L’Épithète Traditionnelle dans Homère: Essai sur un problème de style Homérique

I. Avant-Propos : l’Étude du style homérique

L’étude du style homérique.
L’étude de la langue homérique.
Caractère général de la diction formulaire.
La méthode d’analyse de la diction traditionnelle.
La tradition et le libre arbitre du poète.

« Comment saisir la physionomie et l’originalité des littératures primitives », écrit Ernest Renan, « si on ne pénètre la vie morale et intime de la nation, si on ne se place au point même de l’humanité qu’elle occupa, afin de voir et de sentir comme elle, si on ne la regarde vivre, ou plutôt si on ne vit un instant avec elle [1] ? » Voilà le thème que nous nous proposons de développer dans ce volume en choisissant, parmi les nombreux sujets que comporte l’étude d’Homère, celui du style, et en nous en tenant à l’emploi de l’épithète.

§ 1. — L’Étude du style homérique

La littérature de chaque pays et de chaque époque n’est comprise comme elle doit l’être de façon naturelle que par l’auteur et son public contemporain. Il existe entre eux un fonds commun d’expérience qui permet à l‘auteur de mentionner tel objet, ou ou d’exprimer telle idée, tout en étant sûr que son public se représente bien le même objet et saisit les nuances de l’idée. L’auteur, et c’est là une partie de son génie, tient compte à tout instant des idées et du savoir de ceux auxquels il soumet son œuvre; donc la tâche de celui qui, vivant à une autre époque, veut apprécier cette œuvre avec justesse, consiste précisément à retrouver le savoir varié et les groupes d’idées que l’auteur supposait appartenir naturellement à son public. {1|2}

Ce qui vient d’être dit n’est évidemment qu’une des façons innombrables d’exprimer une des grandes vérités de la critique. Mais si le principe n’est que trop apparent, son application rigoureuse est des plus rares, étant complexe au point d’être impossible à réaliser de manière tout à fait satisfaisante: la critique se propose là un but qui est la perfection même. Il est maintenant généralement reconnu, par exemple, que ceux qui ont cherché, au moyen de la grammaire comparée, le sens de certaines γλῶτται homériques, ont souvent perdu de vue ce principe fondamental, ce qui a nui à la portée de leurs conclusions [2] . Et il en est de certaines conceptions abstraites comme du sens des mots. Que ne faudra-t-il pas savoir, par exemple, des opinions et des préjugés qu’Homère partageait avec son public sur la propriété et sur le mariage, avant que nous ne comprenions l’énormité évidente du crime des Prétendants! Et peut-on jamais espérer comprendre avec justesse le rôle que jouent les dieux dans l’Iliade et dans l’Odyssée? On peut entrevoir une faible partie des idées qu’Homère partageait avec son auditoire sur les dieux de la légende; mais la plupart d’entre elles restent certainement incomprises, sinon même insoupçonnées, étant pour nous immotivées. Donc, comprendre la nature de la vraie critique, c’est souvent se rendre compte que tel problème d’Homère présente trop de difficultés pour parvenir, avec une méthode donnée, à des conclusions très nettes, que tel autre ne permet peut-être pas de solution; mais la critique littéraire d’Homère n’a de valeur qu’autant qu’elle réussit à reconstruire cette communauté de pensées par laquelle le poète se faisait comprendre de ceux qui entendaient ses récits.

Or, seuls l’auteur et son public possèdent la même compréhension naturelle du style. Il n’est pas question ici du problème de linguistique consistant à distinguer les différences entre le style poétique — ἡ τοῖς ξενικοῖς κεχρημένη λέξις, et le style du parler journalier — ἡ ἐκ τῶν κυρίων ὀνομάτων λέξις. Il s’agit du rapprochement que font ceux qui lisent ou entendent l’œuvre ‘ d’un certain auteur avec des œuvres de toutes sortes qu’ils connaissent, et en particulier celles qui traitent le même genre de sujet plus ou moins de la même manière. Il est évident, par exemple, que le Moderne qui juge bon ou mauvais le style {2|3} d’un certain auteur ne peut porter ce jugement que par une comparaison même inconsciente avec les styles qui lui sont connus, et en particulier avec les styles des œuvres qu’il associe, par quelque point de ressemblance, à celle dont il est question. On ne peut reconnaître ce qu’un style possède de beau, d’à propos, ou d’original qu’en le comparant avec les styles qui lui ressemblent ou qui lui font contraste. L’auteur en tient compte, sachant que son œuvre réussira selon le succès avec lequel elle subira cette comparaison: se préoccupant de l’éducation littéraire de ceux qu’il espère avoir pour public, il fait en sorte que la comparaison lui soit favorable. Donc, pour juger du style d’Homère [3] , on ne devrait pas ignorer les styles qui lui étaient familiers, et qu’il savait être familiers à ses auditeurs. On devrait connaître plus particulièrement le style des poèmes héroïques avec lesquels rivalisaient l’Iliade et l’Odyssée, que ceux-là soient, l’œuvre des poètes de générations plus lointaines, ou qu’ils soient de ceux qui se disputaient avec Homère la renommée contemporaine. Alors seulement le lecteur moderne aurait le sentiment du style selon lequel, en les composant, Homère savait que ses poèmes seraient jugés.

On ne peut évidemment acquérir par des moyens directs ce sentiment du style de la poésie héroïque en général, vu que, hors de l’Iliade et de l’Odyssée, il ne nous reste aucun poème ou fragment de poème remontant avec certitude à la même époque. Et on ne saurait baser ses raisonnements sur une comparaison entre l’Iliade et l’Odyssée ou entre les différentes parties de ces poèmes; sans parler du fait que l’élément de l’imitation entrerait alors dans le problème, toute conclusion que l’on formulerait ainsi aurait la fragilité de l’hypothèse sur laquelle elle serait fondée. Pour obtenir des données sur le style des autre poèmes héroïques connus du public littéraire du temps d’Homère, on en est réduit à des recherches indirectes. Jusqu’ici on a eu recours à trois sources d’information qui indiquent toutes cette même solution: le style d’Homère est traditionnel et semblable au style employé par tout poète de son temps ayant composé des récits {3|4} héroïques. La première source où l’on puise cette conclusion est l’exemple qui nous est fourni par d’autres poésies héroïques [4] . On y trouve des indications précieuses, mais qui sont d’un caractère trop général. Il ne nous suffit pas de savoir que le style homérique est traditionnel, il faut encore savoir quels mots, quelles expressions, quelle partie de la diction, lui donnent ce caractère, afin de pouvoir distinguer entre ce qui est traditionnel et ce qui est l’œuvre propre d’Homère. La deuxième source dont on puisse tirer des conclusions est une comparaison entre le style d’Homère et celui que nous voyons dans les fragments du Cycle, dans le Bouclier d’Héraclès, et même dans Hésiode et dans les hymnes homériques [5] . On peut relever de ce côté bien des indications sur le style de l’épos, mais on ne peut espérer en tirer une conclusion vraiment satisfaisante. Le problème se trouve compliqué par la trop petite quantité de fragments qui reste du Cycle et la brièveté du Bouclier, ainsi que par le fait que ces poèmes et les hymnes, appartenant à des époques diverses, ne suivent évidemment pas la tradition avec une égale fidélité. Il est probable aussi que leur diction s’est inspirée en grande partie des poèmes d’Homère. La source la plus sûre et la plus abondante en indications sur le style des poèmes héroïques perdus, est l’Iliade et l’Odyssée mêmes. Il faut étudier ces poèmes pour reconstituer les idées que les auditeurs d’Homère possédaient sur le style héroïque avant d’avoir entendu les vers de ce poète.

