Les déesses au métier : Isis et Perséphone tisserandes


Françoise Labrique – Ioanna Papadopoulou

1. Perséphone arrhéphore

Les pages qui suivent parlent du tissage, des dieux, de Grèce et d’Egypte. Nous avons choisi cette thématique pour rendre hommage à la réflexion de Gregory Nagy, qui s’intéresse tout particulièrement au tissage, mais qui est aussi comparatiste. Façon de rendre aussi hommage à un beau travail qui se réfère à l’Egypte, quand il associe la symbolique de la fondation de la bibliothèque d’Alexandrie au rituel de l’immortalisation du pharaon et aux traditions orphiques, en éclairant la notion du « corpus » des livres par la proximité du corps du roi défunt, Alexandre. [1] Des orphica il sera également question dans les pages qui suivent, ce qui nous permet de rencontrer l’auteur honoré sur plusieurs terrains.
C’est surtout ce que Gregory Nagy a écrit sur le péplos d’Athéna [2] qui nous interpelle ici, notamment ses hypothèses qui permettent d’associer de façon originale la poésie au rituel, exercice qui constitue un des plus grands défis dans nos disciplines. Le tissage en Grèce ancienne est un thème qui traverse les genres littéraires ( qu’on pense à Homère ou à Platon) et qui occupe une place importante dans le rituel. Dans le présent article nous nous focalisons sur le thème des déesses qui tissent. L’aspect que je présente, pour mieux rencontrer l’analyse des documents égyptiens par Françoise Labrique, relève (ou, comme dirait Gregory Nagy, « a comme sous-texte ») du cycle rituel athénien autour du péplos d’Athéna et des fêtes de Déméter/ Perséphone. [3] Dans ma thèse j’avais traité le corpus des textes montrant l’existence du signifiant “tissage” dans le cycle rituel athénien autour du péplos d’Athéna. [4] L’activité textile s’était avérée un thème clef, pour revisiter la question des croisements entre le cycle du péplos et les rituels démétriaques, notamment au moment de la mise sur le métier du péplos.
Tous ces récits présentent un écart plus ou moins grand avec l’Hymne homérique à Déméter : Le tissage est le thème constitutif de cet écart, car (si on lit de façon complémentaire ces textes -qui nous révèlent un thème absent de l’H.H.D.) il nous permet de percevoir un rapport très significatif entre Athéna et Perséphone qui se traduit au niveau cultuel justement par ce même thème de l’activité textile.
Je vais commencer par un témoignage sur Perséphone tisserande, tiré des Dionysiaca de Nonnos de Panopolis, témoignage certes tardif, mais qui semble reprendre fidèlement des thèmes connus par ailleurs. Ce récit se situe dans la mythologie dionysiaque selon laquelle Perséphone est la mère de Dionysos. La rupture brusque qui constitue le noyau du mythe de Perséphone est racontée par Nonnos dans le livre VI, qui débute par ces mots: “ce n’était pas seulement le père qui était envahi de désir … “. Déméter est inquiète du désir que tous dans l’Olympe -surtout Héphaistos- manifestent envers sa fille. Elle sait d’avance par la bouche du daimon divinatoire Astraios qu’avant le mariage (pro gamoio) une créature à moitié monstrueuse partagera la couche de la Koré. (v. 95-96). Pour la protéger, Déméter la cache dans un antre de pierre au bord de la mer en Sicile. La description de ce lieu rappelle l’antre des Nymphes dans le chant 13 de l’Odyssée, comme le commente Porphyre. [5] Cet antre est muni d’un métier à tisser en pierre dont s’occupent les Nymphes. Là s’est cachée Perséphone gardée par deux dragons. Déméter a laissé avec elle Kalligeneia, sa propre nourrice, ainsi que des instruments du tissage et du filage, “peine des femmes régie par l’habile Athéna” (κεῖθι δὲ Καλλιγένειαν, ἑὴν εὔπαιδα τιθήνην/κάλλιπε σὺν ταλάροισι, καὶ ὁππόσα θήλεϊ φύτλῃ/ Παλλάδος εὐπαλάμοιο νέμει ταλασήιος ἱδρώς, 140-142). Là, à proximité des Nymphes, Perséphone manie le kteis (peigne à carder) en fer, carde la laine, prépare le fil et met sur le métier un péplos en chantant sa cousine, histoteleia Athéna (ἀμφὶ δὲ καρχαρόδοντα γένυν πεπόνητο σιδήρου/ εἰροκόμῳ ξαίνουσα περὶ κτενὶ λήνεα κούρη,/ ἠλακάτῃ δ´ ἐνέλισσε· πολυστροφάδεσσι δὲ ῥιπαῖς/ εἰλυφόων ἄτρακτος ἕλιξ βητάρμονι παλμῷ/ νηθομένων ἐχόρευε μίτων κυκλούμενος ὁλκῷ·/ καὶ ποσὶ φοιταλέοισι παλίνδρομος ἄκρον ἀπ´ ἄκρου/ πρωτοπαγῆ ποίησε διάσματα, φάρεος ἀρχήν,/ ἱστῷ δ´ ἀμφὶς ἕλισσεν· ὕφαινε δὲ κερκίδι κούρη/ πηνίον ἐξέλκουσα παρὲκ μίτον, ἀμφὶ δὲ πέπλῳ/ γνωτὴν ἱστοτέλειαν ἑὴν ἐλίγαινεν Ἀθήνην, 145-154 ). C’est dans cette position qu’elle subit l’assaut du dragon-Zeus qui a pénétré au fond de la chambre virginale obscure. De l’union naît Zagreus, le cornu. [6] Le texte plaint Perséphone qui n’a pas pu éviter malgré tout cet hymenaios monstrueux au fond du partheneôn.
Dans ce récit plusieurs éléments renvoient à Athènes, notamment au tissage de l’Acropole, et à sa fonction rituelle. Or, nous savons que, sitôt évoqué, le nom de Nonnos incite à mainte objection. C’est ici qu’il importe, je crois, d’introduire des remarques de Gregory Nagy sur le tissage comme référent dans les textes : A propos du péplos offert à Athéna par les femmes Troyennes dans le ch. V de l’Iliade (734-735) il dit :

« The referent there is the Peplos of the goddess Athena. The wording of that passage was at one point in time understood to be an actual Homeric reference to the Panathenaic Peplos, that is, to the woolen fabric woven every four years for the festival of the Great Panathenaia. This Homeric reference to the Peplos of Athena in Iliad V has its own Panathenaic subtext. I use the word subtext here metaphorically in referring to the Panathenaia, and I will use the word text metaphorically as well in referring to the narration of the Homeric Iliad. The text of the Iliadic narrative refers to the Peplos of Athena at the time of the Trojan War, while the subtext refers to the Peplos of Athena in the context of the seasonally recurring festival of the Panathenaia, which is the actual occasion for the Homeric narration. The reference, which happens in the context of actual performance at the Panathenaia, is split between text and subtext. We see here an example of a phenomenon that I propose to call split referencing… In this sequence of passages describing the offering of a choice peplos to Athena, the implicit referent concerns Athens and Athenian interests, while the explicit referent concerns not only Athens but notionally all Hellenic city-states. The implicit referent is Athenian, while the explicit referent is Panhellenic. » [7]

Sans pouvoir reproduire avec des précisions temporelles le référent du sous-texte de Nonnos, on peut dire que son texte se réfère à la grotte en Sicile et au moment “synchronique” qui associe rapt et tissage et le sous-texte, diachronique, se réfère à Athènes, aux Arrhéphories, comme moment rituel du début de la fabrication du péplos.

