Les formules et la métrique d’Homère

III. La juxtaposition des formules

Les exemples d’irrégularités métriques dont nous venons d’étudier quelques exemples résultent d’une modification dans le corps de la formule. Dans les cas que nous allons considérer la faute est causée par l’emploi même d’une certaine formule. Elle résulte de la juxtaposition de deux formules, la fin de la première ne s’accordant pas métriquement avec le début de la seconde. Nous ne saurions mieux expliquer cette différence qu’en faisant l’analyse d’un des exemples les plus frappants de ce dernier genre.

On trouve dans Homère des séries étendues de formules prédicats tombant entre le commencement du vers et la coupe trochaïque et se terminant par un verbe à désinence de la troisième personne, du singulier, et du passé, ou bien par ἔπειτα. L’utilité de ces hémistiches pour la facture des vers réside dans le fait que l’aède possède, pour la plupart de ses personnages, des formules sujets composées d’un nom et d’une ou deux épithètes fixes, tombant entre la coupe trochaïque et la fin du vers, commençant par une consonne simple, et dont chacune enfin peut être jointe à n’importe laquelle de ces formules prédicats pour former à la fois une phrase complète et un vers métriquement correct. C’est un des artifices le plus fréquemment employés dans Homère. On le voit par exemple, dans des vers comme






ε 354 αὐτὰρ ὁ μερμήριξε  
ζ 1 ὣς ὁ μὲν ἔνθα καθεῦδε ττολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
Θ 97 ὣς ἔφατ᾽, οὐδ᾽ ἐσάκουσε  


(Pour d’autres vers de ce genre voir plus loin p. 48 et L’épi- {17|18} –thète traditionnelle, pp. 11–15.) Or, l’habitude de se servir de cet artifice avait une telle prise sur la pensée du poète de l’Odyssée que celui-ci se servait parfois de ces hémistiches prédicats même dans des cas où il ne possédait pas de formules sujets commençant, comme il l’aurait fallu, par une consonne simple. Chaque fois que le nom ou le synonyme d’un nom s’y prêtait, les aèdes créaient une formule sujet de la valeur métrique que nous avons spécifiée; mais ni le nom Τηλέμαχος ni son synonyme Ὀδυσσῆος υἱὸς ne permettent la création d’une telle formule. Tout ce que l’on a pu faire c’est de former l’expression Ὀδυσσῆος φίλος υἱὸς, qui possède la mesure des formules sujets en question mais qui commence par une voyelle. Cette formule peut parfaitement servir à composer des vers comme






β 2 ὄρνυτ᾽ ἄρ᾽ ἐξ εὐνῆφιν  
  Ὀδυσσῆος φίλος υἱὸς
o 59 τὸν δ᾽ ς ὡç οὖν ἐνὁησεν  


etc. Mais lorsque, se souvenant de l’artifice qui consiste à combiner hémistiche prédicat et hémistiche sujet, et en particulier des vers formulaires tels que

E 114 δὴ τότ᾽ ἔπειτ᾽ ἠρᾶτο βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης
η 1 ὣς ὁ μὲν ἔνθ᾽ ἠρᾶτο πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς


l’aède se laisse guider par son sens des ressemblances pour employer la formule désignant Télémaque, il en résulte un vers contenant une faute métrique:

γ 64 ὣς δ᾽ αὔτως ἠρᾶτο Ὀδυσσῆος φίλος υἱός

Ce sont les mêmes causes qui ont amené l’aède à faire l’hiatus lorsque, d’après le modèle de vers comme






τ 59   περίφρων Πηνελόπεια.
  ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα  
τ 102   πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς


il a fait

π 48 ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα Ὀδυσσῆος φίλος υἱός.

Nous venons de parler du caractère de l’artifice au moyen duquel le poète composait les deux vers où l’on remarque l’hiatus d’une brève, mais pour se rendre compte de l’empire qu’exerçaient de tels artifices sur sa pensée il faut comprendre également la {18|19} relation directe qui existe entre les formules servant à un certain artifice et les idées qu’elles devaient exprimer. Nous aurons plus loin l’occasion de voir qu’Homère ne connaissait qu’une seule formule pour exprimer, par des mots tombant entre la coupe trochaïque et la fin du vers et commençant par une consonne simple, l’idée ils l’honoreront (honorent, honorèrent) comme un dieu . De même il n’avait pas d’autres formules que celles que nous avons citées pour exprimer, dans l’espace exact d’un vers, les idées de même Télémaque pria et Télémaque s’y assit. Or ceux qui ne veulent pas admettre qu’Homère, pour exprimer ces idées, était pour ainsi dire obligé de composer des vers contenant des fautes métriques, peuvent faire l’une des deux objections suivantes qu’il nous faut prendre en considération: Homère aurait pu exprimer son idée en arrangeant autrement ses mots, soit en les disposant différemment dans le vers, soit en les répartissant entre plusieurs vers; il aurait pu parvenir à faire un vers métriquement correct en se résignant à employer d’autres mots pour exprimer son idée.

Pour pouvoir répondre à la première de ces objections, en prenant comme exemple le vers π 48 (qui vient d’être cité), il faut avoir sous les yeux les passages où se trouvent les deux autres vers qui servent spécialement comme modèles à celui-ci. Pénélope descend de l’appartement des femmes:

τ 55 τῇι παρὰ μὲν κλισίην πυρὶ κάτθεσαν, ἔνθ᾽ ἄρ᾽ ἐφῖζε,
δινωτὴν ἐλέφαντι καὶ ἀργύρωι· ἥν ποτε τέκτων
ποίησ᾽ Ἰκμάλιος, καὶ ὑπὸ θρῆνυν ποσὶν ἧκε
προσφυέ᾽ ἐξ αὐτῆς, ὅθ᾽ ἐπὶ μέγα βάλλετο κῶας.
ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα περίφρων Πηνελόπεια.
ἦλθον δὲ δμῳαὶ λευκώλενοι ἐκ μεγάροιο.


Pénélope commande à Euryclée d’apporter une chaise pour leur hôte:

τ 100 ὣς ἔφατ’, ἡ δὲ μάλ᾽ ὀτραλέως κατεθῆκε φέρουσα
δίφρον ἐΰξεστον καὶ ἐπ᾽ αὐτῶι κῶας ἔβαλλεν·
ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς.
τοῖσι δὲ μύθων ἄρχε περίφρων Πηνελόπεια·

Dans les deux passages, comme on le voit, le vers qui précède celui dont il est question se termine par la mention de la {19|20} toison jetée sur le siège qu’on vient d’avancer. On ne trouve pas d’autres vers ressemblant de très près à τ 58, mais à τ 101 on peut comparer:

τ 97 ‘Εὐρυνόμη, φέρε δὴ δίφρον καὶ κῶας ἐπ᾽ αὐτοῦ,
φ 177 πὰρ δὲ τίθει δίφρον τε μέγαν καὶ κῶας ἐπ᾽ αὐτοῦ,
φ 182 πὰρ δὲ φέρων δίφρον θήκεν καὶ κῶας ἐπ᾽ αὐτοῦ,


On peut ainsi juger de l’habitude qu’avait le poète de nommer la toison vers la fin du vers et constater en même temps l’existence d’une série de vers formulaires exprimant l’idée avancer un siège et y jeter une toison dans lesquelles κῶας se range toujours à une même place.

