, une fragmentation ou l’absence totale d’unité, parce que, comme l’a rappelé H. Fränkel (Fränkel, 1962, p. 85-87), chacun de ces organes, lorsqu’ils sont à l’œuvre, peut représenter ou (mieux) contenir l’homme tout entier. Ce qui cependant est en jeu dans l’action et paraît dépasser notre cadre de compréhension c’est le rapport de l’homme à ce qui, en principe, lui est extérieur: le monde ou la divinité. Car pour Homère l’homme n’existe pas avant ou en dehors de ce rapport, c’est plutôt ce rapport qui le définit dans ses coordonnées les plus essentielles. Selon H. Fränkel, “si l’homme (homérique) est comme un champ d’énergie dont les lignes s’étendent sans limites ou restrictions dans l’espace et le temps, alors des forces extérieures, à leur tour, peuvent agir en lui sans obstacle, et il n’y aurait aucun sens de se demander où sa propre force commence et où l’étrangère finit” (Fränkel, 1962, p. 88) [8] . Si l’homme donc est entièrement ouvert au monde extérieur (ou plus précisément aux forces divines), l’opposition entre le moi et le non-moi n’a plus de fonction. L’homme isolé, fier et — disons-le — entièrement responsable de ses actions est simplement inconcevable pour Homère (d’ailleurs s’il essaie de couper ses liens avec le divin, il devient un impie et risque le pire; alors que ce n’est que sous l’influence du dieu qu’il peut accomplir les prouesses les plus hardies). La marge d’incertitude qui appartient à chaque action humaine, son efficacité qui ne peut vraiment être vérifiée qu’après coup, demeurent l’œuvre d’un dieu. Et si l’homme — comme nous l’avons vu — se définit par ce qu’il fait (et non par ce qu’il veut faire) [9] , la question de la responsabilité s’efface devant celle du succès ou de l’échec de son action [10] .

Références bibliographiques

DAWE, R. D. Some Reflections on Ate and Hamartia. Harvard Studies in Classical Philology 72, p. 89-123, 1967.
DODDS, E. R. Les Grecs et l’Irrationnel (trad. par M. Gibson). Paris: Flammarion, 1977.
DOYLE, R. E. Ate: its use and meaning. New York: Fordham University Press, 1948.
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RÉSUMÉ: Brève étude sur l’áte dans l’Iliade à partir de la discussion du cas Agamemnon — cas typique et décisif pour l’intrigue du poème. Exposition de la polarité complémentaire entre l’Áte et les Litaí, et du mythe de l’áte de Zeus comme sa dernière manifestation parmi les dieux. Commentaire, dans le cas Agamemnon, des deux versions sur la “responsabilité” pour I’acte ruineux (que, du point de vue pratique, il assume comme sien): la divine et l’humaine, en essayant de montrer comment — loin d’être exclusives — elles sont, selon Albin Lesky, “les deux faces différentes d’une seule et même monnaie”.
MOTS-CLÉS: Áte; Agamemnon; Iliade.

Footnotes

[ back ] 1. Cela permet de retrouver les deux sens: Verblendung et Schaden proposés par R. D. Dawe (Dawe, 1967, p. 96 et 97).
[ back ] 2. La proposition de W. F. Wyatt Jr. (Wyatt Jr., 1982, surtout p. 268 à 276) de faire dériver áte — qu’il comprend comme “remords” — du verbe aáo, “rassasier”, est non seulement inacceptable du point de vue morphologique mais amène à une représentation tout à fait improbable du sens originaire du terme comme désignant des perturbations gastriques. Celle de E. D. Francis (1983, surtout p. 87 à 102) qui propose de faire dériver áte du verbe áemi, “souffler”, est formellement plus savante et permet une représentation “démoniaque” possible du sens originaire du terme en tant que désignation d’une sorte d’“inspiration” qui modifie le comportement. Il serait d’ailleurs intéressant de rapprocher la suggestion étymologique de E. D. Francis de la représentation des phrénes dans Homère comme les “poumons” qui façonnent l’état d’esprit par la manière (ou le rythme) de la respiration (thumós), telle que l’a proposée R. B. Onians dans les chapitres II et III de la première partie du livre The origins of the european thought about the body, the mind, the soul, the world, time and fate (Onians, 1957, p. 23-65).
[ back ] 3. Nous citerons toujours le texte de l’Iliade dans la traduction de Paul Mazon, publiée d’abord en quatre volumes avec le texte grec par les Belles Lettres (1937 et 1938), et reprise en édition de poche par Gallimard (1975); sauf lorsque, à partir du texte de P. Mazon, nous proposerons quelques modifications, ce qui sera indiqué. Pour le texte grec voir l’édition de D. B. Munro et T. W. Allen (1902, Seventeenth impression, 1989).
[ back ] 4. Ce qui suit n’est qu’une simple paraphrase du commentaire éclairant de H. Fränkel.
[ back ] 5. “Im Gegenteil, erst daran, dass er ‘Schaden’ als Ergebnis seines Handelns erlebt, wird ihm klar, dass er sich verschuldet haben muss.” (Stalmach, 1968, p. 30).
[ back ] 6. “(…) jenen Rest harter Tatsächlichkeit” (Fränkel, 1962, p. 64). Une traduction littérale dirait plutôt: “ce reste de l’impénétrable facticité”.
[ back ] 7. “The gods work with (sometimes through) men” (Gaskin, 1990, p. 4).
[ back ] 8. “Wenn so der Mensch wie ein Kraftfeld ist, dessen Linien in Raum und Zeit hinausziehn ohne Grenze und Schranke, so können ebenso ungehindert auch andre Kräfte in ihn hineinwirken, ohne dass es Sinn hätte zu fragen, wo das Eigne anfängt und das Fremde aufhört.” (Fränkel, 1962, p. 88).
[ back ] 9. Si l’on considère, comme l’a fait H. Fränkel, que, ‘pour l’homme homérique’, il n’y a pas un seuil séparant le désir d’agir et l’accomplissement de ce désir (un seuil devant lequel l’homme pourrait rester hésitant comme Hamlet)” (Fränkel, 1962, p. 87), on pourrait peut-être puiser dans Homère le modèle de cet idéal grec de l’action, décrit par J.-P. Vernant — à la suite de V. Goldschmidt —, comme l’abolition de “toute distance temporelle entre l’agent et son acte” pour “les faire entièrement coïncider dans un pur présent” (Vernant, 1972, p. 73).
[ back ] 10. Ce texte a servi de base à un exposé présenté le 10/05/1996 à la Librairie Interférences lors d’une soirée sur “l’áte tragique” organisée par L’Envers de Paris. Je remercie ici l’aimable invitation faite par Antônio Márcio Teixeira.