Nonnos dans sa version définit scrupuleusement la nature de ce travail virginal lors du rapt et semble privilégier sa dimension arrhéphorique: Perséphone prépare le fil et met sur le métier le tissu en chantant Athéna. Loin de sa demeure, séparée de sa mère pour être mieux gardée des dangers qui menacent les vierges, elle tisse dans un partheneôn, sous la tutelle des Nymphes expertes en tissage. Si maintenant on y associe la précision temporelle que donnent les orphiques, affirmant que le tissage de Perséphone se passe à la fin de l’automne (O.F. 196 Kern), on reconstitue les éléments fournis par les témoignages sur le diazein du péplos d’Athéna à Athènes, la mise sur le métier des fils, que prêtresses et arrhéphores effectuent à la fin du mois Pyanopsion. [8] Si en outre on ajoute à ces données le texte bien connu de Clément d’Alexandrie, qui fait des Arrhéphories “une des façons de représenter le rapt de Pherephatta”, [9] on a un témoignage indirect supplémentaire sur la dimension arrhéphorique du rapt. En suivant ces indices, on formulerait alors le sous-texte comme suit : Perséphone a été arrhéphore d’Athéna ; le tissage lors des Chalkeia n’est pas sans rapport avec le mythe du rapt.
Or, une telle affirmation nécessite de se situer par rapport à la thèse qui, depuis J. Harrison, fait des Arrhéphories “les Thesmophories des jeunes filles”. Car, par ce raisonnement, on ramène les Arrhéphories dans la sphère de Déméter. Sujet longtemps débattu que le patronage de cette fête. Si on a voulu l’assimiler aux Thesmophories -que ce soit à la façon de J. Harrison ou à celle de L. Deubner- c’est parce qu’on a présupposé, à cause d’une scholie à Lucien et des tendances théoriques dominantes au début du 20e siècle, un contexte de magie agraire. [10] Mais cette théorie repose sur un seul volet du service arrhéphorique, le transport des objets secrets. A ce propos le travail de W. Burkert demeure fondamental. Il a récusé de façon systématique ce cadre théorique et a expliqué le rite à travers le mythe des Cécropides en insistant sur la dimension civique de ce récit. L’accomplissement par deux mêmes fillettes des deux actes composant le service arrhéphorique –diasma et descente nocturne- constitue la répétition rituelle de l’instauration de l’ordre civique à Athènes. La mise sur le métier du pépIos commémorerait le geste civilisateur de Pandrosos, qui a été la première à tisser la laine en Attique. [11]
Dans ce contexte, un autre point nous semble digne d’être relevé: il y a une similitude majeure entre les Arrhéphores et Perséphone, en ce que celle-ci, comme celles-là, est séparée de sa mère en entrant dans un “atelier de tisserandes” pour être protégée. Au sein des Thesmophories, les mères athéniennes font revivre le deuil de la Mère divine privée de sa Fille. Comme cette fête précède la réclusion des Arrhéphores, il n’est pas exclu de penser que cette séparation annuelle entre mères et filles y a sa place et que, à partir de ce rite de réclusion, le mythe athénien sur Perséphone situe la séparation dans le cadre des Arrhéphories. Effectivement, nous l’avons vu, les témoignages orphiques situent le tissage de la Koré “à la fin de l’automne”, qui correspond au mois Pyanopsion; on a vu également que Koré est placée par Déméter dans l’atelier des travaux féminins pour être protégée du désir qu’elle faisait naître autour d’elle. La même littérature insiste sur le fait que le tissage est un domaine où règne en propre “Athéna, la vierge d’Athènes” (O.F. 178, 187 Kern). Ce contexte confirme l’équivalence sémantique entre tissage, Athéna et virginité. Justement, la Koré, toujours d’après la phraséologie attribuée aux théologiens orphiques, possède en elle une Athéna -et une Artémis- irréductible; son tissage est donc à lire comme une métonymie de sa virginité.
Ce n’est pas l’imagination de Nonnos qui a inventé le rapport de Perséphone au tissage et qui l’a situé dans un espace rituel si précis. Un témoignage d’Apollodore d’Athènes nous permet de renforcer certains éléments que Nonnos situe déjà au centre de sa narration. Parmi les divers textes qui font allusion au tissage de Perséphone, le texte attribué à Apollodore est le plus explicite sur le rapport entre mythe et rituel. On y apprend que Déméter endeuillée dans son errance se rend à Paros où elle confie “le kalathos (panier à laine), le histos (métier à tisser) et les erga (ici, le tissu inachevé) de Perséphone” à soixante nymphes, les filles du roi de Paros, Melissos. Ce don marque un moment très important: en même temps que les travaux du métier divin, ces nymphes sont les premières à recevoir la révélation “de la passion et des mystères de Déméter”. D’elles les prêtresses de Déméter et les femmes célébrant les Thesmophories tiennent l’appellation d”’abeilles”. Le texte d’Apollodore implique le tissage de Perséphone dans la fondation des mystères et associe à cette activité les participantes au culte. [12]
Les testimonia orphiques mentionnent la Koré tisserande à plusieurs reprises. Proclus raconte que la tradition orphique admettait la coexistence de deux histoires: celle du viol de Koré par Zeus et celle de son rapt par Hadès. [13] Tel est, dit-il, “l’ordre double de Koré” (dittê korikê taxis) selon les théologiens d’Éleusis (c’est ainsi que Proclus nomme les Orphiques) : il y a une Koré qui reste “dans le monde” (ano menousa), dans la maison de sa mère, que celle-ci lui a préparée dans un endroit isolé; il y a l’autre qui “descend”, celle ravie par Pluton pour régner sur les morts. C’est en restant “en haut” (ano) que Perséphone s’adonne au tissage que ces textes qualifient de “fécond” ou “générateur” (O.P. 192 Kern, thèse p. 354). Nous reconnaissons ici des éléments que nous avons trouvés chez Apollodore et chez Nonnos. Proclus fournit l’association explicite de ce thème avec la théologie orphique, l’ascendance, en quelque sorte, du récit de Nonnos.
Le récit de Nonnos se réfère donc à l’une des deux versions orphiques du rapt, celle qui raconte l’union de Perséphone avec Zeus et la naissance de Zagreus, et dont fait partie le thème du tissage qui aboutit à une grossesse. Or, nous avons un autre texte qui pourrait avoir le même sous-texte que Nonnos, c’est l’Ion d’Euripide. Pour évoquer, dans la scène de la reconnaissance, la phase critique du rapt de Créuse ‘avant l’heure’, l’auteur se sert de références implicites au tissage rituel de l’Acropole. Les langes dans lesquels elle enveloppe l’enfant abandonné sont qualifiés d’ « œuvre de vierge, ἱστῶν παρθένευμα, 1425 », d’ « essai inachevé de la navette, οὐ τέλεον, οἷον δ´ ἐκδίδαγμα κερκίδος, v. 1419), et ils rappellent l’égide (1420-1421) . « Ion répète en l’inversant la naissance de l’autochtone primordial … sans cette dimension la pièce serait peut-être ce à quoi bien de lecteurs voudraient la réduire: un drame bourgeois ». [14] Si tout l’Ion est un pastiche, une répétition du mythe des Cécropides, la parure aussi prend tout son sens par rapport à la fonction vestimentaire de ces figures légendaires qui ont été les premières à tisser la laine en Attique et à s’occuper des parures divines. [15] En construisant autour de Créuse une symbolique évocatrice des premiers temps d’Athènes, Euripide emprunte des thèmes qui évoquent fortement le rapport des Cécropides à Athéna. Pour ce faire, il emprunte deux traits majeurs de la légende, la corbeille et le tissage. Du reste, Créuse devait aussi assumer la tache noble qui incombait aux filles du roi et dont les Arrhéphories étaient peut-être la réminiscence : d’assurer le culte de la déesse Poliade. Dans le cas de Créuse donc, le tissage n’évoque pas seulement le rite marquant le début du service des arrhéphores contemporain d’Euripide, mais restitue aussi le récit étiologique de cette coutume, qui se réfère aux gestes fondateurs du culte d’Athéna, confié jadis aux filles royales. [16]