§ 2. — L’Étude de la langue Homérique

A cette reconstitution, par l’étude d’Homère, des éléments du style qui sont communs à l’Iliade et à l’Odyssée et aux poèmes d’autres poètes épiques, la critique a déjà beaucoup travaillé, bien qu’en apparence elle ait donné son attention à un autre problème: celui des phénomènes linguistiques de notre texte d’Homère. Elle s’est intéressée à montrer que certaines formes dialectales ont été conservées et certaines formes artificielles créées sous l’influence de l’hexamètre. Les Anciens, comme nous le montrent certaines de leurs remarques qu’on relève dans Eustathe et les scholies, invoquaient l’influence du mètre, ἀνάγκη {4|5} τοῦ μέτρου, cUplus particulièrement du dactyle, pour expliquer des formes anomales et des emplois irrationnels. Ils expliquent ainsi ῥερυπωμένα (ζ 59), Κικόνεσσι (ι 39), εὐρυχόρωι(ζ 4). Ils donnent la même raison de l’emploi du singulier ἐσθῆτα en ε 38. Le fait qu’ils soient allés jusqu’à expliquer ainsi la répétition de οἶσε en χ 481 est très significatif [6] . Les Modernes se sont de nouveau intéressés à ce problème, surtout depuis Ellendt et Düntzer qui, travaillant indépendamment en même temps, sont arrivés à des conclusions assez semblables. Ces deux savants ont cherché dans le caractère dactylique du mètre la cause de l’allongement et du raccourcissement, de l’apocope, de l’emploi du pluriel pour le singulier, de l’emploi de l’épithète selon sa valeur métrique, etc. [7] . Quelques années plus tard, en 1875, G. Hinrichs avança la théorie que les mots de forme éolienne dans Homère ont été conservés lorsque les Ioniens apprirent des Éoliens le style de la poésie épique [8] . Ainsi furent jetées les bases de ce travail considérable [9] qui est arrivé à démontrer que « la langue des poèmes homériques est l’œuvre du vers épique [10] »; les aèdes ont conservé des formes anciennes, introduit des formes plus jeunes, et même créé des formes artificielles sous la poussée incessante de leur désir d’avoir une langue adaptée aux besoins de la versification en hexamètres. C’est surtout par K. Witte que ce problème, complexe et varié, a été défini et traité d’une façon à la fois précise et systématique [11] , et à son travail est venu s’ajouter {5|6} l’oeuvre récente de K. Meister, Die Homerische Kunstspracke [12] .

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Les rapports entre cette étude d’une langue qu’on peut caractériser par le terme de hexamétrique et le problème de l’éducation littéraire d’Homère et de son public, sont évidents. Etablir dans l’Iliade et l’Odyssée l’existence d’une langue artificielle, c’est prouver que le style homérique, en tant qu’il emploie les éléments de cette langue, est traditionnel. Car cette langue se montre, par son caractère, comme un travail au-dessus des forces d’un seul homme ou même d’une seule génération de poètes; et par conséquent on sait que l’on se trouve en présence d’un élément du style qui est le produit d’une tradition et dont tout aède de l’époque se serait servi.

Il est important, pour les fins du présent essai, de savoir exactement en quoi consiste cette preuve que la langue homérique est toute entière traditionnelle; car la méthode d’analyse d’Homère par laquelle on est arrivé à cette conclusion est essentiellement la même que celle que nous utiliserons dans ces pages pour prouver le caractère traditionnel de la diction de l’Iliade et de l’Odyssée. Mais avant de définir cette méthode, précisons la distinction que nous faisons entre la langue et la diction d’Homère. Par langue on désigne l’ensemble des éléments de phonétisme, de morphologie, et de vocabulaire, qui caractérisent le parler d’un certain groupe d’hommes à un certain endroit et à une certaine époque; pour Homère le problème de la langue consiste à distinguer les formes, les constructions, et les mots archaïques, éoliens, ioniens, artificiels, et même peutêtre « achéens » qui apparaissent dans le texte de l’Iliade et de l’Odyssée et à en expliquer la présence. Par diction on désigne ces mêmes éléments de phonétisme, de morphologie et de vocabulaire considérés sous un autre aspect: comme les moyens par lesquels un auteur exprime sa pensée. C’est ce seul problème, de savoir pourquoi Homère a choisi certains mots, certaines formes, certaines constructions pour exprimer sa pensée, que nous traiterons dans ce volume. Mais, pour tâcher de savoir {6|7} quelle partie de là diction d’Homère est traditionnelle et quelle partie est originale nous nous servirons de la méthode qu’on a employée pour prouver que la langue homérique est une langue traditionnelle.

Cette preuve du caractère traditionnel de la langue ne réside pas dans le fait qu’on trouve dans Homère de nombreux éléments pouvant être classés comme éoliens ou archaïques: une forme dorienne dans les vers d’Eschyle ne prouve pas que la forme en question a été empruntée aux vers d’un autre poète qui l’aurait précédé. La preuve consiste en ce que les éléments dialectaux et artificiels de la langue homérique constituent un système caractérisé à la fois par une grande extension et par une grande simplicité. Lorsqu’on met, par exemple, les désinences ioniennes côte à côte avec les désinences non-ioniennes correspondantes (-ης, –εω, –ου, –εων, –σι, etc., à côté de –α, –αο, –οιο, –άων, –εσσι, etc.), des mots ioniens à côté de mots non-ioniens (ἡμεῖς, (ἐρί)γδουπος, ἄν, πόλις, πολυκτήμων, etc., à côté de ἄμμες, (ἐρί)δουπος, κε, πτόλις, πολυπάμων, etc.), on trouve de part et d’autre des éléments de la langue qui ont presque toujours des valeurs métriques différentes. A très peu d’exceptions près (et ces exceptions s’expliquent aussi par la tradition, cf. p. 228, n. 1) il n’y a rien de ce qu’on constate abondamment dans la langue d’un poète grec usant d’un style individuel: les éléments qu’il emprunte à un autre dialecte présentent souvent les mêmes valeurs métriques que les éléments correspondants du sien. Ainsi, par exemple dorien que les poètes athéniens emploient dans leurs chœurs pour η attique; on lit dans Œdipe à Colone (vv. 525-6)

Κακᾶι μ᾽ εὐνᾶι πόλις οὐδὲν ἴδριν
γάμων ἐνέδησεν ἄται.


et (vv. 1239-40)

Ἐν ὧι τλάμων ὅδ᾽, οὐκ ἐγεὼ μόνος,
πάντοθεν βόρειος ὥς τις ἀκτὰ. . .


etc. Donc la simplicité du système de la langue épique consiste en ce que les éléments dialectaux ou artificiels correspondants ont des valeurs métriques uniques; et l’extension du système réside dans le grand nombre de cas où l’on peut opposer un élément d’un certain dialecte à l’élément correspondant d’un {7|8} autre. Il est évident qu’un tel système ne saurait qu’être traditionnel; car un poète, empruntant selon son goût personnel des formes et des mots à un dialecte autre que le sien, en choisirait certainement quelques-uns, même sur un petit nombre d’emplois, qui auraient des valeurs métriques équivalentes.