Occupons-nous maintenant des vers qui suivent ceux dont il est question. On peut comparer τ 60 à

σ 198 ἦλθον δ᾽ ἀμφίπολοι λευκώλενοι ἐκ μεγάροιο


Et à τ 103 on peut comparer






Ε 420   θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη
Η 445 τοῖσι δὲ μύθων ἦρχε Ποσειδάων ἐνοσίχθων
α 28   πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε

etc. (cf. L’épithète traditionnelle dans Homère, p. 13). On a évidemment des vers formulaires dans les deux cas, et nous trouvons ainsi que les formules qui suivent τ 59, 102, comme celles qui les précèdent, ont leurs positions fixes dans le vers.

Dans cette disposition des formules on se trouve en présence d’un des aspects les plus importants de la diction des aèdes: celui de l’enchaînement des formules. Si chaque formule a sa place ou ses places fixes dans le vers, il faut non seulement qu’elle se lie aux autres formules sans occasionner de fautes métriques, mais aussi qu’elle se joigne à celle qui la précède et à celle qui la suit sans laisser aucune lacune dans le vers. Par conséquent il faut absolument que la formule insérée entre une formule terminant un vers et une seconde formule en commençant un autre, ait exactement la mesure d’un vers. En d’autres mots, il faut que l’idée insérée entre une idée dont l’expression se termine avec le vers et une autre dont l’expression commence avec le vers, soit exprimée par des mots remplissant exactement un hexamètre. C’est ce que nous trouvons dans les {20|21} deux passages cités. Dans le premier entre l’idée une toison jetée là-dessus et l’idée les servantes sortirent, dont l’une est régulièrement exprimée à la fin et l’autre au commencement du vers, vient la troisième idée Pénélope s’y assit. De même, dans le deuxième passage entre l’idée elle jeta une toison là-dessus et celle Pénélope parla la première, vient s’insérer exactement l’idée Ulysse s’y assit.

Voyons maintenant si, dans le passage où l’emploi de la formule Ὀδυσσῆος φίλος υἱός a nécessité l’hiatus d’une brève, le poète a agi sous l’empire de ce même besoin de satisfaire à l’enchaînement des formules. Télémaque, étant entré dans la cabane d’Eumée, refuse d’accepter la chaise que lui offre le mendiant qu’il ne sait pas être son père:

π 46 ὣς φάθ᾽, ὁ δ᾽ αὖτις ἰὼν κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο· τῶι δὲ συβώτης
χεῦεν ὑπὸ χλωρὰς ῥῶπας καὶ κῶας ὕπερθεν·
ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα Ὀδυσσῆος φίλος υἱός.
τοῖσιν δ᾽ αὖ κρειῶν πίνακας παρέθηκε συβώτης
ὀπταλέων,


Dans le vers précédant celui où apparaît l’hiatus d’une brève il est fait mention de toison, comme dans les deux autres passages. Quant au vers suivant, on peut lui comparer les vers a α 141= δ 57

δαιτρὸς δὲ κρειῶν πίνακας παρέθηκεν ἀείρας


qui font partie de la même série de vers formulaires. τοῖσιν δ᾽ αὖ qui remplace δαιτρός n’est qu’un artifice servant à remplir le premier pied du vers, l’idée devant eux étant déjà suffisamment exprimée par le préfixe de παρέθηκεγ, comme on peut le constater par les deux vers qui viennent d’être cités. [1] Ainsi on voit que, pour intercaler entre l’idée une toison là-dessus et celle (le porcher) mit devant eux des plats de viande la troisième idée Télémaque s’y assit, il faut que le poète exprime cette idée par des mots occupant l’étendue d’un vers. Nous avons vu que, loin d’avoir de la difficulté à trouver ces mots, ceux-ci lui furent aussitôt suggérés par un artifice qui lui aurait fourni un vers métriquement parfait dans le cas de presque tout autre personnage de la légende héroïque. Par conséquent il faut reconnaître que ce ne fut pas {21|22} seulement le désir de rendre sa versification facile qui a induit Homère à faire cet hiatus mais plutôt le désir de ne pas rompre l’enchainement des formules et briser la structure du passage entier. C’est la technique des formules qui a fait défaut en ne fournissant pas pour Télémaque une formule sujet de la mesure en question, commençant par une consonne simple; le poète y est pour assez peu de chose.

Nous avons mentionné une autre objection qu’on pourrait faire à notre emploi du terme nécessité: le poète aurait pu, au moyen d’autres mots, exprimer l’idée Télémaque s’y assit dans l’étendue d’un vers sans faute métrique. Pour pouvoir y répondre avec certitude il faudrait connaître la solution du problème principal de la diction homérique: y a-t-il dans l’Iliade et dans l’Odyssée autre chose que des formules? Le poète a-t-il jamais cherché à exprimer sa pensée par des mots et par des expressions qui lui soient personnels? Car la question n’est pas de savoir si le poète eut pu trouver de tels mots, mais s’il a jamais pensé à les chercher. Dans L’épithète traditionnelle dans Homère (pp. 99 ss.) nous avons été une seule fois à même d’entreprendre l’analyse quantitative qui peut nous fixer sur ce point: nous avons pu démontrer que presque toutes les formules nom-épithète employées pour certains des personnages principaux de l’Iliade et de l’Odyssée sont traditionnelles, et nous avons trouvé que celles qui ne se prêtent pas â la méthode d’analyse que nous y avons suivie, et qui sont assez peu fréquentes, ne présentent aucun trait spécial indiquant qu’elles furent l’œuvre original du poète (ou des poètes). Aussi avons-nous trouvé que la seule catégorie de formules nom-épithète se prêtant à la recherche d’expressions originales, celle des formules nom-épithète exprimant une même idée essentielle dans des termes ayant une même valeur métrique (L’épithète traditionnelle, pp. 218 ss.), ne présente aucune trace d’un travail original. Il est vrai que ces conclusions ne s’appliquent qu’à une partie des formules, et précisément a celles qu’on s’attendrait à trouver le plus entièrement traditionnelles. Mais la nature catégorique de ces conclusions sur le caractère traditionnel des formules nom-épithète implique qu’on doit les étendre a la plupart des autres formules et, ce qui est plus important, ces conclusions nous fournissent des matériaux solides pour la composition d’une esthétique du style qui dis- {22|23} -tingue le poète usant d’un style traditionnel de celui qui emploie un style individuel pour l’expression de pensées personnelles. Lorsqu’on aura compris ce fait capital que le génie d’Homère se déploya dans l’expression d’idées traditionnelles au moyen d’expressions également traditionnelles, on verra qu’il n’y a guère de raison de supposer que, pour remédier à l’hiatus d’une brève, il aurait abandonné la langue aédique. Ce serait suivre inconsciemment le sentiment du style qui s’est formé en nous par notre commerce avec les styles de la littérature moderne que d’estimer qu’Homère ait pu renoncer à un artifice fixe pour rechercher un vers qui, difficilement trouvé, aurait contrasté violemment, par son originalité, avec les vers à expressions traditionnelles qui l’entouraient.

AUTRES EXEMPLES D’IRRÉGULARITÉS MÉTRIQUES RÉSULTANT DE LA JUXTAPOSITION DES FORMULES

 A. — Brèves en hiatus.

 α. Devant la coupe trochaïque.