Ion ou Zagreus sont donc représentés comme conçus en pleine arrhéphorie, dans un espace géré par Athéna. Ce lien du tissage à la virginité est un thème bien plus ancien, que ce même Nonnos développe ailleurs, mais qui se retrouve dans l’Hymne homérique à Aphrodite. En effet, plus loin dans les Dionysiaca, dans le chant 24 (v. 237–329), Nonnos utilisera de nouveau l’espace du métier à tisser pour dire l’opposition radicale entre travaux d’Athéna et ceux d’Aphrodite, mais aussi l’importance cosmique du tissage quand il se déroule dans la sphère divine.
Voyons maintenant les autres textes sur le tissage de Perséphone. Selon les différentes versions, la mise en scène du rapt se centre soit sur le métier à tisser (O.F., Nonnos, VI), soit sur la cueillette des fleurs (H.H.D.). Dans le texte de Diodore (V, 3, 4) les deux versions sont combinées: Perséphone a été ravie en Sicile, dans une plaine à floraison surnaturelle; là, les trois déesses “qui ont opté pour la virginité” -Perséphone, Athéna, Artémis- étaient occupées à cueillir des fleurs et à “tisser en commun le péplos pour leur père Zeus”. [17]
A plusieurs reprises les textes orphiques associent les deux déesses à Perséphone lors du rapt en mettant en avant leur virginité commune : [18] “en ce qui concerne Athéna et Artémis qui sont en elle, Koré demeure vierge” ou “Artémis et Athéna qui sont en elle sauvegardent sa virginité”; c’est la façon, désignée comme orphique par Proclus (O.F. 197 Kern), d’exprimer une composante essentielle du mythe de la Koré, son aspect “irréductible” de vierge. Les trois déesses se trouvent associées dans d’autres récits. L’H.H.D. mentionne la présence d’Athéna et d’Artémis lors du rapt au sein du récit de Perséphone (v. 424) il en va de même dans le fameux choeur de l’Hélène d’Euripide consacré à la arrhetos kourê. [19] La présence d’Athéna est associée aux thèmes majeurs de ce cycle rituel : par sa réaction violente lors du rapt elle participe à la colère de Déméter. Situer Perséphone dans la sphère de l’activité symbolique qui appartient en propre à Athéna – διαφερόντως τῆς ὑφαντικῆς προστατεῖν, disent les orphiques selon Proclus (O.F. 178 Kern)- c’est employer le mode allusif pour se référer à un thème d’importance théologique majeure : en introduisant “Aphrodite” dans le domaine des travaux virginaux, Zeus a rompu l’ordre établi dont il est le garant. Les différents récits ne parlent pas d’un conflit ouvert entre le Père et la Fille, mais il faudra le foudre de Zeus pour arrêter chez Artémis et Athéna les manifestations de solidarité virginale. [20]
Par ce thème le texte de Nonnos dessine un rapport proto-rituel entre Athéna et Perséphone, qui renvoie à un contexte précis, les Arrhéphories. Nous avons vu ce même noyau thématique dans d’autres textes antérieurs à Nonnos. Le rapport entre les deux déesses semble former le sens cardinal de ces récits, un rapport étroit qui vise, via la référence au rituel arrhéphorique, de souligner le thème du caractère virginal des déesses, si important en milieu athénien, comme D. Frame l’a montré récemment dans Hippota Nestor.
Pour renforcer l’hypothèse du sous-texte, je terminerai en revenant sur ce texte, très connu et très débattu, de Clément d’Alexandrie, qui va dans le sens d’une ‘rencontre’ entre Athéna et Perséphone dans le cycle rituel démétriaque. Dans le Protreptique, où Clément dénonce l’absurdité et l’impiété toute païenne des différents mystères à travers leurs caractéristiques mythiques et rituelles, il commence ainsi son récit sur Perséphone: “Voulez-vous que je vous raconte aussi la cueillette des fleurs par Phéréphatta, sa corbeille (kalathos), [21] le rapt accompli par Aidoneus, la déchirure de la terre, les pourceaux d’Eubouleus engouffrés avec les deux déesses, -ce pourquoi, aux Thesmophories, on jette dans les “megara” des porcelets? C’est ce mythe que les femmes célèbrent de diverses façons partout dans la polis, [22] Thesmophories, Skirophories, Arrhétophories- représentant (ektragôdousai) de façon variée l’enlèvement de Phérephatta”. [23] Les témoignages que nous avons exposés donnent un contenu plus explicite au texte de Clément, si on admet que le tissage arrhéphorique est le sous-texte de ces versions. On peut dès lors dire que ce texte synthétique et cryptique de Clément contient deux allusions à la contiguité des deux cycles rituels : la mention du kalathos de Perséphone et la dernière phrase, plus claire, où les Arrhéphories sont associées au cycle de deuil rituel féminin pour l’enlèvement de Perséphone.
Cet ensemble de témoignages suggère de façon plus concrète un point de rencontre au moins entre le cycle rituel de Déméter et de Perséphone et celui d’Athéna à Athènes: l’entrée en service des Arrhéphores. Ainsi à partir du thème textuel des activités textiles, nous avons tenté de reconstruire un sous-texte pour cette interférence entre le cycle rituel du pépIos d’Athéna et les fêtes de Déméter, mais on ne sait point comment cela se traduisait au niveau héortologique. Pour reprendre donc une phrase classique de Jane Harrison, sous certains aspects, les Arrhéphories sont “les Thesmophories des jeunes filles”. Or, les Abeilles de Déméter ont comme modèle mythique les soixante filles du roi Mélissos, un choeur de nymphes, qu’abrite encore le foyer paternel. Les épouses officiantes des Thesmophories ont donc une double référence à la chasteté: l’abstinence sexuelle requise pour cette fête et le prototype des Abeilles tisserandes de l’histos de Perséphone. Étonnante association que cette dernière quand on sait que le tissu sur lequel Koré a oeuvré est le pépIos d’Athéna! Entre Arrhéphories et Thesmophories, le thème du rapport négatif à l’éros apparaît comme concept médiateur important.
Les travaux récents de Gregory Nagy sur Homère et Athènes postulent une grande influence de la poésie homérique sur la vie rituelle, culturelle et politique athénienne. Comme le montre également l’analyse de Gregory Nagy à propos du péplos que les Troyennes offrent à Athéna, le tissage à Athènes, surtout avec des références rituelles si précises, est un thème poétique particulièrement prégnant : En ce qui concerne la patronne du tissage, Athéna, Douglas Frame montre, dans son nouveau livre (p.400sq), que cette insistance sur une déesse vierge farouche et guerrière (au dépens d’Athéna-Meter) est caractéristique des réformes religieuses et politiques dans l’Athènes du 6e siècle. De même que pour le chant iliadique du péplos, nous avons défini un sous-texte pour la configuration de Perséphone chez Nonnos. Dans ce cas aussi l’activité de Perséphone prend son sens par le sous-texte désignant une autre occasion rituelle, non dissociée des Panathénées, au contraire: c’est le moment solennel de la mise sur le métier du péplos, lors de la fête des Chalkeia à la fin du mois d’Octobre.
À la Perséphone stérile, épouse d’Hadès, “les théologiens” juxtaposent la mère de Dionysos Zagreus ou des Euménides. Pour raconter le mythe de la vierge ravie avant l’heure et qui enfante, telle Perséphone ou Créuse, les textes orphiques développent le thème d’un tissage fécond effectué “à la saison d’Aphrodite”. Ceci ne fait que renforcer l’idée de la rupture violente de la virginité. Car, chaque fois qu’Aphrodite se mêle des travaux virginaux, des bouleversements secouent le monde divin et ceci semble bien être un thème important à Athènes: dans la ville de Pallas la laine est impliquée aussi bien dans la naissance de Dionysos que dans celle d’Erichthonios, indiquant que le tissage occupe une place importante dans les hieroi logoi d’Athènes.