A cette preuve du caractère traditionnel de la langue homérique fournie par le système, on associe les explications des facteurs déterminant la création et la conservation de cette langue: mais ces explications, si elles sont essentielles à notre compréhension du problème, ne sont cependant pas des preuves. Il faut que nous sachions que cette langue a été l’œuvre de générations d’aèdes qui gardaient toujours les le système seul que réside la preuve même du fait que la langue d’Homère est traditionnelle éléments de la langue de leurs prédécesseurs propres à faciliter la composition et ne pouvant être remplacés par d’autres éléments plus récents. Il faut que nous sachions que, par l’analogie fournie par d’autres formes, les aèdes ont composé des formes qui n’existaient pas dans la langue parlée, par exemple les formes ὁρόω, ὁρόωσα, etc. Il faut que nous comprenions que la désinence –οιο du génitif a une valeur toute particulière pour la composition des hexamètres, puisqu’elle peut terminer un mot avant la césure féminine ou au milieu du dactyle du cinquième pied — ce qui est impossible ou moyen de la désinence –ου, ou à la fin du vers — ce qui n’est possible, au moyen de – ου, que dans le cas de certains mots [13] . Et la connaissance de ces faits est indispensable; car seule elle montre d’une façon absolue qu’il s’agit d’un style traditionnel et non pas, comme le supposait Fick, d’une traduction d’éolien en ionien. Mais cependant c’est dans le système seul que réside la preuve même du fait que la langue d’Homère est traditionnelle.

§ 3. — Caractère général de la diction formulaire

La critique a toujours admis, quoique d’une manière vague et dépourvue de précision, que la diction d’Homère est faite en plus ou moins grande partie de formules, mais aucune étude approfondie n’avait été faite de cet élément avant le jour où l’on y {8|9} recourut pour réfuter des théories qui voulaient voir dans ces formules une preuve d’imitation. On sait comment toute expression répétée, même tout écho d’une autre expression, était considéré comme preuve d’imitation, et comment, aux mains de Sittl, de Gemoll, et de maint autre critique, les vers et les passages qui les contenaient reçurent un dur traitement [14] . Ce fut l’origine des œuvres de Rothe, de Scott, et de Shewan, qui entreprirent de démontrer que des formules se trouvent partout dans Homère, et qu’il doit y avoir eu un fonds commun dans lequel tout poète épique pouvait puiser [15] . La méthode suivie par ces critiques consiste simplement à démontrer que, pour peu qu’on en ait le désir, on peut trouver des raisons de considérer des formules de n’importe quelle partie de l’Iliade et de l’Odyssée comme étant imitées de celles de n’importe quelle autre partie de ces œuvres. En d’autres termes, supposer qu’une expression répétée est une preuve qu’il y a imitation permet toujours d’analyser les poèmes d’après une idée préconçue. Mais on n’est pas allé plus loin que cette conclusion purement négative; on s’est contenté de montrer de façon certaine — même si la certitude ainsi acquise est générale et ne s’étend pas au détail — que les formules d’Homère doivent dériver d’un style traditionnel. Par conséquent la critique homérique, forcée de reconnaître un certain élément formulaire dans l’Iliade et dans l’Odyssée, est néanmoins restée divisée sur la question d’intérêt capital: quelle proportion de la diction homérique doit-on attribuer à la tradition et quelle proportion au poète? Le Parallel-Homer de Schmidt n’a pas résolu cette question, car d’une part il est tout à fait possible que le poète ait répété une expression de sa propre invention, et d’autre part il aurait bien pu n’avoir eu qu’une seule fois l’occasion d’employer une certaine formule dans les deux poèmes épiques que nous connaissons. On peut juger de la situation par {9|10} l’opposition que M. Meillet suscita lorsqu’il exprima l’opinion que le style homérique est complètement formulaire. Ce critique a écrit (Les origines indo-européennes des mètres grecs, Paris, 1923, p. 61): « L’épopée homérique est toute faite de formules que se transmettaient les poètes. Qu’on prenne un morceau quelconque, on reconnaît vite qu’il se compose de vers ou de fragments de vers qui se retrouvent textuellement dans un ou plusieurs passages. Et même les vers dont on ne retrouve pas les morceaux dans un autre passage ont aussi le caractère de formules, et ce n’est sans doute que par hasard qu’ils ne sont pas conservés ailleurs. Il est vrai, par exemple, que le vers A 554:

ἀλλὰ μάλ᾽ εὔκηλος τὰ φράξεαι ἃσσ᾽ ἐθέληισθα


ne se lit pas dans le reste de l’Iliade ni dans l’Odyssée; mais c’est qu’il n’y a pas eu d’autre occasion de l’employer. » Commentant ces phrases A. Platt a écrit (Classical Review, 38 (1924), p. 22): « A la page 61 on dit de l’épopée des choses qui font douter de ses yeux. »

***

Il n’est qu’un seul chemin par lequel nous puissions arriver à savoir avec quelque précision quelle partie de la diction d’Homère doit être formulaire: c’est la compréhension du fait que cette diction, en tant qu’elle est composée de formules, est due toute entière à l’influence du vers. Comme l’élément non-ionien d’Homère s’explique seulement par l’influence de l’hexamètre, de même la diction formulaire, dont l’élément non-ionien constitue une partie, a été créée par le désir qu’avaient les aèdes dé posséder des mots et des expressions faciles à mettre en vers héroïques. Les poètes épiques ont construit et conservé à travers les générations une technique de formules très complexe, constituée dans ses plus petits détails à la fois pour exprimer d’une manière convenable les idées propres à l’épos et pour atténuer les difficultés de la versification.

Si cette diction par formules est, elle-même compliquée, comme on aura l’occasion de le voir bientôt, au point qu’il faut un travail énorme pour l’analyser, le principe en est pourtant essentiellement simple et peut être exprimé en peu de mots. Pour créer une diction qui s’adaptât aux exigences de la versification, les {10|11} aèdes trouvaient et conservaient des expressions qui, pouvant servir telles quelles ou avec un léger changement à différentes phrases, tombent à des places fixes dans le vers. Ces expressions ont des mesures différentes selon les idées qu’elles doivent exprimer, c’est-à-dire selon la nature des mots nécessaires à ľexpression de ces idées. Les plus communes d’entre ces formules remplissent le vers entre la diérèse bucolique et la fin du vers, entre les césures penthémimère, κατὰ τρίτον τροχαῖον, hepthémimère et la fin du vers, entre le commencement du vers et les césures indiquées, et enfin le vers enfier. Les façons dont ces expressions se joignent les unes aux autres pour former la phrase, en même temps que pour remplir la mesure de l’hexamètre, sont multiples et varient pour chaque type d’expression.