I. B 571 Ὀρνειάς τ᾽ ἐνέμοντο Ἀραιθυρέην τ᾽ ἐρατεινὴν


On peut comparer la partie du vers qui s’étend entre le début de ce vers et la coupe trochaïque à

B 496 οἵ θ᾽ Ὑρίην ἐνέμοντο καὶ Αὐλίδα πετρήεσσαν
Β 583 Βρυσειάς τ᾽ ἐνέμοντο καὶ Αὐγειὰς ἐρατεινάς
Β 591 οἳ δὲ Πύλον τ᾽ ἐνέμοντο καὶ Ἀρήνην ἐρατεινὴν


Cf. de même Β 499, 605, 633, 639, où l’on trouve également ἐνέμοντο devant la coupe trochaïque, précédé lui-même d’un nom de ville, et dans la dernière partie du vers (1) soit le nom d’une autre ville, régi par le même verbe et accompagné d’une épithète remplissant la partie du vers que le nom n’occupe pas, (2) soit deux noms de villes. Les aèdes, ayant à énumérer les villes qui envoyèrent des troupes à la guerre, avaient créé, entre autres, un artifice qui consiste à dire dans la première moitié du vers qui habitaient telle ville, et dans la dernière moitié et telle ville (et telles villes)—artifice qu’ils pouvaient développer en ajoutant aux vers suivants d’autres noms de villes, accompagnés d’autres épithètes lorsque {23|24} cela était nécessaire: cf. B 496–8, 591–4, 605–6, 639–40. Mais pour composer des vers de ce modèle sans faute métrique il faut que l’hémistiche de fin de vers, exprimant à l’accusatif l’idée et telle ville, commence par une consonne simple, comme dans le cas de B 496, 583, 591 (déjà cités) et de B 605 καὶ ‘Ορχομενὸν πολύμηλον et de B 633 καὶ Αἰγίλιπα τρηχεῖαν. Mais Άραιθυρέην ne se prête pas à cet artifice; en raison de sa mesure il doit, dans la dernière moitié du vers, se placer après la coupe trochaïque, ce qui a cet avantage, que le vers peut se terminer au moyen de l’épithète générique des villes ἐρατεινὴν. Cf.








‘Αρήνην  
Μαντινέην  
  ἐρατεινήν
Ἠμαθίην  
Μηιονίην  


Quant à la conjonction et, puisque καὶ n’est pas possible, elle peut s’exprimer par τε (τ’) tout comme, d’ailleurs, dans un assez grand nombre d’autres formules qui expriment dans la dernière moitié du vers l’idée et telle ville: Πυθῶνά τε πετρήεσσαν (B 519), Τἰρυνθά τε τειχιόεσσαν (Β 559), Ἕλος τ᾽, ἔφαλον πτολίεθρον (Β 584), etc. Donc, pour exprimer entre la coupe trochaïque et la fin du vers l’idée et Araithyrée (à l’accusatif), le poète avait sous la main tous les mots nécessaires; mais s’il voulait éviter l’hiatus d’une brève il lui fallait renoncer au type de vers formule où ἐνέμοντο tombe devant la coupe trochaïque. Il préférait laisser l’hiatus.


II. Γ 376 κεινὴ δὲ τρυφάλεια ἅμ᾽ ἕσπετο χειρὶ παχείῃι


D’une part, on trouve τρυφάλεια 3 fois dans la première moitié du vers, devant la coupe trochaïque. D’autre part on trouve ἅμ᾽ ἕσπετο 6 fois à la place qu’il occupe dans le vers cité, et χειρὶ παχείῃι 17 fois à la fin du vers. Les deux dernières formules se joignent sans faute métrique pour exprimer l’idée est venu sous sa main. Mais τρυφάλεια se terminant par une voyelle, le poète se trouvait ici, tout comme dans les autres cas que nous avons étudiés, dans l’obligation de faire le même choix entre le vers facilement composé au moyen de formules traditionnelles, mais con- {24|25} -tenant une faute métrique, et la nécessité de faire le vers d’une manière inusitée et même de refaire tout un groupe de vers.

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III. Δ 91 λαῶν, οἵ οἱ ἕποντο ἀπ᾽ Αἰσήποιο ῥοάων


A ce vers on peut comparer

Δ 202 λαῶν, οἵ οἱ ἕποντο Τρίκης ἐξ ἱπποβότοιο
I 44 ἑστᾶσ᾽, αἵ τοι ἕποντο Μυκήνηθεν μάλα πολλαί.


Cf. aussi Τρώων· οἱ δ’ ἅμ᾽ ἕποντο (P 753). La dernière partie du vers rappelle les hémistiches de la série ἀπ᾽ ᾽Ωκεανοῖο ῥοάων (Τ 1) παρ᾽ ᾽Ωκεανοῖο ῥοάων (χ 197), ἰδὲ Ξάνθοιο ῥοάων (Ζ 4).

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IV. Σ 48 Μαῖρα καὶ Ὠρείθυια ἐυπλόκαμός τ᾽ Ἀμάθεια


Ce vers figure dans le passage où sont énumérés les noms des Néréides. Le poète a résolu les difficultés de cette énumération de la même manière que celle des noms de villes dans le Catalogue: lorsque les noms et les conjonctions ne remplissent pas les membres du vers il comble les lacunes au moyen d’épithètes ornementales comme dans

Σ 40 Νησαίη Σπειώ τε Θόη θ᾽ Ἁλίη τε βοῶπις


Mais pour les héroïnes et pour les déesses il n’existait pas d’épithète ornementale ayant la mesure ⏑ – ⏔ – et commençant par une consonne simple—du moins on n’en trouve pas dans Homère (cf. L’épithète traditionnelle, p. 119). Par conséquent, pour remplir l’espace entre la coupe trochaïque et τ᾽ Ἀμάθεια à la fin du vers, le poète a dû employer ἐυπλόκαμος, guidé par le souvenir de formules telles que ἐυπλόκαμός ῾Εκαμήδη (2 fois), ἐυπλόκαμος Δημήτηρ (ε 125). L’emploi de cette même épithète a également occasionné l’hiatus d’une brève en Ξ 6:

εἰς ὅ κε θερμὰ λοετρὰ ἐυπλόκαμος Ἑκαμήδη

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V. Φ 426 τὼ μὲν ἄρ᾽ ἄμφω κεῖντο ἐπὶ χθονὶ πουλυβοτείρῃι


La forme κεῖντο n’apparait pas ailleurs dans Homère, mais κεῖτο {25|26} tombe 5 fois devant la coupe trochaïque. Le vers χ 186 notamment doit être comparé à celui dont il est question, car on y trouve, au commencement, la même accumulation de particules:

δὴ τότε γ᾽ ἤδη κεῖτο, ῥαφαὶ δ᾽ ὲλέλυντο ἱμάντων


Dans Homère six autres vers se terminent par ἐπὶ χθονὶ πουλυβοτείρῃι.