2. Isis tisserande sur la tunique historiée de Saqqara: Perséphone arrhéphore en filigrane ?

Deux documents iconographiques multiculturels à peu près contemporains nous offrent l’occasion de replacer les observations de Ioanna Papadopoulou sur Perséphone en contexte égyptien. Le premier décore une tombe d’époque romaine à Kom El-Chougafa, nécropole d’Alexandrie. Il s’agit d’une peinture murale qui met en scène le rapt de Corè. De style grec, il est mis en parallèle, par le programme décoratif, avec une scène d’embaumement d’Osiris de facture égyptienne : en effet, il occupe la partie centrale d’une série de trois panneaux, dont systématiquement le registre inférieur illustre trois étapes du changement de statut de Corè, tandis qu’au registre supérieur se succèdent trois moments de la transfiguration d’Osiris. Le second se constitue de deux scènes superposées ornant l’une des deux faces de la tunique historiée de Saqqara. De style égyptien, il intègre des éléments d’origine grecque dans sa composition. Le premier est issu d’un monument funéraire. La robe qui porte le second, trouvée dans une tombe du 2e siècle, a vraisemblablement été utilisée dans le cadre de cérémonies solennelles, voire initiatiques.

A. Le rapt de Corè, dans la nécropole alexandrine de Kom el-Chougafa, fin 1er – 2e siècle de notre ère ?

En 1997, Anne-Marie Guimier-Sorbets et Mervat Seif El-Din procèdent à une couverture photographique sous un éclairage ultra-violet et révèlent ainsi, quasi invisibles à l’œil nu, deux exemplaires de tableaux peints en deux registres sur trois murs attenants. Ces deux groupes de trois parois décorent de manière analogue deux tombes voisines, dans le deuxième hypogée de Kom el-Chougafa et des critères stylistiques permettent de dater l’ensemble de la fin du 1er siècle ou du cours du 2e siècle de notre ère. [24] Le registre inférieur se répartit trois épisodes mythologiques grecs de l’enlèvement de Corè par Hadès, en un développement narratif à suivre de gauche à droite. Le registre supérieur en revanche, qui évoque l’embaumement et l’intronisation d’Osiris, est caractérisé par une structure symétrique.
Le tableau suivant schématise la répartition des thèmes dans les trois panneaux osiriens des tombes T1 et T2 : [25]

T gauche centre droite
1 Thot présente à Osiris (orienté à dr.) nanti des regalia le faucon d’or, qui évoque la transmission légitime de la royauté solaire. Entre les deux dieux trônant se profile le reliquaire osirien d’Abydos Anubis momifie Osiris, qu’Isis et Nephthys entourent de leurs ailes. Aux extrémités de la scène se dressent le roi (à g.) et Horus (à dr.), nantis des regalia Osiris (orienté à g.) debout entre une déesse léonine et un dieu adolescent
2 Osiris (orienté à g.) est debout entre Isis et Thot, ce dernier lui présentant le faucon d’or) voir T1 ci-dessus Osiris (orienté à dr.) debout entre une déesse léonine et Ptah ( ?) portant la couronne Tjenen

Dans les panneaux latéraux, Osiris est orienté en miroir. Dans la T1, il est tourné vers le centre, dans la T2, il l’est vers l’extérieur. Cette disposition accentue l’effet général de symétrie autour du lit funéraire et d’Anubis. La momification, qui s’opère en présence des deux pleureuses et des héritiers –Horus et le roi-, et dont la mise en scène est scandée par trois couronnes royales –sur les têtes d’Anubis, d’Horus, du roi-, apparaît ainsi comme l’événement fondateur de l’épiphanie royale d’Osiris.

Le registre inférieur est consacré à trois moments successifs de la geste de Corè.
Sur la paroi de gauche, en présence d’un dieu fleuve et de nymphes, la jeune déesse cueille des narcisses.
La scène médiane se structure autour d’Aphrodite et d’Éros, qui en occupent le centre et dont la position axiale est le pendant de celle d’Anubis et du lit funéraire dans le registre égyptien. À l’extrémité gauche, Artémis et Athéna pointent leurs armes vers l’extrémité droite, vers le char dans lequel Hadès emporte une très rétive Corè.
La troisième partie, à dextre, ne sera pas évoquée, car elle a récemment fait l’objet d’une couverture photographique renouvelée, qui en modifie la compréhension et dont la publication est en chantier. [26]
QP Papadopoulou fig1aQP Papadopoulou fig1b

Paroi centrale de la tombe T2 : Guimier-Sorbets et Seif El-Din p. 360 fig. 2 et p. 374 fig. 14-15 (restitution) [27]

En juxtaposant les scènes égyptiennes et grecques, le programme iconographique des deux tombes impose de comparer Perséphone et Osiris. L’interpretatio graeca de divinités égyptiennes recourt volontiers à la distorsion lorsque identifier les divinités des deux cultures pose problème par la différence de rôle ou de sexe au sein de leurs familles respectives. La traduction ne peut se faire terme à terme et n’a pas de valeur absolue. Il en va ainsi d’Isis et de Perséphone et Déméter et des parèdres masculins : dans la tradition égyptienne, la divinité qui meurt et renaît est le masculin Osiris, tandis que celle qui subit un sort équivalent dans la mythologie grecque est la féminine Perséphone, fille de Déméter. Aussi les traductions de dieux sont-elles relatives, souvent très localisées dans le temps et l’espace mythiques et nécessairement adaptées à un contexte très circonscrit. Comme roi des morts, Osiris est Hadès, mais comme dieu mourant, fragmenté, reconstitué, lié au retour de la végétation, renaissant, il est Dionysos. Isis en quête des membres d’Osiris est assimilée à Déméter cherchant désespérément sa fille, mais en tant qu’épouse d’Osiris roi de l’au-delà, elle est alors Perséphone. Dans le cas présent, Perséphone au registre inférieur et Osiris au registre supérieur semblent plutôt se répartir deux secteurs complémentaires, la terre et le ciel. À la déesse grecque revient la nature terrestre, la maîtrise du sol et de ce qu’il recouvre ; le dieu égyptien resurgit en héritier du trône solaire et sa domination s’étend sur les espaces célestes. Ce partage est certes une manière originale de confronter les deux patrimoines culturels, mais leur disposition sur les parois, le terrestre en bas, le céleste en haut, correspond à un topos de l’art pariétal égyptien. Le parallélisme entre les deux modes d’expression infère le rapport suivant : Anubis et le lit funéraire est au changement de statut d’Osiris ce qu’Aphrodite et Éros sont au changement de statut de Perséphone. La question suivante mérite alors d’être posée : l’association alexandrine entre ces deux représentations mythiques, issues tant pour la forme que pour le contenu de cultures différentes, est-elle le fruit d’un exercice intellectuel ou d’un jeu artistique? Alexandrie est un milieu urbain sophistiqué, où le long côtoiement des Grecs et des Égyptiens a favorisé les comparaisons culturelles, en particulier dans les domaines de l’idéologie royale et des croyances funéraires. Au 2e siècle de notre ère, le recours à l’interpretatio a eu eu le temps de mûrir. C’est ce que montre déjà la subtile combinaison des gestes de Déméter et d’Isis en quête, que nous offre Plutarque peu auparavant. [30] L’ancienneté du cosmopolitisme local et de la politique scientifique et théologique afférente, mise en œuvre depuis l’aube des Lagides, concourent à faire penser que le parallélisme mis en scène entre Corè et Osiris a été l’objet d’une spéculation religieuse soigneusement méditée.