Un exemple peut illustrer le fonctionnement complexe de ce principe, simple en lui-même. Prenons un cas peu compliqué, celui d’une phrase formée d’un sujet et d’un prédicat simples. Si l’on peut remplir la première moitié du vers par le prédicat, et si l’on possède d’autre part une série de sujets grammaticaux pouvant remplir, chacun séparément, la seconde moitié du vers, on peut faire avec ces matériaux autant de vers que l’on a de sujets. C’est précisément de cet artifice qu’Homère se sert pour exprimer l’idée de un tel répondit. Là le verbe parvient, à l’aide d’un pronom, d’une conjonction, et d’un adverbe, à former une expression qui remplit le vers jusqu’à la césure féminine:

τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτκ































      πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς (3 fois)
τὸν   ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς (2 fois)
  δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα βοῶπις πότνια Ἥρη (4 fois)
τὴν   Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ (8 fois)
      θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη (7 fois) {11|12}
      βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης
      βοὴν ἀγαθὸς Μενέλαος (2 fois)
      Δόλων, Εὐμήδεος υἱός
      Ποσειδάων ἐνοσίχθων (2 fois)
      Διὸς θυγάτηρ Ἀφροδίτη
      ποδήνεμος ὠκέα Ἶρις
      μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ
      φιλομμειδὴς Ἀφροδίτη
      Διώνη, δῖα θεάων
      θεὰ λευκώλενος Ἥρη
τὸν   θεὰ Θέτις ἀργυρόπεξα
  δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα  
τὴν   μέγας Τελαμώνιος Αἴας (2 fois)
      γέρων Πρίαμος θεοειδής (5 fois)
      Μέδων πεπνυμένα εἰδώς
      περίφρων Πηνελόπεια (4 fois)
      διάκτορος Ἀργειφόντης
      συβώτης, ὄρχαμος ἀνδρῶν
      περικλυτὸς Ἀμφιγυήεις (4 fois)
      πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
      φίλη τροφὸς Εὐρύκλεια
      ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων (3 fois)
      πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε

De même le poète épique pouvait faire un vers en joignant n’importe lequel de ces hémistiches sujet à n’importe quel hémistiche prédicat qui, remplissant le vers entre son commencement et la césure féminine et se terminant par une voyelle brève, formerait une phrase complète. Par exemple, on trouve pour l’hémistiche πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς:





























αὐτὰρ ὁ μερμήριξε  
δή τοτε μερμήριξε  
αὐτὰρ ὁ βῆ διὰ δῶμα  
αὐτὰρ ὁ πῖνε καὶ ἦσθε  
αὐτὰρ ἐπεὶ τὸ γ᾽ ἄκουσε  
* πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς {12|13}
αὐτὰρ ὁ δέξατο χειρὶ  
ἦ τοι ὁ πῖνε καὶ ἦσθε  
(2 fois) ὣς ὁ μὲν ἔνθα καθεῦδε  
ὣς ὁ μὲν ἔνθ᾽ ἠρᾶτο  
ὣς φάτο, ῥίγησεν δὲ  
(4 fois) ὣς φάτο, γήθησεν δὲ  
ὣς φάτο, μείδησεν δὲ  
ὣς εφατ᾽, οὐδ᾽ ἐσάκουσε  
(2 fois) τὴν μὲν ὶδὼν γήθησε  
(8 fois) τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε  
τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα  
τὸν δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησε  
  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
δεύτερος αὖτ᾽ ἀνάειρε  
κρητῆρ᾽ αὖτ᾽ ἀνάειρε  
ἔνθα στὰς θηεῖτο  
ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα  
(2 fois) τοῖς ἄρα μύθων ἄρχε  
σμερδαλέον δ᾽ ὲβόησε  
(2 lois) γήθησέν τ᾽ ἄρ᾽ ἔπειτα  

Le nombre de vers composés de deux hémistiches de ce genre que l’on pourrait relever dans Homère est énorme. On trouve par exemple:
































  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
  θεὰ λευκώλενος Ἥρη (2 fois)
  βοῶπις πότνια Ἥρη
  πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε (2 fois)
ὣς φάτο, μείδησεν δὲ  
  Καλυψὼ δῖα θεάων
  βοὴν ἀγαθὸς Μενέλαος
  θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη
  ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς
  Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ (5 fois)
  θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη (3 lois)
  Ποσειδάων ἐνοσίχθων (2 fois)
  μέγας Τελαμώνιος Αἴας
  πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε (3 fois)
τοῖς ἄρα μύθων ἦρχε (ἄρχε)  
  Καλυψὼ δῖα θεάων
  Πολίτης, ὄρχαμος ἀνδρῶν
  περίφρων Πηνελόπεια (3 fois)
  συβώτης, ὄρχαμος ἀνδρῶν
  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς (2 fois)
  βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης
ὣς φάτο, γήθησεν δὲ  
  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς {13|14}
  θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη
ὣς φάτο, ῥίγησεν δὲ Καλυψὼ δῖα θεάων
  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
  διάκτορος Ἀργειφόντης
αὐτὰρ ὁ πῖνε καὶ ἧσθε  
  πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς

Le caractère pratique de ces expressions au point de vue de la composition des vers est évident. On voit, par le nombre d’expressions qui, ayant la mesure _⏔_⏔_⏑ et se terminant par une voyelle brève, peuvent servir comme prédicat complet d’une phrase, et par le nombre d’autres expressions qui, ayant la mesure ⏑_⏔_⏔_⏒ et commençant par une consonne simple, peuvent servir comme sujet, quelles ressources énormes possédait le poète épique. Si le contexte le demandait, et si le sens le permettait, il pouvait former n’importe quelle combinaison de ces expressions et posséder ainsi à la fois un vers correct et une phrase complète. Pour donner une idée des nombreuses occasions dans lesquelles Homère se sert de cet artifice, on peut compléter la liste déjà commencée des vers contenant un hémistiche prédicat qui paraît et avec πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς et avec une autre expression sujet de la même mesure.
















































      πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς (8 fois)
      θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη (14 fois)
      ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων (5 fois)
      Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ
      Δόλων, Εὐμήδεος υἱός
      βοῶπις πότνια Ἥρη
τὸν   ἄναξ ἑκάεργος Ἀπόλλων (3 fois)
  δ᾽ αὖτε προσέειπε ποδήνεμος ὠκέα Ἶρις (3 fois)
τὴν   διάκτορος Ἀργειφόντης (5 fois)
      ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς
      περικλυτὸς Ἀμφιγυήεις
      Ποσειδάων ἐνοσίχθων (2 fois)
      Θεοκλύμενος θεοειδής (3 fois)
      συβώτης, ὄρχαμος ἀνδρῶν (4 fois)
      περίφρων Πηνελόπεια (19 fois)
      Μελάνθιος, αἰπόλος αἰγῶν (2 fois) {14|15}
      φίλη τροφὸς Εὐρύκλεια (7 fois)
      ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων
      φιλομμειδὴς Ἀφροδίτη
τὸν   βοὴν αγαθός Μενέλαος
  δ᾽ αὖτε προσέειπε γέρων Πρίαμος θεοειδής
τὴν   Μέδων πεπνυμένα εἰδώς
      βοῶν ἐπιβουκόλος ἀνήρ (2 fois)
      Λυκάονος ἀγλαὸς υἱός (2 fois)
      Μενοιτίου ἄλκιμος υἱός
      Ἀλέξανδρος θεοειδής (3 fois)
    Cf. τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπεν  
      ἐυστέφανος Κελαδεινή
      πολύτλας δῖος ᾽Οδυσσεύς
      Λυκάονος ἀγλαὸς υἱός
τὸν   θεὰ λευκώλενος Ἥρη (2 fois)
τὴν δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησε  
τοὺς   Οεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη
      Κόων ἀριδείκετος ἀνδρῶν
      ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς
    Cf. τὸν δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησεν   Ἀλέξανδρος θεοειδής
τοὺς   πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
  δὲ ἰδὼν γήθησε  
τὸν   ἄναζ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων (2 fois)
      πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
    ἔνθα στὰς θηεῖτο  
      διάκτορος Ἀργειφόντης
      πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
    ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα Ὀδυσσῆος φίλος υἱός
      περίφρων Πηνελόπεια


En résumé, on trouve avec les 25 expressions prédicat qui complètent le vers par πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς, 39 autres expressions sujet, composées chacune d’un nom et d’un ou de deux mots épithétiques, possédant la même mesure.