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VI. δ 407 ἔνθα σ᾽ ἐγὼν ἀγαγοῦσα ἅμ᾽ ἠοῖ φαινομένηφιν


Comparons à ce vers

ψ 295 ἐς θάλαμον δ᾽ ἀγαγοῦσα πάλιν κίεν. οἱ μὲν ἔπειτα


ἅμ᾽ ἠοῖ φαινομένηφιν apparaît 8 fois dans Homère, toujours à la fin du vers; cf. ἅμα δ᾽ ἠοῖ φαινομένηφιν (3 fois).

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VII. κ 314 = 366 εἷσε δέ μ᾽ εἰσαγαγοῦσα ἐπὶ θρόνου ἀργυροήλου


Comparons à ce vers d’une part

κ 233 εἷσεν δ᾽ εἰσαγαγοῦσα κατὰ κλισμούς τε θρόνους τε


et d’autre part

η 162 ἀλλ᾽ ἄγε δὴ ξεῖνον μὲν ἐπὶ θρόνου ἀργυροήλου
Σ 389 τὴν μὲν ἔπειτα καθεῖσεν ἐπὶ θρόνου ἀργυροήλου

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VIII. μ 199 αἶψ᾽ ἀπὸ κῆρον ἕλοντο ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι


A la première partie du vers on peut comparer αἶψα δέ δεῖπνον ἕλοντο (2 fois), οἱ δ᾽ ἄρα δεῖπνον ἕλοντο, etc. Quant à la dernière partie, on trouve ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι dans 5 autres vers. La facture des vers μ 397 = ξ 249 ressemble à celle du vers qui vient d’être étudié:

ἑξῆμαρ μὲν ἔπειτα ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι

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IX. τ 542 ἀμφὶ δ᾽ ἑμ᾽ ἠγερέθοντο ἐυπλοκαμῖδες Ἀχαιαί


Les causes déterminant l’hiatus dans ce vers sont semblables {26|27} à celles que nous avons notées plus haut pour les vers Σ 48, Ξ 6 (p. 25). On trouve d’une part

β 392 ἁθρόοι ἠγερέθοντο· θεὰ δ᾽ ὄτρυνεν ἕκαστον


cf. ω 468; et d’autre part

β 119 τάων αἳ πάρος ἦσαν ἐυπλοκαμῖδες Ἀχαιαί

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X. ψ 345 ὁππότε δή ῥ᾽ Ὀδυσῆα ἐέλπετο ὃν κατὰ θυμὸν


On trouve la forme Ὀδυσῆα 16 fois à cette position. La première partie du vers ressemble à celle de

α 74 ἐκ τοῦ δὴ Ὀδυσῆα Ποσειδάων ἐνοσίχθων
ω 149 καὶ τότε δή ῥ᾽ Ὀδυσῆα κακός ποθεν ἤγαγε δαίμων


On trouve la dernière partie de ce vers en

N 8 οὐ γὰρ ὅ γ᾽ ἀθανάτων τιν᾽ ἐέλπετο ὃν κατὰ θυμὸν

Pour se rendre compte si l’irrégularité métrique a bien été entraînée par l’habitude d’employer les formules il n’est pas toujours besoin de rencontrer dans d’autres parties d’Homère les deux moitiés de vers dont la juxtaposition a occasionné la faute. Parfois il est clair que celle-ci résulte de l’emploi habituel de certaines petites expressions composées, de différentes façons, d’adverbes, de conjonctions, de particules et de prépositions, par lesquelles le poète peut souder à sa phrase un autre membre de phrase ou lier deux phrases. Ainsi dans trois cas une brève avant la coupe trochaïque est suivie de ὁ δέ (ὁ δ’):

Λ 378 ἐν γαίῃι κατέπηκτο· ὁ δὲ μάλα ἡδὺ γελάσσας
Ν 38 νοστήσαντα ἄνακτα· ὁ δ᾽ ἐς στρατὸν ὤιχετ᾽ Ἀχαιῶν
φ 393 εἰσορόων Ὀδυσῆα. ὁ δ᾽ ἤδη τόξον ἐνώμα


Cette expression est très fréquemment employée dans Homère pour lier des phrases ou des membres de phrase. Sans parler des cas où ὁ δέ (ὁ δ’) tombe à une autre place, on le trouve après la coupe trochaïque en A 47, 191, 474, Δ 108, 498, 522, etc., et en α 20, 322, β 365, δ 226, etc. On s’explique facilement com- {27|28} -ment le poète a été amené à s’en servir même après une voyelle brève.

De même l’hiatus dans les deux vers

X 125 αὔτως ὥς τε γυναῖκα, ἐπεί κ᾽ ἀπὸ τεύχεα δύω
λ 249 τέξεις ἀγλαὰ τέκνα, ἐπεὶ οὐκ ἀποφώλιοι εὐναὶ


résulte clairement de l’habitude qu’avait le poète de joindre deux membres de phrase par ἐπεί; on trouve qu’Homère se sert de cette conjonction après la coupe trochaïque en Α 112, 274, 281, 299, 381, 576, B 16, 115, Γ 99, Δ 269, E 27, 510, etc., et en α 37, 205, 220, 238, 396, β 96, 155, 297, γ 70, 250, 322, 358, 368, δ 490, 647, etc.

β. Devant la diérèse bucolique.

I. B 3 ἀλλ᾽ ὅ γε μερμήριζε κατὰ φρένα ὡς Ἀχιλῆα


Comparons à ce vers

Θ 169 τρἰς μὲν μερμήριξε κατὰ φρένα καὶ κατὰ θυμόν
υ 10 πολλά δὲ μερμήριζε κατὰ φρένα καὶ κατὰ θυμόν


et

A 558 τῆι σ᾽ δίω κατανεῦσαι ἐτήτυμον ὡς ᾽Αχιλῆα

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II. Ο 172 ὣς κραιπνῶς μεμαυῖα διέπτατο ὠκέα Ἶρις


Comparons à ce vers

Ο 83 ὣς κραιπνῶς μεμαυῖα διέπτατο πότνια Ἥρη


Dans Homère ὠκέα Ἶρις apparaît 19 fois, toujours à la fin du vers; pour cette déesse il manque une formule tombant entre la diérèse bucolique et la fin du vers et commençant par une consonne simple.

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III. Λ 461 αὐτὰρ ὅ γ᾽ ἐξοπίσω ἀνεχάζετο, αὖε δ᾽ ἑταίρους


On trouve d’une part

Ρ 108 αὐτὰρ ὅ γ᾽ ἐξοπίσω ἀνεχάζετο, λεῖπε δὲ νεκρόν {28|29}


(cf. E 443, 600, Π 710); et d’autre part

N 477 Αἰνείαν ἐπιόντα βοηθόον· αὖε δ᾽ ἑταίρους

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V. β 417 νηὶ δ᾽ ἐνὶ πρύμνηι κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο· ἄγχι δ᾽ ἄρ᾽ αὐτῆς


Comparons à ce vers:

(6 fois) ἧ τοι ὅ γ’ ὣς εἰπὠν κατ’ ἄρ᾽ ἕζετο, τοἴσι δ’ ἀνέστη


et

Ρ 10 Πατρόκλοιο πεσόντος ἀμύμονος· ἄγχι δ᾽ ἄρ᾽ αὐτοῦ
φ 433 ἀμφὶ δὲ χεῖρα φίλην βάλεν ἔγχει, ἄγχι δ᾽ ἄρ᾽ αὐτοῦ

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VI. κ 458 ἠμὲν ὅσ᾽ ἐν πόντωι πάθετ᾽ ἄλγεα ἰχθυόεντι


Ce vers rappelle

α 4 πολλὰ δ᾽ ὅ γ᾽ ἐν πόντωι πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν


et

δ 381 = 470 νόστον θ᾽, ὡς ἐπὶ πόντον ἐλεύσομαι ἰχθυόεντα.


etc., etc. {29|30}

*

VII. ρ 301 δὴ τότε γ᾽, ὡς ἐνόησεν Ὀδυσσέα ἐγγὺς ἐόντα,


Comparons à ce vers

ο 59 τὸν δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησεν Ὀδυσσῆος φίλος υἱός


ἐγγὺς ἐόντα apparaît 11 fois dans Homère, toujours à la fin du vers.