B. Isis-Perséphone sur la tunique historiée de Saqqara [31]

QP Papadopoulou fig2

Le Caire JE 59117. Cliché Musée du Caire©Ahmed Amin (2009).

La coupe de la robe ne permet pas d’y distinguer un avant d’un arrière. Une face a la déesse Maât pour motif récurrent, l’autre, la théogamie d’Isis. C’est cette dernière qui retiendra notre attention.
Avant d’aborder le contenu, il convient de s’interroger sur la fonction de ce vêtement. Il est peu probable que la tunique ait été retrouvée en situation primaire et réalisée dans un but funéraire. Divers indices concourent à lui prêter un rôle cérémoniel important. Kakosy évoque à ce propos la stola Olympiaca qu’arbore Lucius quand il se manifeste solennellement en initié d’allure solaire aux mystères isiaques :
Et umeris dependebat pone tergum talorum tenus pretiosa chlamida. Quaqua tamen viseres, colore vario circumnotatis insignibar animalibus ; hinc dracones indici, inde grypes Hyperborei, quas in speciem pinnatae alitis generat mundus alter. Hanc Olympiacam stolam sacrati nuncupant. At manu dextera gerebam flammis adultam facem et caput decore corona cinxerat palmae candidae foliis in modum radiorum prosistentibus. Sic ad instar Solis exornato me et in vicem simulacri constituto, repente velis reductis, in aspectum populus errabat. “Et de mes épaules pendait dans mos dos, jusqu’aux talons, un manteau précieux. Où que l’on regardât, je me distinguais par les dessins d’animaux aux couleurs variées dont j’étais entouré. Ici des dragons indiens, là des griffons du lointain nord, qu’un autre monde (que le nôtre) dote d’ailes emplumées. Les initiés l’appellent la robe olympienne. Mais dans ma main droite je portais une torche flamboyante et ma tête était ceinte d’une élégante couronne de palmes d’un blanc éclatant, dont les feuilles saillaient comme des rayons. Alors que j’étais ainsi orné comme le Soleil et placé comme une statue, soudain les rideaux furent tirés et le peuple de marcher pour me contempler”.[33]
On reconnaît sur cette stola divers êtres fantastiques déployés sur la tunique de Saqqara. Le caractère solaire correspond à une constellation de motifs parsemant les deux scènes, comme nous le verrons.
Un rapprochement s’impose encore plus étroitement avec une autre robe, également repérée par Kakosy, que nous décrit un hymne magique à Apollon, originaire de Thèbes et remontant au 4e siècle de notre ère.
σὺ τὸ ἱερὸν ὄρνεον ἔχεις ἐν τῇ στολῇ ἐν τ[οῖς π]ρὸς ἀπηλιώτην μέρεσιν τῆς ἐρυθρᾶς θαλάσσης, ὥσ[περ ἔ]χεις ἐν τοῖς πρὸς βορρᾶ μέρεσι μορφὴν νηπίου παιδὸς ἐπὶ λωτῷ καθημένου, ἀντολεῦ, πολυώνυμε, σενσενγεν· βαρφαραγγης· ἐν δὲ τοῖς πρὸς νότον μέρεσι μορφὴν ἔχεις τοῦ ἁγίου ἱέρακος, δι’ ἧ͂ς πέμπεις τὴν εἰς ἀέρα πύρωσιν, τὴν γινομένην λερθεξ αναξ· ἐν δὲ τοῖς πρὸς λίβα μέρεσι μορφὴν ἔχεις κροκοδείλου, οὐραν ὄφεως, ἔνθεν ἀφιῶν ὑετοὺς καὶ χιόνας· ἐν τοῖς πρὸς ἀπηλιώτην μέρεσιν δράκοντα ἔχεις πτεροφυῆ, βασίλειον ἔχων ἀεροειδῆ, ᾧ κα[τα]κρατεῖς τοὺ<ς> ὑπ’οὐρανοῦ καὶ ἐπὶ γῆς ἐ<ρ>ισμούς· θεὸς γὰρ ἐφάνης τῇ ἀληθείᾳ·
(en italique : les formules magiques)
“Tu as l’oiseau sacré sur ta robe dans les régions orientales de la mer Rouge, tout comme dans les régions boréales tu as la forme d’un enfant en bas âge assis sur un lotus, ô Émergeant Polyonyme, Sensengen Barpharanges ; dans les régions australes tu as la forme du faucon sacré, par laquelle tu projettes la chaleur dans l’air, celle qui devient Seigneur Lerthex ; dans les régions du (sud-)ouest, tu as la forme d’un crocodile, une queue de serpent, envoyant alors pluies et neiges ; dans les régions orientales, tu as (la forme) d’un serpent ailé, portant une couronne qui a l’apparence de l’air, avec laquelle tu maîtrises les querelles sous le ciel et sur la terre, car tu t’es manifesté comme dieu en vérité”. [34]
Même si la tunique de Saqqara possède son propre programme décoratif, les points communs entre les deux scènes et cette description sont évidents : oiseau sacré, enfant assis sur le lotus, crocodile hybride à queue de serpent, ainsi que des motifs présents sur l’autre face de la robe. La formule “tu t’es manifesté comme dieu en vérité”, relative au porteur de l’apparât apollinien, paraît également convenir aux deux surtouts qu’endossent Lucius et sans doute le défunt de Saqqara, en évoquant la splendeur d’une épiphanie. On songera volontiers à un contexte initiatique, tel celui du héros d’Apulée, mais une sortie processionnelle à l’occasion d’une grande fête divine constituerait également un cadre adéquat. Rappelons par ailleurs que le prêtre égyptien subit une initiation professionnelle, [35] ce qui constituerait également une situation appropriée au port d’un vêtement au décor théologique.
Résumé des deux scènes superposées. [36]
A. Scène inférieure : Le panneau entier a pour thème central la théogamie, qui se développe sous deux aspects complémentaires dans les deux registres.
Au centre de la scène inférieure, un fourré marécageux abrite l’union d’Isis et du serpent Sérapis. Au-dessus d’eux plane leur rejeton en disque solaire ailé. Le bosquet est flanqué symétriquement des déesses tutélaires de l’Égypte, Nekhbet à gauche et Outo à droite. Toutes deux sont tournées vers l’extérieur, face à un petit autel soutenant l’hydrie des humeurs d’Osiris au pouvoir régénérateur. [37] Elles adressent un geste d’adoration à des entités fantastiques qui constituent des formes alternatives au dieu naissant.
À gauche, face à Nekhbet de Haute Égypte, un crocodile à queue de serpent, dont la tête consiste en un scarabée ailé, évoque l’émergence au sein des eaux du disque solaire qui figure à l’aplomb. À l’extrême gauche plane le disque lunaire, dans lequel Isis est accroupie en position de parturiente ; elle met au monde le croissant lunaire qui est représenté au-dessus de sa tête, entouré de sept planètes. L’association entre jeune soleil et jeune lune est largement illustrée dans les temples et tombes des époques tardives d’Égypte, [38] où elle se réfère au renouveau quotidien et mensuel.