***

On s’est borné jusqu’ici à employer le terme général expression. Avant de décider dans quelles limites on peut se permettre de rattacher des expressions comme celles qui viennent d’être citées à la tradition, c’est-à-dire avant, de décider quelle méthode {15|16} de recherche on doit suivre pour étudier l’élément traditionnel dans la diction d’Homère, il faut s’entendre sur le sens du mot formule. Dans la diction des poèmes aédiques la formule peut être définie comme une expression qui est régulièrement employée, dans les mêmes conditions métriques, pour exprimer une certaine idée essentielle. L’essentiel de l’idée, c’est ce qui en reste après qu’elle a été débarrassée de toute superfluité stylistique. Ainsi l’idée essentielle des mots ἦμος δ᾽ ἠριγένεια φάνη ῥοδοδάκτυλος Ἠώς est quand l’aube vint; celle de βῆ δ᾽ ἴμεν est il alla; celle de τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε est lui dit; et. comme on aura l’occasion de le voir en détail plus loin, celle de πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς est Ulysse. On peut dire qu’une expression est employée régulièrement lorsque le poète s’en sert habituellement, et sans aucune crainte qu’on lui reproche de s’en être servi trop fréquemment. Si, par exemple, pour exprimer l’idée du prédicat d’une phrase qui veut dire essentiellement un tel lui répondit, par des mots remplissant le vers jusqu’à la césure féminine et se terminant par une voyelle brève, Homère se sert invariablement de τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα, ces mots peuvent être considérés comme constituant une formule; car la fréquence de l’expression et le fait qu’elle n’est jamais remplacée prouvent que le poète n’a jamais hésité à s’en servir lorsqu’il pouvait exprimer ainsi sa pensée. De même si on trouve que, pour exprimer le sujet de cette phrase, Homère se sert constamment d’un certain groupe de mots, par exemple de πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς, celui-ci peut être considéré comme une formule. Et si, enfin, on trouve que le sujet de τὸν δ’ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα est plus ou moins souvent fourni par une série d’expressions analogues en ce qu’elles sont composées chacune d’un nom et d’un ou de deux mots épithétiques, on peut en conclure qu’on se trouve en présence d’un type de formule. Ainsi la formule et la formule-type font par définition, comme par nécessité, partie de la technique employée par Homère dans ses poèmes pour exprimer ses idées. Mais que la formule appartienne à la tradition, ou qu’elle soit plutôt l’œuvre du poète, ceci n’est nullement impliqué par la définition, et ne doit pas l’être. Car la formule homérique est considérée ici en tant qu’elle est moyen de versification et non au point de vue de son caractère traditionnel ou original. C’est une expression qui, quelle qu’en soit l’histoire, a facilité la versification au poète ou aux poètes de {16|17} l’Iliade et de l’Odyssée au moment où furent composés ces poèmes.

C’est ainsi que l’on peut dire sans hésitation que les vers et que les hémistiches qui viennent d’être cités sont des formules, mais non pas qu’ils sont traditionnels. Dans les poèmes homériques l’idée de τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα, par exemple, ne s’exprime pas autrement dans le même espace du vers, et ceci, joint au fait qu’Homère emploie cette expression un peu partout, 39 fois dans l’Iliade et 19 fois dans l’Odyssée, peut nous donner une idée de la régularité avec laquelle le poète emploie une formule à l’exclusion de toute autre manière d’exprimer la même idée dans le même espace du vers. Cette fidélité à la formule est encore plus évidente dans le cas de πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς que le poète emploie 5 fois dans l’Iliade et 33 fois dans l’Odyssée sans jamais songer à employer d’autres mots pour exprimer la même idée, sans jamais penser même à utiliser l’espace du vers qu’occupent les mots épithétiques pour l’expression de quelque idée originale. De même on trouve que le poète emploie à très peu d’exceptions près un certain type de formule pour compléter une phrase dont le prédicat ne s’étend qu’à la césure féminine: parmi les 254 vers qui commencent par une des expressions prédicat que nous avons trouvées employées avec πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς, toutes sauf trois se terminent invariablement par une expression composée d’un nom et d’un ou deux mots épithétiques:







A 413 = Σ428   τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα Θέτις κατὰ δάκρυ χέουσα
ο 430τὸν   ἀνήρ, ὃς ἐμίσγετο λάθρηι
  δ᾽ αὖτε προσέειπε(ν)  
ο 434τὴν   γυνὴ καὶ ἀμείβετο μύθωι


Θέτις κατὰ δάκρυ χέουσα peut bien être une formule, créée pour servir chaque fois qu’un poète devait décrire le rôle traditionnel de Thétis, celui d’une mère qui se plaint de la destinée de son fils. Dans les deux autres cas, où il est question du Phénicien, enleveur d’enfants, et de la servante traîtresse, il est certain que le poète avait exceptionnellement affaire à des personnages pour lesquels il ne connaissait pas, et ne voulait pas chercher de noms.

On pourrait continuer cette recherche de diverses façons pour voir dans quelle mesure l’expression homérique peut être classée comme formule. Par exemple, on pourrait prendre la série d’ex- {17|18} pressions dont l’idée essentielle est un tel lui parla sur un certain ton ou avec un certain geste, et l’on trouverait des séries de formules prédicat du type pronom-conjonction-participe-verbe:

























      πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς (11 fois)
      νεφεληγερέτα Ζεύς (15 fois)
      κρείων Ἀγαμέμνων (5 fois)
τὸν   Τελαμώνιος Αἴας (2 fois)
τὴν δ’ ἀπαμειβόμενος προσέφη Πρίαμος θεοειδής
τοὺς   ξανθὸς Μενέλαος (4 fois)
      κρατερὸς Διομήδης
      ἑκάεργος Ἀπόλλων
      κορυθαίολος Ἕκτωρ
τὸν   νεφεληγερέτα Ζεύς
  δ᾽ ἐπιμειδήσας προσέφη  
τὴν   κρείων Ἀγαμέμνων
      νερεληγερέτα Ζεύς (3 fois)
τὸν   πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς(4 fois)
  δὲ μέγ᾽ ὀχθήσας προσέφη ξανθὸς Μενέλαος (3 fois)
τὴν   κρείων Ἐνοσίχθων
      κλυτὸς Ἐννοσίγαιος
      πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς
τὸν   κρατερὸς Διομήδης
τὴν δ᾽ ἄρ᾽ ὑπόδρα ἰδὼν προσέφη  
τοὺς   νεφεληγερέτα Ζεύς
      κορυθαίολος Ἕκτωρ