γ. Α la fin du premier pied.

I. Β 8 βάσκ᾽ ἴθι, οὖλε ὄνειρε, θοὰς ἐπὶ νῆας Ἀχαιῶν


Nous avons étudié plus haut les causes de l’hiatus de la voyelle finale de οὖλε: le poète a été guidé par le souvenir qu’il avait des vers composés au moyen de βάσκ ἴθι, ῏Ιρι ταχεῖα (4 fois). Il en est de même pour l’hiatus de la voyelle finale de ἴθι. Dans le premier cas il y a modification des désinences, dans le vers que nous étudions deux formules qui ne se lient pas bien se trouvent juxtaposées.

δ. Brèves en hiatus ne tombant pas devant une coupe du vers.

C’est seulement dans quelques-uns des ces hiatus que l’on peut reconnaître avec certitude la juxtaposition des formules. Ce n’est que naturel: les types de formules de beaucoup les plus fréquentes sont celles qui tombent entre deux coupes ou entre une coupe et une des extrémités du vers. Lorsque des expressions sont de caractère à pouvoir s’unir avec d’autres expressions pour faire différentes phrases, il y a presque toujours une pause dans la phrase au point où elles se joignent, et par conséquent elles doivent se joindre à une des coupes du vers. Cependant, parmi les hiatus dits illégitimes, il y en a quelques-uns dans lesquels l’on peut attribuer la faute métrique à la juxtaposition des formules, bien que la modification des formules, qui paraît ici être une cause plus fréquente, y joue parfois aussi son rôle.

I. A 533 Ζεὺς δὲ ἑὸν πρὸς δῶμα· θεοὶ δ᾽ ἅμα πάντες ἀνέσταν


Ζευς δὲ apparaît dans Homère 8 fois au commencement du vers; on y trouve aussi Ζεύς τε (2 fois). πρὸς δῶμα tombe 16 fois devant la {30|31} coupe trochaïque. On ne trouve pas ailleurs l’expression ἑὸν πρὸς δῶμα, mais on lit en ζ 256 πατρὸς ἐμοῦ πρὸς δῶμα, en υ 192 ήμέτερον πρὸς δῶμα; la modification de ἐμοῦ en ἑὸν devait être facile, surtout lorsqu’il fallait un mot de cette mesure pour remplir la lacune entre deux formules à places fixes.

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II. Λ 678 πεντήκοντα βοῶν ἀγέλας, τόσα πώεα οἰῶν
ξ 100 δώδεκ᾽ ἐν ἠπείρωι ἀγέλαι· τόσα πώεα οἰῶν


πώεα οἰῶν a été inspiré par πώεα καλά qui apparaît 4 fois à la fin du vers. Et l’Iliade et l’Odyssée nous fournissent le type de vers qui a obligé le poète, s’il voulait s’en servir et spécifier en même temps que les peaux étaient celles des moutons, à changer καλά en οίών:

Σ 528 τάμνοντ᾽ ἀμφὶ βοῶν ἀγέλας καὶ πώεα καλὰ
μ 129 ἑπτὰ βοῶν ἀγέλαι, τόσα δ᾽ οἰῶν πώεα καλά,


En dehors de la formule en question οἰῶν tombe 3 fois à la fin du vers dans la formule πώυ μέγ’ οἰῶν, et une fois dans l’expression κώεσιν οἰῶν.

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III. Ψ 263 θῆκε γυναῖκα ἄγεσθαι ἀμύμονα ἔργα ἰδυῖαν


Le début du vers s’inspire de formules comme celle du commencement de Π 223:

θῆκ᾽ ἐπὶ νηὸς ἄγεσθαι, ἐὺ πλήσασα χιτώνων


D’ailleurs le poète ne pouvait disposer autrement dans le vers les mots qui en Φ 263 tombent devant la coupe trochaïque, s’il voulait se servir de la formule qui la suit: cf.

ω 278 χωρὶς δ᾽ αὖτε γυναῖκας ἀμύμονα ἔργα ἰδυῖας

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IV. φ 216 Τηλεμάχου ἑτάρω τε κασιγνήτω τε ἔσεσθον


On trouve deux fois Τηλεμάχου ἔταροι au commencement du vers. τε κασιγνήτω (-οι, -ους) τε se trouve à la même place dans les vers:

ο 16 ἤδη γάρ ῥα πατήρ τε κασίγνητοί τε κέλονται
Ζ 239 εἰρόμεναι παῖδάς τε κασιγνήτους τε ἔτας τε {31|32}


La forme ἔσεσθον tombe aussi à la fin du vers la seule autre fois qu’elle est employée dans Homère (π 267); et a deux exceptions près ἔσεσθαι (11 fois) ἔσεσθε (2 fois), tombent toujours à cette même place. De plus le poète avait le sentiment d’une formule où κασίγνητοί τε était suivi d’un verbe dont elle fournissait le sujet, comme dans le vers o 16 qui vient d’être cité.

B. SYLALABES FINALES BRÈVES AU TEMPS FORT.

α. Devant la penthémimère.

I. De même que, dans le Catalogue, la nécessité d’insérer des noms de villes entre les coupes et les extrémités du vers a occasionné des cas de brèves en hiatus (voir plus haut. p. 23 ss.), de même il a déterminé des cas de syllabes brèves au temps fort:

B 734 οἳ δ᾽ ἔχον Ὀρμένιον, οἵ τε κρήνην Ὑπέρειαν


Comparons à ce vers d’une part

B 603 οἳ δ᾽ ἔχον Ἀρκαδίην, ὑπὸ Κυλλήνης ὄρος αἰπὺ
Β 735 οἵ τ᾽ ἔχον Ἀστέριον Τιτάνοιό τε λευκὰ κάρηνα


et d’autre part

Β 682 οἵ τ᾽ Ἄλον οἵ τ᾽ Ἀλόπην οἵ τε Τρηχῖν᾽ ἐνέμοντο

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II. B 500 οἵ τ᾽ Ἐλεῶν᾽ εἶχον ἠδ᾽ Ὕλην καὶ Πετεῶνα


Cf.