À droite, face à Outo de Basse Éypte se dresse un “oiseau sacré” composite, un échassier à tête de vautour, sans conteste une représentation du phénix. Sa relation au temps, et en particulier au temps long, a été évoquée par Hérodote, [39] et elle est rendue par divers procédés. Le nombre douze, qui caractérise les rochers du tertre-perchoir, suggère probablement les douze mois de l’année. La tête du volatile est reprise au vautour. Or, à l’époque gréco-romaine, le hiéroglyphe du vautour désigne souvent l’année. [40] Ajouté aux douze rochers de la butte, ce signe confirme la symbolique annuelle dont le phénix est porteur. Relié par sa nature d’échassier au milieu aquatique et par là à la venue récurrente de la crue en juillet, cet oiseau fabuleux connote aussi la grande période sothiaque de 1460 années, dont le renouvellement a été célébré de manière grandiose en 139. [41] Le nombre sept, illustré par les στέμματα de la butte et les rayons du disque autour de la tête, évoque pour sa part le thème de la naissance. [42] Le parallélisme entre les deux côtés du tableau correspond à un topos des décors des temples et tombes : aux naissances quotidienne du soleil et mensuelle de la lune répondent les naissances annuelle et sothiaque du phénix. Le balancement de ces trois motifs semble hérité de la tradition égyptienne, qui oppose volontiers les événements diurnes voire célestes et nocturnes voire infernaux, en particulier dans le parcours nycthémérique du soleil. Isis et Sérapis renouvellent ainsi perpétuellement la conception de leur rejeton, -un Osiris régénéré-, Horus Béhédéty sous sa forme canonique de disque solaire ailé, en s’adaptant aux divers cycles du calendrier cosmique.
B. Le tableau supérieur.
Un crocodile hiéracocéphale ailé présente la canne des années à une triade orientée à gauche. Sa forme suggère, comme dans la scène inférieure, la naissance du soleil au sein des eaux. L’enfant solaire est d’ailleurs représenté accroupi sur un lotus, dans un disque radié, à l’aplomb des ailes de l’hybride.
Le champ réservé à la triade est malheureusement mutilé. Mais il subsiste assez d’éléments pour en permettre l’interprétation. De manière insolite, le premier membre, une déesse trônant, passe la navette dans une trame de douze fils accrochés à son pied droit. Le deuxième personnage est un dieu-enfant debout, ceint de la cape caractéristique de son âge. La couronne du troisième est celle du dieu Amon. Cette composition permet de reconnaître en l’occurrence une triade mammisiaque, sur un modèle qui permet par exemple à Alexandre d’être présenté comme le fruit de l’union d’Olympias et de Zeus-Amon, ou mieux encore, à Héraclès d’être le fils de Zeus, qui prit pour l’engendrer la forme de l’époux d’Alcmène, et ce dernier point est important pour définir de la théologie mammisiaque. Selon une tradition particulièrement bien attestée dans la Thèbes du Nouvel Empire, Amon, roi des dieux prend la forme du roi pour engendrer l’héritier royal, assurant ainsi sa légitimité. À la Basse Époque, cette tradition s’est transférée dans le domaine divin. [43] Les grands temples tardifs sont alors dotés d’un mammisi, temple de naissance du dieu-enfant local, dans lequel Amon prend la place du dieu-père. Dans le cas présent, l’identité de l’enfant ne fait aucun doute. En effet, derrière Amon se trouve un serpent hiéracocéphale coiffé de la double couronne et se lovant sur un fourré. La tête du faucon associée à cette couronne est incontestablement celle d’Horus. La déesse est donc Isis, engendrant Horus comme héritier de la royauté. Ce dernier est présent sous trois formes complémentaires : (a) le bambin solaire accroupi dans le disque radié, (b) l’enfant debout entre ses géniteurs, dont malheureusement les attributs spécifiques ont disparu, et (c) le faucon au corps de serpent agathodémon. Les trois thèmes mis ainsi en évidence sont un topos de l’idéologie royale : (a) le roi est un jeune soleil, (b) il est l’héritier légitime de parents royaux et (c) il assure l’opulence du pays. Le crocodile hiéracocéphale agit en dieu du destin présidant à la naissance en garantissant la longévité au nouveau-né. Et Isis dispose assurément du destin, elle aussi. [44]
Or Isis tisse. Cette activité lui est certes familière. Avec sa soeur Nephthys, elle réalise des étoffes divines, royales, funéraires, assurant toutes la protection de leur porteur. [45] Mais la représentation de la trame accrochée au pied de la tisseuse est tout-à-fait exceptionnelle, un unicum dans l’iconographie égyptienne, et il faut donc vraisemblablement en chercher la racine dans la culture grecque.
Athéna, les Moires, sont des tisserandes. Mais Perséphone aussi, à laquelle Isis est couramment assimilée. Selon les Dionysiaques de Nonnos de Panopolis, rédigées à Alexandrie au milieu du Ve siècle, dans un texte dont Ioanna Papadopoulou commente la coloration orphique et démétrienne, Coré-Perséphone, confinée par sa mère dans un antre obscur gardé par des nymphes et deux serpents, munie du peigne-kteis à carder, met le péplos de sa demi-sœur Athéna sur le métier et commence à le tisser. Le tissage est fécond en l’occurrence, car Zeus-serpent s’unit alors de force à la jeune fille pour engendrer Dionysos Zagreus, bambin capable d’emblée de grimper au sommet de l’Olympe et de brandir le foudre de son père, et divinité interprétée par ailleurs comme une forme d’Osiris. [46]
On ne peut s’empêcher de constater des coïncidences remarquables entre l’épisode raconté par Nonnos et l’imagerie de la tunique. Dans le tableau inférieur, Sérapis s’unissant à Isis arbore seul la forme ophidienne, alors que par ailleurs le couple est très fréquemment représenté comme deux serpents. [47] Sérapis est Osiris, assurément, mais il s’apparente autant à Zeus cosmocrator qu’à Hadès. [48] La théogamie d’Isis et de Sérapis semble ainsi l’écho de l’union entre Perséphone et son père Zeus-serpent.
Au moment où Zeus s’empare de Perséphone, celle-ci vient de commencer à tisser le péplos de sa sœur Athéna, en accrochant la trame. C’est à Athènes que le lien entre le métier à tisser et le corps féminin est un motif bien enraciné ; [49] sur l’étoffe de Saqqara, il est souligné par le raccord extravagant de la trame au pied de la tisseuse, véritable hapax dans l’iconographie égyptienne du tissage, qu’il soit divin ou humain. La scène supérieure sert de cadre à la théogamie mammisiaque unissant Isis à Amon, et l’on sait que celui-ci est interprété comme la forme égyptienne de Zeus par excellence. Le métier arrimé au pied de la déesse montre une toile juste commencée, dont seuls les fils verticaux sont visibles. Il est donc probable qu’Isis est présentée en l’occurrence comme une forme de Perséphone “arrhéphore » [50] mettant sur le métier, à l’heure où Zeus-Amon survient pour engendrer son héritier, un péplos orné d’une imagerie d’importance cosmique.
L’image de Perséphone tisserande a sans doute circulé en Égypte et le statut de l’étoffe tissée a sûrement son importance, ainsi que celui de son peigne-kteis à carder. Or ce peigne apparaît également entre les mains de Neith, déesse démiurge selon la théologie d’Esna. Dans une formulation aussi insolite que la représentation d’Isis-tisseuse, Neith apparaît comme “celle qui divisa (fdq) le peigne de son métier à tisser (mr⸗ s) entre les cinq qui habitent le ciel et la terre”. [51] Peut-être la métaphore d’Esna, liant tissage et destin, s’explique-t-elle par le filigrane d’une Perséphone attelée à un métier au contenu cosmique.