Enfin on pourrait aussi établir dans le cas de ces expressions prédicat un type de formule formée d’un pronom, d’une conjonction, d’un participe, et de προσέφη ou προσέφης: {18|19}















ι446 τὸν δ᾽ ἐπιμασσάμενος   κρατερὸς Πολύφημος
ω516 τὸν δὲ παρισταμένη   γλαυκῶπις Ἀθήνη
Ω55 τὸν δὲ χολωσαμένη   λευκώλενος Ἥρη
Δ183 τὸν δ᾽ ἐπιθαρσύνων   ξανθὸς Μενέλαος
  προσέφη  
Ξ41 τὸν καὶ φωνήσας   κρείων Ἀγαμέμνων
I196 τὼ καὶ δεικνύμενος   πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς
Χ355 τὸν δὲ καταθνήισκων   κορυθαίολος Ἕκτωρ
Ψ438 τὸν καὶ νεικείων   ξανθὸς Μενέλαος
χ194 τὸν δ᾽ ἐπικερτομέων   Ἐύμαιε συβῶτα
  προσέφης  
Π843 τὸν δ᾽ ὀλιγοδρανέων   Πατpόκλεες ἱππεῦ

On pourrait continuer ainsi à rechercher dans tous les vers d’Homère les formules et les types de formules dont se sert ce poète. Si le travail était mené soigneusement et si on se limitait aux expressions réapparaissant avec une certaine fréquence, on aurait finalement une collection assez considérable de formules homériques et on pourrait expliquer les artifices de versification auxquels elles servent. Mais on n’aurait cependant qu’un catalogue de documents plus ou moins comparable au Parallel-Homer de Schmidt. On n’y pourrait découvrir quelle fut l’origine de ces formules, ni comment elles constituent entre elles un ensemble organisé, ni —question de suprême importance—quelle partie d’entre elles doit dériver de la tradition et quelle autre partie de l’originalité d’un certain poète. Car si on y avait montré la régularité avec laquelle Homère se sert de certaines formules, on n’y aurait pourtant trouvé aucune preuve que ces formules sont traditionnelles. Comme dans le cas des éléments non-ioniens de la langue homérique, la commodité métrique ne sert qu’à expliquer l’origine et la survivance de ce qui est traditionnel, après qu’on l’a distingué par d’autres moyens. Or, cette preuve du caractère traditionnel des formules réside dans le fait que celles-ci constituent un système caractérisé à la fois par une grande extension et par une grande simplicité.

§ 4. — La Méthode d’analyse de la diction traditionnelle

De quelle façon doit-on procéder pour trouver dans la masse des formules ce système nécessaire à la solution du problème? Il faut montrer qu’il existe dans Homère des séries de formules {19|20} contenant les mêmes parties du discours, ayant une même valeur métrique, et qui ne présentent qu’exceptionnellement des éléments superflus au point de vue de la versification. Il faut, pour éviter toute pétition de principe, montrer en quelle mesure nom, pronom, verbe, adjectif, adverbe, préposition, conjonction et particule de tout sens et de toute valeur métrique apparaissent dans des séries de formules de même nature. C’est seulement après avoir établi selon ces lignes des systèmes de formules des différentes valeurs métriques et composées des différentes parties du discours, que l’on saura avec certitude quelle partie de la diction homérique peut être rattachée à la tradition.

Les vers et les parties de vers cités plus haut illustreront ce qui vient d’être dit. On a vu que, dans toute une série de vers, le nom propre crée, avec l’aide de quelque mot épithétique, une formule qui remplit exactement la portion de vers placée entre la césure féminine et sa fin. La formule constituée ainsi peut être appelée formule nom-épithète, et lorsqu’on dit qu’elle appartient à un certain type de formule, cela peut signifier que la formule a une valeur métrique donnée et se compose de certaines parties du discours. Or si, par une étude de l’ensemble des noms de personnages (qui forcément figurent toujours dans les vers du genre en question) on trouve d’une part qu’il existe dans le cas d’un assez grand nombre de noms de personnages une formule nom-épithète, à un certain cas grammatical, et d’un type donné, et d’autre part qu’aucun de ces personnages, ou presque aucun, n’est désigné par plus d’une seule formule nom-épithète à ce cas et de ce type, on aura établi un système très étendu et d’une grande simplicité, ce qui prouvera que ce système, en tant qu’il s’agit d’éléments uniques, est traditionnel. Toute la série d hémistiches sujet tombant après la césure féminine que nous avons eu l’occasion de citer plus haut (pp. 11-15), constitue un système de ce genre. On y a, d’une part, une série de quarante formules nom-épithètes différentes ayant une même mesure et commençant toutes, à trois exceptions près, par une consonne simple; et d’autre part parmi ces quarante formules nom-épithète différentes il n’y en a que six qui ne sont pas uniques dans Homère au point de vue du sens et du mètre: βοῶπις πότνια Ἥρη ~ θεὰ λευκώλενος Ἥρη et ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων ~ ἄναξ ἑκάεργος Ἀπόλλων, Διὸς θυγάτηρ Ἀφροδίτη{20|21} ~ φιλομμειδὴς Ἀφροδίτη. Or si on retranche ces six formules équivalentes de la série, il restera une série de 34 formules nom-épithète, à un certain cas et ďun certain type, désignant autant de personnages; il y a là un système très étendu, d’où est exclu tout élément superflu au point de vue de la versification.

Il est évident qu’un seul poète n’aurait jamais pu créer toute cette série de formules. On pourrait peut-être lui en concéder quelques-unes; mais comment, même en créant ces quelques formules, fût-il arrivé à n’en créer qu’une seule d’une certaine valeur métrique pour un personnage donné? Une étude de la formule nom-épithète dans Apollonius et dans Virgile nous montrera de la façon la plus concluante qu’il n’est pas possible à un poète de créer lui-même des formules nom-épithète sauf dans une mesure insignifiante, et que, s’il a réussi à en créer seulement deux ou trois, il y a déjà parmi elles des formules équivalentes. Cette étude de la formule nom-épithète dans un style non-traditionnel fournira le sujet du chapitre suivant. Nous ne faisons ici que signaler en passant cette corroboration de la preuve faite d’après le système du caractère traditionnel de la formule.

Nous avons considéré que les 34 formules nom-épithète uniques qui servent à désigner des personnages, tombant entre la césure féminine et la fin du vers, constituent par elles-mêmes un système dont l’extension et la simplicité prouvent le caractère traditionnel du système entier. Mais les formules nom-épithète au nominatif ne constituent qu’une partie d’un système beaucoup plus étendu: on trouve une autre série de formules nom-épithète des personnages, au nominatif, qui tombent entre l’hepthémimère et la fin du vers — πολύμητις Ὀδυσσεύς, πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς, etc. (cf. p. 18); une autre de formules nom-épithète des personnages, au nominatif, qui tombent entre la diérèse bucolique et la fin du vers — δῖος Ὀδυσσεύς, δῖος Ἀχιλλεύς, etc. (cf. p. 19); une autre série analogue tombant entre le commencement du vers et la penthémimère — διoγενὴς Ὀδυσεύς, Ἕκτωρ Πριαμίδης, etc. Et dans chaque série on peut constater, d’une part, un grand nombre de formules, et d’autre part, l’absence presque complète de tout élément superflu au point de vue de la versification. On se trouve ainsi en présence d’un système de formules, composé d’un ensemble de systèmes plus petits, et dont le caractère nous empêche de façon absolue d’y voir l’œuvre d’un poète individuel.