Β 559 οἳ δ᾽ Ἄργός τ᾽ εἶχον Τίρυνθά τε τειχιόεσσαν
Β 607 καὶ Τεγέην εἶχον καὶ Μαντινέην ἐρατεινήν


et

Β 683 οἵ τ᾽ εἶχον Φθίην ἠδ᾽ Ἑλλάδα καλλιγύναικα

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III. Ζ 299 Κισσηίς, ἄλοχος Ἀντήνορος ἱπποδάμοιο


Ce vers a été fait d’après le modèle de vers tels que

E 415 ἰφθίμη ἄλοχος Διομήδεος ἱπποδάμοιο {32|33}

*

IV. C’est de la même façon qu’en μ 294 = 352 la substitution d’un nom à un autre a eu comme résultat la syllabe brève au temps fort:

ὣς ἔφατ᾽ Εὐρύλοχος, ἐπὶ δ᾽ ᾔινεον ἄλλοι ἑταῖροι


Ce vers a été fait d’après des vers comme

Γ 461 ὣς ἔφατ᾽ Ἀτρείδης, ἐπὶ δ᾽ ᾔινεον ἄλλοι Ἀχαιοί

*

V. Ν 587 θώρηκος γύαλον, ἀπὸ δ᾽ ἔπτατο πικρὸς ὀιστός


Il suffit de comparer ce vers avec un seul autre:

E 99 θώρηκος γύαλον, διὰ δ᾽ ἔπτατο πικρὸς ὀιστός

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VI. Ρ 109 ἐντροπαλιζόμενος ὥς τε λὶς ἠυγένειος


On trouve d’une part

Z 496 ἐντροπαλιζομένη, θαλερὸν κατὰ δάκρυ χέουσα.
Φ 492 ἐντροπαλιζομένην· ταχέες δ᾽ ἔκπιπτον ὀιστοί


et d’autre part

Σ 318 πυκνὰ μάλα στενάχων ὥς τε λὶς ἠυγένειος

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VII. Υ 368 ἔγχει δ᾽ ἀργαλέον, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰσιν


On trouve ἔγχει au début du vers dans les expressions ἔγχει χαλκείωι (7 fois), ἔγχει μάρνασθαι (Π 195), etc., et ἀργαλέον devant la penthémimère dans les expressions δεινόν τ’ ἀργαλέον (4 fois), πρῆξαι δ᾽ ἀργαλέον (π 88), etc. Pour la dernière moitié du vers cf.

K 557 ἵππους δωρήσαιτ᾽, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰσιν
Υ 135 ἡμέας τοὺς ἄλλους, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰμεν
ι 276 οὐδὲ θεῶν μακάρων, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰμεν


Des causes semblables ont occasionné la syllabe brève au temps fort en π 89:

ἄνδρα καὶ ἴφθιμον, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰσι {33|34}

*

VIII. ζ 294 τόσσον ἀπὸ πτόλιος ὅσσον τε γέγωνε βοήσας


Comparons à ce vers

Δ 514 ὣς φάτ᾽ ἀπὸ πτόλιος δεινὸς θεός· αὐτὰρ Ἀχαιοὺς


et

ε 400 = ι 473 ἀλλ᾽ ὅτε τόσσον ἀπῆν ὅσσον τε γέγωνε βοήσας

*

IX. λ 322 κούρην Μίνωος ὀλοόφρονος, ἥν ποτε Θησεὺς

*

X. μ 336 χεῖρας νιψάμενος, ὅθ᾽ ἐπὶ σκέπας ἦν ἀνέμοιο


Comparons à ce vers

β 261 χεῖρας νιψάμενος πολιῆς ἁλὸς, εὔχετ᾽ Ἀθήνῃι
κ 182 χεῖρας νιψάμενοι τεύχοντ᾽ ἐρικυδέα δαῖτα.


et

ζ 210 λούσατέ τ᾽ ἐν ποταμῶι, ὅθ᾽ ἐπὶ σκέπας ἔστ᾽ ἀνέμοιο {34|35}


C’est dans le cas des syllabes finales brèves devant l’hepthémimère que l’on se trouve le plus souvent en présence des irrégularités métriques résultant de l’emploi habituel d’une expression fixe pour faire la liaison entre deux membres de phrase ou entre deux phrases. Nous avons déjà considéré (p. 27) un cas de ce genre en ὁ δέ (ὁ δ’) tombant après la coupe trochaïque. Knös cite 175 cas d’une syllabe brève avant l’hepthémimère. Après ces syllabes finales brèves les expressions les plus fréquentes du genre en question sont ὁ δέ (ὁ δ’) (21 fois), et ἐπεί (4 fois). Nous avons signalé la fréquence avec laquelle ces mêmes expressions tombent après la coupe trochaïque. On trouve ὁ δέ (ὁ δ’) employé après la penthémimère en A 239, B 268, 515, 621, 707, Γ 349, Δ 524, 535, 537, etc., en α 326, β 387, γ 252, 490, δ 251, 701, etc. On peut juger par sa fréquence combien le poète a dû être tenté d’employer cette expression même après une syllabe brève.

Remarquons en passant comment ἄρα s’ajoute à cette expression pour en rendre l’emploi plus facile: pour lier deux phrases le poète peut employer indifféremment ὁ δ᾽, ὁ δέ, ὁ δ᾽ ἄρ᾽, οu ὁ δ᾽ ἄρα.

On trouve ἐπεί employé après la penthémimère en A 114, 153, 231, E 252, 441, 686, etc., et en α 297, 299, β 199, δ 523, etc.

β. Devant l’hepthémimère.

I. ι 62 = 105 = κ 77 = 133
ἔνθεν δὲ προτέρω πλέομεν ἀκαχήμενοι ἦτορ


La forme πλέομεν apparaît 10 fois dans Homère, toujours devant l’hepthémimère. La formule ἀκαχήμενος ἦτορ tombe 4 fois à la fin du vers. Comparons surtout au vers en question

κ 80 = ο 476 ἐξῆμαρ μὲν ὁμῶς πλέομεν νύκτας τε καὶ ἦμαρ

*

ΙΙ. π 358 ὣς ἔφαθ᾽, οἱ δ᾽ ἀνστάντες ἔβαν ἐπὶ θῖνα θαλάσσης


On peut comparer à ce vers d’une part

δ 674 αὐτίκ᾽ ἔπειτ᾽ ἀνστάντες ἔβαν δόμον εἰς Ὀδυσῆος
ρ 177 ὣς ἔφαθ᾽, οἱ δ᾽ ἀνστάντες ἔβαν πείθοντό τε μύθωι {35|36}


etc., et d’autre part

Δ 248 εἰρύατ᾽ εὔπρυμνοι, πολιῆς ἐπὶ θινὶ θαλάσσης
ζ 236 ἕζετ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπάνευθε κιὼν ἐπὶ θῖνα θαλάσσης


etc.

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III. υ 303 Κτήσιππον δ᾽ ἄρα Τηλέμαχος ἠνίπαπε μύθωι


On peut comparer à ce vers

χ 284 Ἀμφιμέδοντα δὲ Τηλέμαχος, Πόλυβον δὲ συβώτης


ἠνίπαπε μύθωι apparaît 6 fois, toujours à la fin du vers.

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IV. C’est le souvenir de vers du type de celui qui vient d’être cité qui a occasionné une autre syllabe finale brève au temps fort.

χ 267 Εὐρυάδην δ᾽ ἄρα Τηλέμαχος, Ἕλατον δὲ συβώτης


Le fait que ce vers précède χ 284 est significatif. Le poète a été amené à commettre la faute métrique, parce qu’il avait conservé dans sa mémoire la forme de ce type de vers, et non pas parce qu’il se souvenait de s’en être servi dans la poésie qu’il venait de composer.