Footnotes

[ back ] 1. “Éléments orphiques chez Homère”, Kernos, 14 (2001), p. 1-9. Je cite la définition d’’orphique’ que G. Nagy emploie dans cet article : “Par ‘orphique’, j’entends ici simplement tout trait que ces éditeurs peuvent avoir considéré comme relevant du personnage d’Orphée”.
[ back ] 2. G. Nagy, Homer the Classic, Washington, 2009 (cité ici HC), ch.4; Homer the Preclassic, Berkeley, 2010 (cité ici HPC), ch.9, 10 (édition en ligne : https://chs.harvard.edu/wa/pageR?tn=ArticleWrapper&bdc=12&mn=3247 et https://chs.harvard.edu/wa/pageR?tn=ArticleWrapper&bdc=12&mn=3285 respectivement). Le renouvellement périodique du tissage du péplos est l’équivalent de la “re-performance” de la poésie homérique, récitée lors de la même fête, cf. G. Nagy, « The Performing and the Reperforming of Masterpieces of Verbal Art at A Festival in Ancient Athens », Athens Dialogues E-journal, Logos and Art Session ; http://athensdialogues.chs.harvard.edu/cgi-bin/WebObjects/athensdialogues.woa/wa/dist?dis=48 (avec des précisions bibliographiques utiles).
[ back ] 3. J’emploie le terme ‘cycle rituel’ par prudence. Le problème est connu, il est parfois difficile de situer avec certitude au sein d’une fête les divers rites auquels font allusion les témoignages, ou de se prononcer sur le patronage de la fête, p.e. les Skirophories, associées aussi bien à Déméter qu’Athéna, voir la discussion récente de D. Frame à ce propos (Hippota Nestor, Washington, 2009), ch. 3, p. 433 sq.
[ back ] 4. I. Papadopoulou, L’art de Pandora : La mythologie du tissage en Grèce ancienne, Paris, EHESS, 1992.
[ back ] 5. Antre des Nymphes, 13-14.
[ back ] 6. Voir l’ étude détaillée des temoignages par I. M. Linforth, The Arts of Orpheus, Berkeley-Cambridge, 1941, p. 310 sq., la reprise du dossier par R. Edmonds, (“Tearing Apart the Zagreus myth: A Few Disparaging Remarks on Orphism and the Original Sin”, CA , vol. 18(1), Avril 1999, p. 35-72), et la critique de A. Henrichs, «Dionysos Dismembered and Restored to Life: the Earliest Evidence (OF 59 I-II) », in M. Herrero de Jáuregui et al. (éd.), Tracing Orpheus, Berlin, 2011, p. 61-66. Voir aussi R. Garcia-Gasco Villarubia, « Titans in Disguise: the Chalk in Myth and Ritual (OF 308) » (ibid., p. 111-117).
[ back ] 7. HPC, ch. 9, HC, ch.4.
[ back ] 8. Souda, s.v. Χαλκεῖα ; Etymologicum magnum, 149, 9, 805,46 ; Harpocration, s.v. ἀρρηφορεῖν.
[ back ] 9. Voir infra.
[ back ] 10. W. Burkert a critiqué longuement la théorie naturaliste (« La saga delle Cecropidi e le Arreforie : Dal rito di iniziazione al festa delle Panatenee », in M. Detienne (éd.), Il mito : guida storica et critica, Bari, 1975, p. 25-49, not. p. 28-35). Il a resitué le signifié de la fête dans le cadre des mythes civiques sur la fondation d’Athènes.
[ back ] 11. Souda, s.v. προτόνιον, Photius, s.v. προτόνιον. Selon Burkert l’objet caché ferait référence aux aventures autour de la corbeille d’Erichthonios, la descente nocturne serait donc une initiation à l’éros et à la procréation. Lire aussi les réserves de Claude Calame, Chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, I, Rome, 1977, p. 237-238, qui refute l’idée d’une initiation à l’éros, car dans cet ensemble la sexualité lui semble marquée d’un signe négatif.
[ back ] 12. Apollodore d’Athènes, FGrHist 244F 89. M. Detienne, “Orphée au miel”, QUCC, 12 (1971), p. 7-23. Voir aussi le commentaire de F. Schironi sur ce texte qui est une glose (Glossaire dans p.Ox.XV 1802), dans F. Schironi, From Alexandria to Babylon, Berlin, 2009, p. 84-86.
[ back ] 13. O. Kern, OF 195, 197, 198. Notons que si le nom de Zagreus n’y est pas, le motif du tissage est central. W.K. Guthrie, Orpheus and Greek religion, Londres, 1952, p.134.
[ back ] 14. N. Loraux, Les enfants d’Athéna, Paris, 1981, p. 207-209. Ateles ekdidagma, le tissu détourné est un tissu qui n’a pas atteint son telos. “Il n’est jusqu’à l’‘imperfection’ de ses ouvrages de jeune fille … qui ne dise son échec : échec de l’arrhéphore qui n’est pas allée au bout de sa tâche, peut-être, mais aussi, indissociablement, échec de la victime d’Apollon à quitter le statut de parthénos pour entrer dans le mariage”, ibid. p. 242.
[ back ] 15. Philochore, FGrHist 328 F 10.
[ back ] 16. Euripide est le seul auteur de la période classique, parvenu jusqu’à nous, qui fasse du tissage en l’honneur d’Athéna un objet poétique. Dans Hécube (466-474), il décrit l’imagerie du péplos panathénaïque, quand, à travers le thème de la reconnaissance dans l’Ion, il joue sur cette coutume bien athénienne du tissage consacré à Athéna.
[ back ] 17. μυθολογοῦσι δὲ μετὰ τῆς Κόρης τὰς τῆς ὁμοίας παρθενίας ἠξιωμένας Ἀθηνᾶν τε καὶ Ἄρτεμιν συντρεφομένας συνάγειν μετ´ αὐτῆς τὰ ἄνθη καὶ κατασκευάζειν κοινῇ τῷ πατρὶ Διὶ τὸν πέπλον.
[ back ] 18. Comme le dira Claudien, pour expliquer le secours porté par les déesses à Perséphone : “stimulat communis in arma virginitas”, De raptu Proserpinae II, 207-208.
[ back ] 19. N.J. Richardson, The Homeric Hymn to Demeter, Oxford, 1974, p. 82-83 et p. 290 pour les problèmes “d’authenticité” que ce vers pose.
[ back ] 20. Pour une discussion des sources, voir N.J. Richardson, op. cit., p. 79-80. Sur Proclus et l’orphisme voir L. Brisson, Orphée et l’orphisme dans l’antiquité gréco-romaine, Norfolk, 1995, p. 43 sq.
[ back ] 21. Suite à l’étude des autres témoignages, je n’interprète pas la kalathos comme une métonymie pour les fleurs mais comme une référence discrète à l’histoire du tissage/filage (les fleurs peuvent être une métonymie pour le tissage, voir G. Nagy, HPC, ch.10). Je développe ce point in extenso dans ma thèse en y ajoignant une discussion sur l’Hymne à Déméter ou au Kalathos de Callimaque.
[ back ] 22. Le texte dit kata polin; on peut le traduire soit comme distributif (‘cité par cité’), soit au sens spatial (“sur tout l’espace de la cité”); J. Harrison (Prolegomena in the History of Greek Religion, Cambridge, 1903, p. 131) traduit “in the city”.