***

Ce n’est pas seulement à l’aide des formules nom-épithète désignant des personnages, au nominatif, que l’on peut établir ces systèmes. Ces mêmes formules fournissent au génitif des séries semblables, quoique, par suite des besoins de la versification que nous étudierons à leur place, ces séries ne soient pas {22|23} aussi riches. Et ce n’est pas seulement au moyen de séries de formules à un même cas qu’on peut construire des systèmes de formules nom-épithète. Si l’on prend, aux cinq cas grammaticaux du singulier toutes les formules nom-épithète employées pour Achille, on trouvera qu’on a 45 formules différentes dont aucune n’a, au même cas, la même valeur métrique qu’une autre. Si l’on prend toutes celles qui sont employées pour Ulysse on trouvera qu’il y en a 46 différentes dont deux seulement ont des valeurs métriques équivalentes et échappent par conséquent à la démonstration comme les formules équivalentes que nous avons signalées plus haut. De même on peut établir des systèmes semblables pour les chevaux, pour la race humaine, pour les Achéens, pour le navire, etc. Mentionnons enfin une troisième manière de prouver le caractère traditionnel de certaines épithètes au moyen du système. Dans Homère un grand nombre d’épithètes s’appliquent indifféremment à tous les noms d’une certaine catégorie; δῖος, par exemple, s’applique à tout héros, et Homère l’emploie en effet avec les noms de 32 héros différents. Or, lorsqu’on réunit toutes les épithètes de ce genre qui s’appliquent à des héros, à tous leurs cas grammaticaux, on trouve qu’elles constituent un système où 164 formes représentent 127 valeurs métriques différentes.

Remarquons ici que nous indiquons aussi brièvement que possible ces différentes façons dont on peut se servir de la preuve fournie par le système, car il s’agit à cette place de la méthode d’analyse, non de l’analyse elle-même, qui sera faite au troisième chapitre et dont nous ne faisons que citer quelques conclusions.

***

Cette recherche, qui a été exposée pour le cas de l’épithète, pourrait se faire, en tant que les poèmes nous fournissent une évidence suffisante, pour n’importe quelle partie du discours. On trouverait, par exemple, que le pronom personnel est employé régulièrement dans certains types de formules, bien que celles-ci soient par leur nature excessivement plus complexes que les formules nom-épithète. On relève dans l’Iliade et l’Odyssée, par exemple, 139 cas de l’emploi de αὐτὰρ ὁ dont on pourrait, constituer des séries diverses pour prouver le caractère traditionnel de cette expres- {23|24} sion aussi bien que de son emploi au commencement du vers:








  γ’ ἀσθμαίνων
  λὰξ προσβάς
αὐτὰρ ὁ θυμὸν ἔχων
  αὖτις ἰών
  πεζὸς ἐών


etc.










  μακρὸν ἄυσεν
  ἂψ ἐπόρουσε
  βῆ πρὸς δῶμα
αὐτὰρ ὁ  
  βῆ Λυκίηνδε
  βῆ ῥ᾽ ἰέναι
  μερμήριξε


etc. On pourrait de même composer des séries de formules qui contiennent ὣς ὁ μὲν, νῦν δ᾽ ὁ μὲν, ἀλλ᾽ ὁ μὲν, etc., pour prouver le caractère traditionnel de ὁ μὲν employé à cette position. Enfin, si la recherche était poussée assez loin, on posséderait un certain nombre de données sur la technique de l’emploi du pronom; on saurait avec certitude que celui-ci est employé traditionnellement dans certaines positions, dans certaines formules, et dans certains types de formules.

On peut juger par ces quelques exemples quelle immense complexité présente le problème du style traditionnel. On est forcé de faire l’analyse d’une technique qui, parce qu’elle était inconsciente chez l’aède, dépendant du souvenir d’un nombre infini de détails, a pu atteindre un degré de développement que nous ne pourrons jamais comprendre avec une parfaite exactitude. Mais cette analyse est le seul chemin qui puisse nous conduire à découvrir dans quelle mesure le style de l’Iliade et de l’Odyssée relève de la tradition. C’est le seul moyen de donner quelque exactitude à notre impression générale sur le style homérique, telle que ľa formulée M. Meillet dans le passage qui a été cité plus haut (p. 10).

***

§ 5. — La Tradition et le Libre arbitre du poète.

Mais le plus grand avantage qu’offre l’épithète comme sujet de recherche sur le style traditionnel, c’est la distinction d’ordre sémantique que l’on peut, ou plutôt que l’on est forcé de faire entre les deux sortes d’épithètes — l’épithète particularisée, qui vise l’action momentanée, et l’épithète ornementale, qui n’a de rapport ni avec les idées des mots de la phrase ni avec celles du passage où elle se trouve. On trouvera de ce côté des données qui permettront en quelque sorte de juger plus sûrement du caractère traditionnel de l’ensemble du style homérique que nous ne pouvons le faire avec la preuve fournie par le système. Car en étant forcé de reconnaître le caractère de l’épithète fixe dans Homère, qui se distingue de l’épithète dans les vers de tout poète usant d’un style individuel, on se trouve aux prises avec une conception du style tout autre que celle qui nous est habi- {25|26} tuelle. On est obligé de se créer une esthétique propre au style traditionnel.

Il s’agit du libre arbitre du poète. Homère était-il obligé d’employer les formules traditionnelles, ou non? Et fut-il plus grand poète pour s’en être servi ou pour les avoir rejetées et avoir cherché des mots conformes à la couleur particulière de sa pensée?

Or c’est K. Witte qui a raison ici contre Drerup, car le raisonnement de ce dernier est basé sur une erreur fondamentale: on ne peut pas parler de la liberté qu’a le poète de choisir ses mots et ses formes, si le désir de faire ce choix n’existe pas. Homère avait hérité de ses prédécesseurs d’une langue dont les différents éléments s’employaient uniquement selon les besoins de la composition des hexamètres: s’il en avait été autrement, si telle forme, tel mot archaïque ou éolien avait survécu grâce surtout à sa qualité d’ennoblir le style comme λέξις ξενική, le système, de la langue aurait renfermé de nombreux éléments métriquement équivalents, ce qui n’est pas le cas. En principe, {26|27} quand Homère a à exprimer une même notion dans les mêmes conditions métriques, il recourt aux mêmes mots ou aux mêmes groupes de mots. Ce qu’on peut reprocher à Witte, c’est de ne pas s’être astreint à montrer que les éléments non-ioniens de la langue, au moment où chacun d’eux devint, pour les aèdes et pour le public des aèdes, étranger à la langue parlée, reçurent une consécration artistique qui eut pour effet de les maintenir dans la langue héroïque. C’est vraiment donner une impression fausse du caractère de cette langue que de sembler soutenir que sa création aurait été pour ainsi dire chose mécanique, et c’est là un malentendu que nous nous efforcerons d’éviter dans ces pages, lorsqu’il sera question de l’origine et du développement de la diction formulaire. Mais cependant Witte n’a exprimé que la vérité, lorsqu’il a dit que la seule commodité de la versification détermine chez Homère le choix d’un élément dialectal ou artificiel de la langue traditionnelle. L’emploi de telle ou telle forme archaïque ou dialectale est, pour Homère, une habitude ou une commodité, ce n’est pas un procédé affectif.