γ. Devant la trithémimère.

I. B 780 οἱ δ᾽ ἄρ᾽ ἴσαν ὡς εἴ τε πυρὶ χθὼν πᾶσα νέμοιτο


On trouve d’une part

Γ 8 οἱ δ᾽ ἄρ᾽ ἴσαν σιγῆι μένεα πνείοντες Ἀχαιοί


et d’autre part

Τ 366 λαμπέσθην ὡς εἴ τε πυρὸς σέλας, ἐν δέ οἱ ἦτορ


Sur les 8 fois qu’il apparaît dans Homère ὡς εἴ τε tombe 7 fois à la place où on le voit dans ce vers.

*

II. Η 206 ὣς ἄρ᾽ ἔφαν, Αἴας δὲ κορύσσετο νώροπι χαλκῶι {36|37}


Ce vers a été fait sur le modèle de vers comme

Π 130 ὣς φάτο· Πάτροκλος δὲ κορύσσετο νώροπι χαλκῶι


Comparons à la première partie du vers

Γ 161 ὣς ἄρ᾽ ἔφαν, Πρίαμος δ᾽ …
σ 75 ὣς ἄρ᾽ ἔφαν, Ἴρωι δὲ …


ὣς ἄρ᾽ ἔφαν tombe 9 fois au commencement du vers.

*

III. δ 845 μεσσηγὺς Ἰθάκης τε Σάμοιό τε παιπαλοέσσης


Comparons à ce vers d’une part

Ν 33 μεσσηγὺς Τενέδοιο καὶ Ἴμβρου παιπαλοέσσης
Ω 78 μεσσηγὺς δὲ Σάμου τε καὶ Ἴμβρου παιπαλοέσσης


etc., et d’autre part

δ 671 = o 29 ἐν πορθμωι Ἰθάκης τε Σάμοιό τε παιπαλοέσσης


Les exemples que nous venons d’étudier, de même que ceux qui servent à illustrer le fait que la modification des formules peut être cause d’irrégularités métriques, ont été choisis parmi les plus saillants. On ne peut espérer démontrer de façon catégorique que dans Homère toutes les irrégularités métriques à la fin du mot, ou un nombre déterminé d’entre elles, résultent de l’emploi de la technique des formules, car on n’en a pas les moyens. La formule n’apparaît dans Homère qu’autant de fois que ce poète a eu l’occasion d’exprimer une même idée dans l’Iliade et dans l’Odyssée. C’est ainsi que certaines formules, et certains types de formules, qui expriment des idées revenant dans la poésie héroïque à peu d’intervalle, apparaissent dans Homère des dizaines, des vingtaines, des cinquantaines de fois; et c’est aussi pourquoi un grand nombre de formules n’y apparaissent qu’une seule fois. La formule se reconnaît à sa fréquence. Lorsqu’on voit que, pour exprimer une certaine idée essentielle, le poète n’hésite jamais à employer un certain groupe de mots, on sait que celui-ci constitue une formule par définition. {37|38} Mais l’expression qui n’apparaît qu’une fois, à moins de ressembler de près à une autre ou d’appartenir clairement à une certaine série de formules, ne fournit pas cette indication de son caractère. Ceci cependant ne prouve pas qu’elle ne soit pas également une formule: raisonner ainsi, ce serait supposer qu’Homère, dans l’étendue limitée de deux poèmes, a eu l’occasion d’exprimer plus d’une fois toutes les idées pour lesquelles il avait des formules.

Aux exemples que nous avons cités nous pourrions, en nous rendant compte de ce fait, en ajouter bien d’autres dans lesquels la partie du vers précédant une faute métrique est certainement traditionnelle, bien que la partie qui la suit ne le soit pas, et réciproquement. Par exemple la première moitié du vers E 857

νείατον ἐς κενεῶνα ὅθι ζωννύσκετο μίτρῃι


réapparaît sans changement en Λ 381, Π 821; mais ζωννύσκετο ne se trouve pas ailleurs dans Homère. La dernière moitié de I 426

ἣν νῦν ἐφράσσαντο ἐμεῦ ἀπομηνίσαντος


apparaît aussi en T 62; mais on ne trouve rien qui se rapproche davantage de la première partie que Ἕκτορα δὲ φράσσαντο en O 671. Si on voulait poursuivre la recherche dans ce sens on pourrait arriver à la certitude que la plupart des cas qu’on relèverait résulteraient du jeu des formules. Mais il serait toujours possible également que l’élément formulaire ne soit pas entré dans un cas donné.


Il serait plus utile d’orienter la recherche dans un autre sens, c’est-à-dire vers l’étude des types de formules et du jeu de l’analogie qui en a déterminé l’existence. Par exemple on peut signaler le fait que, sur les 175 cas de syllabe finale brève devant la penthémimère que cite Knös, cette coupe est précédée 24 fois d’un participe en -όμένος, -όμενον ou -άμενος, -άμενον soit au nominatif, soit à l’accusatif: μαχησόμενος (A 153), ἐπερχόμενον (A 535), ἀποπτάμενος (B 71), etc., ἐπιμασσάμενος (ι 302), ὀισάμενος (ι 339), αἰνύμενος (ι 429), ἐρειδόμενος (κ 170), etc. Une étude de ces 24 cas montre qu’il s’agit, à une seule exception près (Ψ 89), de l’un des {38|39} deux artifices de versification suivants: (1) Le poète développe sa phrase, qui se termine à la fin du vers, et qui est déjà grammaticalement complète, en ajoutant au commencement du vers suivant soit un participe, soit une expression participiale, qui est en apposition avec le sujet ou le complément de la phrase. Ainsi:

οὐ γὰρ ἐγὼ Τρώων ἕνεκ᾽ ἤλυθον αἰχμητάων
A 153 δεῦρο μαχησόμενος, ἐπεὶ οὔ τί μοι αἴτιοί εἰσιν·

τὸν μὲν ἐγὼ βούλευσα κατὰ μεγαλήτορα θυμὸν
ἆσσον ἰών, ξίφος ὀξὺ ἐρυσσάμενος παρὰ μηροῦ,
οὐτάμεναι πρὸς στῆθος, ὅθι φρένες ἧπαρ ἔχουσι,
ι 302χείρ᾽ ἐπιμασσάμενος·


Quinze fois, sur les 24 fois qu’un participe en -όμενος, -άμενος, est employé devant la penthémimère et qu’il est suivi d’un mot à voyelle initiale, il s’agit de cet artifice. L’autre artifice lui ressemble assez. (2) Le poète met au commencement du vers une forme personnelle du verbe, et le participe tombant devant la penthémimère s’accorde avec son sujet (exprimé dans la forme du verbe) ou avec son complément qui a été indiqué dans le vers précédent. Tel

Π 736 ἧκε δ᾽ ἐρεισάμενος, οὐδὲ δὴν χάζετο φωτός

αὔριον ἣν ἀρετὴν διαείσεται, εἴ κ᾽ ἐμὸν ἔγχος
Θ 536μείνῃι ἐπερχόμενον· ἀλλ᾽ ἐν πρώτοισιν, ὀίω,