[ back ] 23. Protreptique II, 17, 2. βούλει καὶ τὰ Φερεφάττης ἀνθολόγια διηγήσωμαί σοι καὶ τὸν κάλαθον καὶ τὴν ἁρπαγὴν τὴν ὑπὸ Ἀιδωνέως καὶ τὸ χάσμα τῆς γῆς καὶ τὰς ὗς τὰς Εὐβουλέως τὰς συγκαταποθείσας ταῖν θεαῖς, δἰ ἣν αἰτίαν ἐν τοῖς Θεσμοφορίοις μεγαρίζοντες χοίρους ἐμβάλλουσιν; ταύτην τὴν μυθολογίαν αἱ γυναῖκες ποικίλως κατὰ πόλιν ἑορτάζουσι, Θεσμοφόρια, Σκιροφόρια, Ἀρρητοφόρια, πολυτρόπως τὴν Φερεφάττης ἐκτραγῳδοῦσαι ἁρπαγήν.
[ back ] 24. A.-M. Guimier-Sorbets & Mervat Seif El-Din, “Les deux tombes de Perséphone dans la nécropole de Kom El-Chougafa à Alexandrie”, BCH 121, 1 (1997), p. 355-410.
[ back ] 25. Voir Fr. Labrique, “Quelques documents iconographiques mixtes d’Égypte”, dans D. Boschung et Cl. Riehl, Historische Mehrsprachigkeit, ZSM-Studien (Schriften des Zentrums Sprachenvielfalt und Mehrsprachigkeit) 4, 2011, p. 7-20.
[ back ] 26. La remarquable et fructueuse enquête de A.-M. Guimier-Sorbets et de Mervat Seif El-Din se poursuit à l’aide d’un nouveau raffinement technique inventé l’an dernier, qui affecte principalement la lecture du panneau de droite. Les deux auteurs nous réservent un article imminent sur leurs découvertes.
[ back ] 27. Voir aussi I. Kaplan, Grabmalerei und Grabreliefs der Römerzeit, Beiträge zur Ägyptologie 16 (1999), pl. 46.
[ back ] 30. Voir par exemple Fr. Labrique, “La chevelure des servantes de la reine de Byblos: un rite égyptien en filigrane? (Plutarque, De Iside et Osiride, 15)”, dans Religion und Philosophie im Alten Ägypten, Festschrift Philippe Derchain (Orientalia Lovaniensia Analecta 39), 1991, 203-207.
[ back ] 31. Paul Perdrizet, “La tunique liturgique historiée de Saqqara”, Mon. Piot 34, 1934; Fr. Labrique, “La tunique historiée de Saqqara : Maât-Alêtheia vs. Isis-Perséphone”, à paraître dans Frédéric Colin, Olivier Huck, Sylvie Vanséveren (éd.), Interpretatio et emprunt : traduction de notions culturelles dans les civilisations de l’Antiquité (Égypte, Proche-Orient, Anatolie, Grèce et Rome), Études d’Archéologie et d’histoire ancienne, Strasbourg.
[ back ] 33. Apulée, Métamorphoses XI 24 : L. Kakosy, “Une tunique solaire à Saqqara”, Studia Aegyptiaca II 1976, p. 196.
[ back ] 34. Pap. Berlin P. 5026 : Hymne à Apollon (PGM II 104 sq, vol. I2 p. 26 sq. En italique : formules magiques ; L. Kakosy 1976 : 193-196. Nous avons découpé l’extrait un peu plus loin que Kakosy.
[ back ] 35. Joachim Fr. Quack, “Königsweihe, Priesterweihe, Isisweihe”, dans J. Assmann & Martin Bommas (éd.), Ägyptische Mysterien ?, Munich 2002, p. 95-108.
[ back ] 36. Pour les détails de l’analyse : voir Fr. Labrique, “La tunique historiée de Saqqara : Maât-Alêtheia vs. Isis-Perséphone “, à paraître dans Études d’Archéologie et d’histoire ancienne, Strasbourg.
[ back ] 37. M. Weber, Aegyptus in nummis, Collezioni Numismatiche 7, 2008, p. 245-247, renvoyant aux descriptions d’Apulée, Met. XI 11,3-5 et de Plutarque, De Iside 36. Voir aussi, sur le rapport entre les rites de l’eau, Osiris et la montée de la crue au Nouvel An, Cl. Traunecker, « Les rites de l’eau à Karnak, BIFAO 72, 1972, p. 231-235.
[ back ] 38. Fr. Labrique, “L’escorte de la lune sur la porte d’Évergète à Karnak. II. Commentaire”, dans Revue d’Égyptologie 49 (1998), 107-134 ; Fr. Colin & Fr. Labrique, “Semenekh Oudjat à Bahariya”, dans BdÉ 135, 2002, p. 45-78.
[ back ] 39. II, 72.
[ back ] 40. A. Erman & H. Grapow, Wörterbuch der ägyptischen Sprache II 429, in fine.
[ back ] 41. Sur la période sothiaque, voir, outre supra note 32, L. Kákosy, dans Lexikon der Ägyptologie IV, s.v. Phönix, 1033 VI ; Christian Leitz, “Die erweiterung der Mythen um eine kalendarische Dimension”, Ars Semeiotica, vol. 20, n°1-2, 39-40 ; Françoise Lecocq, “Les sources égyptiennes du mythe du phénix”, Cahiers de la MRSH 41, L’Égypte à Rome, Actes du colloque de Caen des 28-30 septembre 2002, p. 220-sqq. et LdM 122. Sur le rapport entre l’oiseau Bénou et l’eau, Dino Bidoli, Die Sprüche der Fangnetze in den altägyptischen Sargtexten, ADAIK 9, 1976, p. 81 et Coffin Texts I 267c-d.
[ back ] 42. Matthias Rochholz, Schöpfung, Feindvernichtung, Regeneration, Ägypten und Altes Testament 56, 2002.
[ back ] 43. Pour un exemple probable d’époque saïte : Fr. Labrique, “La salle aux Bès géants à Mouftella: une lecture de pieds”, dans D. Devauchelle (éd.), La XXVIe dynastie : continuités et ruptures. Promenade saïte avec Jean Yoyotte, Actes du Coll. Intern. Univ. Lille 3, 26-27/11/2004, Paris-Lille 2011, p. 185-196.
[ back ] 44. Cf. Martin Stadler, Isis, das göttliche Kind und die Weltordnung, MPER NS XXVIII, Wien 2004, p. 230.
[ back ] 45. Sur Isis tisseuse, voir Dino Bidoli 1976 : 65 (CT VI 221 k-p) ; Burkhard Backes, Rituelle Wirklichkeit. Über Erscheinung und Wirkungsbereich des Webergottes Hedjhotep und den gedanklichen Umgang mit einer Gottes-Konzeption im Alten Ägypten, Rites Égyptiens IX, 2001, p. 70-71 et 79-81.
[ back ] 46. Nonnos de Panopolis, Dionysiaques VI, 135-162 ; I. Papadopoulou 1992, chap. III.3 : Perséphone tisserande, p. 339 ; 351 ; 355 ; le thème de Corè tisserande est bien ancré à Athènes au 6e s. av.n.è. : 358 ; mettre le péplos sur le métier, aspect du service arrhéphorique : 357 ; 380. Et voir supra, 1ère partie.
[ back ] 47. e.g. Fr. Dunand, “Les représentations de l’agathodémon. À propos de quelques bas-reliefs du musée d’Alexandrie”, BIFAO 67, 1969, p. 12; 15; 23; 24 et pl. II-III.
[ back ] 48. Jean Leclant, s.v. Sérapis, dans J. Leclant (éd.), Dictionnaire de l’Antiquité, Paris 2005, p. 2005.
[ back ] 49. I. Papadopoulou 1992 : 369-371.
[ back ] 50. Voir supra, 1ère partie.
[ back ] 51. Esna 252,27 et variante Esna 317,6 = Esna V 111 §4 et 114, note l; V 282 ; Ramadan El-Sayed, La déesse Neith de Saïs, BdÉ 86/1, 1982, p. 80 et doc. 1042 et 1048.