***

Notre étude de l’emploi de l’épithète dans Homère va nous amener à une conclusion analogue: l’emploi de l’épithète fixe, c’est-à-dire de l’épithète ornementale (et non l’épithète particularisée) dépend uniquement de sa commodité pour la versification. Or c’est l’épithète qui, plus qu’aucun autre élément du style homérique, arrête l’attention et suscite l’admiration des Modernes; bien que, il faut le remarquer, la λέξις ξενική doive avoir impressionné le public d’Homère aussi fortement que les épithètes: il nous manque, pour goûter l’élément « étranger » de la langue homérique, d’abord la connaissance du dialecte ionien du temps d’Homère, et ensuite l’habitude d’un artifice poétique analogue dans notre poésie moderne pour créer un style noble. Mais dans l’épithète nous avons un élément qui nous est des plus familiers et par lequel, peut-être plus que par aucune autre partie du style, nous jugeons du génie d’un auteur, de son originalité, et de la qualité de sa pensée. Par conséquent trouver que la plus grande partie des épithètes dans Homère — en fait toutes celles qui sont ornementales — sont traditionnelles et employées {27|28} autant qu’elles facilitent au poète sa versification, ce sera nous mettre en présence de cette alternative: ou de conclure que le style d’Homère ne mérite pas l’estime qu’on lui a accordée ou de changer complètement notre conception d’un style idéal. C’est ce dernier point de vue que nous choisirons. Mais ce n’est pas ici la place d’indiquer les raisons de ce choix, ni d’expliquer en quoi l’idéal du style traditionnel diffère de celui du style individuel, que le Moderne non prévenu croirait être le seul à exister, puisque c’est le seul avec lequel il est familier. A nous d’abord à faire la preuve que l’emploi de l’épithète ornementale dans Homère dépend uniquement de sa faculté de faciliter la versification. {28|}

Footnotes

[ back ] 1. L’avenir de la science, p. 292.

[ back ] 2. Cf. Bérard, Introduction à l’Odyssée. Paris, 1924, vol. 1, pp. 199 ss.

[ back ] 3. Est-il besoin de faire remarquer que l’emploi, dans ces pages, du terme Homère n’implique pas nécessairement que l’lliade et l’Odyssée soient d’un seul auteur ? Ce terme comportera tantôt le sens le poète (ou les poètes) de l’ Iliade et de l’ Odyssée tantôt le sens le texte de l’ Iliade et de l’ Odyssée.

[ back ] 4. Cf. E. Drerup, Homerische Poetik. Würzburg, 1921, p. 27 ss.

[ back ] 5. Cf. l’œuvre de P.-F. Kretschmer, De iteratis Hesiodeis. Vratislav, 1913.

[ back ] 6. Ces exemples sont cités par V. Bérard, Introd., I, pp. 174-6.

[ back ] 7. H. Düntzer, Homerische Abhandlungen. Leipzig, 1872, pp. 507-592. J.-E. Ellendt, Ueber den Einfluss des Metrums auf Wortbildung und Wortverbindung. Königsberg, 1861 (Drei homerische Abhandlungen. Leipzig, 1864).

[ back ] 8. G. Hinrichs, De Homericae elocutionis vestigiis Aeolicis. Diss. Berol., 1875.

[ back ] 9. On doit signaler P. Thouvenin, Metrische Rücksichten in der Auswahl der Verbalformen bei Homer. Phil., 1905, 321-340, et F. Sommer, Zur griechischen Prosodie, die Positionsbildung bei Homer. Glotta, 1909, 145. Cf. E. Drerup, Hom. Poetik, I, 120-127, et surtout V. Bérard, Introd., I, 167-178 qui donne une bibliographie du sujet.

[ back ] 10. K. Witte, Pauly-Wissowa, viii, 2214.

[ back ] 11. Kurt Witte, Singular und Plural, Leipzig, 1907; Zur homerischen Sprache, Glotta, 1909-1913; Wortrhythmus bei Homer, Rhein., Mus., 1913, 217-238; Ueber die Kasusausgänge οιο und ου , οισι und οις , ῃσι und ῃς im griechischen Epos; der Dativ des Plurals der dritten Deklination. Glotta, 1914, p. 8 ss., 48 ss.; Homeros B) Sprache. Pauly-Wissowa, Stuttgart, 1913, viii, 2213-2247.

[ back ] 12. Leipzig, 1921.

[ back ] 13. Les chiffres sont donnés par Boldt (Programm Tauberbischofsheim, 1880-1, p. 5), –οιο tombe dans le premier pied 7 fois, dans le second 26 fois, dans le troisième 520 fois, dans le quatrième 17 fois, dans le cinquième 352 fois, dans le sixième 716 fois.

[ back ] 14. K. Sittl, Die Wiederholungen in der Odysse. München, 1882; A. Gemoll, Die Beziehungen zwischen Ilias und Odysse. Hermes, 1883, p. 34.

[ back ] 15. C. Rothe, Die Bedeutung der Wiederholungen für die homerische Frage. Berlin, 1890; cet auteur donne la bibliographie du sujet. J.-A. Scott, Repeated Verses in Homer, Am. Journ. Phil., 1911, p. 321. A Shewan, Does the Odyssey imitate the lliad ? Class. Quart., 1913, p. 234. Cf. Bérard, Introd., II, 389 ss.. Drerup, Hom. Poetik, I, 368 ss. Le nombre de vers répétés entièrement, ou composés d’expressions répétées, est donné par C.-E. Schmidt, Parallel-Homer, Göttingen, 1885, p. viii, 5,605 pour l’Iliade, 3,648 pour l’Odyssée.

[ back ] 16. On indique toujours, ici comme ailleurs, le nombre de fois qu’une certaine expression est employée, sauf toutefois dans le cas où elle ne figure qu’une fois.

[ back ] 17. Nous aurons souvent besoin de nous servir de ces termes formules équivalentes et formules uniques; il faut sous-entendre dans chaque cas au point de vue du sens et de la valeur métrique. De la même façon nous parlerons ďépithétes équivalentes (ταλασίφρονος ~ μεγαλήτορος, pour Ulysse; ἱπποδάμοιο ~ ἀνδροφόνοιο, pour Hector), et d’épithètes uniques (δῖος d’Ulysse, φραίδιμος d’Hector). La distinction, on le voit, est des plus importantes dans l’étude de l’élément formulaire de la diction, car dans l’un des cas, étant données les mêmes conditions métriques, l’aède a le choix entre deux formules ou entre deux épithètes, et dans l’autre aucun choix ne lui est permis. Nous nous arrogerons aussi le droit d’employer ces termes au singulier: formule équivalente, épithète unique, etc.

[ back ] 18. L’épithète peut être définie comme un mot ajouté, sans l’intermédiaire d’aucun verbe copule, à un substantif pour le qualifier. L’épithète n’est donc pas nécessairement un adjectif: elle peut être aussi un substantif (άνπξ, βασιλεύς) et même une expression appositive (ευρύ κρ£:Ί,>ν, βοτ,ν αγαθός).

[ back ] 19. Homerische Poetik, p. 121 ss.