La commodité de ces deux artifices pour la facture des vers est apparente. Avec le premier le poète peut continuer une phrase ou un membre de phrase déjà fait pour le terminer avant la penthémimère: sans parler des nombreuses autres formules qu’il sait pouvoir servir après cette coupe, il connaît force expressions qui servent à la liaison de la phrase ou du membre de phrase suivant: ὁ δέ, ὁ γάρ, ὁ μέν, ἐπεί, ἀτάρ, ἠδέ, ἀλλά, ὑπὸ δέ, ἐπὶ δέ, ἀπὸ δέ, etc.; au moyen du second artifice il peut faire entrer la forme personnelle du verbe et le participe dans la première partie du vers, arrêtant son membre de phrase à la penthémimère ou le continuant en y ajoutant le régime du verbe. Et d’ailleurs dans le moule complexe de l’hexamètre il n’y a pas tant de places où l’on puisse mettre les participes en -όμενος, -άμενος, surtout {39|40} lorsqu’il y a d’autres mots à disposer dans le vers. Par conséquent l’emploi des deux artifices en question est très fréquent. Homère s’est servi du premier sans faute métrique en A 31, 43, 134, 159, 198, 457, B 15, 32, 69, 689, etc., en α 94, 281, 317, β 3, 136, 215, 261, 264, 268, 300, 351, 360, 400, 401, etc.; et du second en B 151, etc., en β 80, 97, etc. Or il est évident qu’en dehors du souvenir de formules particulières le sentiment même de l’artifice qui fournissait si souvent des vers métriquement corrects a dû entrer dans la facture des vers où la syllabe finale des participes en -όμενος, etc., est brève devant la penthémimère. L’expression θυμοῦ δευόμενον· ό δὲ … en Υ 472 a été inspirée par des formules particulières comme θυμοῦ δευομένους· ἀπὸ γὰρ … en Γ 294; mais elle a aussi été inspirée par le sentiment général de l’artifice que l’on remarque dans les deux cas. Nous pouvons par conséquent être certains que χείρ᾽ ἐπιμασσάμενος· ἕτερος δέ … en ι 302 a été déterminé autant par l’existence de cet artifice que par le souvenir d’un vers comme τ 480 où cet artifice n’entre pas: χεῖρ᾽ ἐπιμασσάμενος φάρυγος λάβε; que ὤιχετ᾽ ἀποπτάμενος, ἐμὲ δὲ … (Β 71), est le résultat de l’artifice bien que ἀποπτάμενος n’apparaisse pas ailleurs dans Homère devant la penthémimère.

On pourrait trouver dans Homère bien d’autres artifices de versification auxquels peut être attribuée l’irrégularité métrique lorsque la formule particulière manque. Sur les 104 cas que cite Knös d’une brève en hiatus devant la coupe trochaïque, cette coupe est précédée 7 fois de ἔπειτα, 10 fois de l’accusatif d’un nom propre de héros (Πελάγοντα, Ἀχιλῆα, Oδυσῆα, etc.), 21 fois d’une forme moyenne du verbe, au passé, à la troisième personne (καθήστο, ἕποντο, ἔφαντο, σεύαιτο, etc.), et une recherche assez approfondie ferait ressortir que tous les emplois de ces formes à cette place du vers sont amenés par le sentiment de certains artifices fixes employés pour la composition des hexamètres héroïques. De même sur les 61 cas que cite Knös d’une brève en hiatus devant la diérèse bucolique, dans 21 cette diérèse est précédée d’un verbe en -ετο, -ατο, -υτο, -ιτο. Ce fait dépend non seulement du souvenir que conserve le poète de certaines formules particulières, mais encore de l’existence dans la diction aédique de certaines façons traditionnelles de composer des vers en mettant les formes du verbe à ces désinences devant la diérèse (cf. L’épithète traditionnelle, pp. 48 ss.). De {40|41} même, sur 13 cas d’une brève en hiatus à la fin du premier pied, on trouve deux fois ἔπλετο (0 227, o 327) et une fois ἔσπετι (N 300) achevant une phrase ou un membre de phrase commencé au vers précédent.

Nous ne tenterons pas ici de décrire ces divers artifices. Sans parler du temps qu’en prendrait l’exposition, il resterait toujours vrai d’abord qu’on n’y pourrait voir qu’une preuve de caractère général de la cause de l’hiatus des brèves et de la syllabe brève au temps fort, et qu’ensuite, même si l’on se rapprochait ainsi de la conclusion que tous les cas de ces irrégularités métriques résultent du jeu des formules, on ne pourrait pourtant espérer y parvenir entièrement. Il y aurait toujours des cas tels que κυνάμυια ἄγει (Φ 421), ἰσχία ἀμφοτέρωθεν (Υ 170), ἡνία ἠίχθησαν (Π 404), ἕρκεα ἴσχει (Ε 90), δόλον κατὰ εἴδατα βάλλων (μ 252), etc., dans lesquels le degré d’incertitude où l’on se trouve en ce qui concerne la nature formulaire de ces expressions, nous empêche de tirer des conclusions sur la cause de l’hiatus. Et il en est de même pour des cas de syllabes finales brèves au temps fort: πλεῖον ἐλέλειπτο (θ 475), θαμέες ἔχον (Κ 264), γαμβρὸς ἢ πενθερός (θ 582), ἐυπλεκέες, ἑκατόμβοιος (Β 449), etc.


Dans notre étude sur L’épithète traditionnelle dans Homère (pp. 127 ss.) nous avons eu l’occasion d’insister sur cette circonstance de l’étude de l’élément formulaire dans Homère: prenant comme point de départ les expressions dont la fréquence montre le caractère formulaire, et souvent le caractère traditionnel, on arrive inévitablement dans sa recherche à un point où, si toutes les expressions ont l’apparence de formules, aucune ne l’est à coup sûr. C’est là une conséquence du peu d’étendue de l’Iliade et de l’Odyssée. Ce que nous savons de la diction formulaire de l’épos nous est connu grâce au nombre de vers des deux poèmes homériques qui nous fournissent d’assez nombreuses répétitions de certaines formules et de certains types de formules; et ce que nous n’en savons pas nous est caché par le fait que ces vers ne sont pas plus nombreux. Les idées essentielles d’Homère, pour être traditionnelles (en supposant qu’elles le soient toutes), n’en sont peut-être pas moins variées en elles- {41|42} mêmes que celles d’un auteur à style individuel; et les expressions et les combinaisons d’expressions par lesquelles il exprime ses idées sont de la même complexité. Par conséquent il nous faut renoncer à faire l’analyse complète de la diction de ce poète. On peut dire qu’une grande partie de cette diction est traditionnelle et formulaire, et qu’elle l’est probablement toute entière. Dans l’état actuel de nos connaissances une conclusion plus catégorique ne nous est pas permise.

Footnotes

[ back ] 1. Remarquons en passant que ἀείρας en α 141 = δ 57 est aussi un artifice servant à remplir le vers, comme le montre son absence de π 49.

[ back ] 2. Sur cette façon d’utiliser l’épithète pour la facture des vers, cf. L’épi thète traditionnelle, pp. 80 ss. 

[ back ] 3. Nous appelons générique l’épithète ornementale qui, visant une caractéristique commune à tous les membres d’un certain genre, peut leur être appliquée indifféremment (Cf. L’épithète traditionnelle, p. 80).