L’Épithète Traditionnelle dans Homère: Essai sur un problème de style Homérique

III. L’Épithète et La Formule : I. La Technique de l’emploi de l’épithète fixe

§ 1. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, types principaux [1] .

On peut maintenant commencer l’étude des formules homériques qui contiennent des épithètes. Les formules des types {45|46} principaux, celles qui remplissent le vers exactement entre une coupe et une des extrémités, seront étudiées d’abord, car elles sont de beaucoup les plus nombreuses en même temps qu’elles se rattachent le plus certainement à une technique de la diction. Ensuite, après avoir remarqué les forces qui agissent dans cette première classe de formules — l’influence du vers, l’arrangement des mots dans le vers, la relation entre l’idée essentielle et la formule, le facteur de l’analogie — on sera mieux en mesure de former son jugement sur les formules des types plus ou moins rares qui sembleraient pouvoir dériver de l’expression indépendante d’Homère.

Tandis qu’il faut, d’une part, étudier à la fois une assez grande quantité de formules pour que les conclusions soient générales et non pas exceptionnelles, il faut d’autre part tenir toujours compte du fait que le caractère d’une série de formules nom-épithète, nom-épithète-préposition, etc., dépend forcément du caractère du nom. Le plus grand danger que l’on court en étudiant les formules homériques consiste à croire que celles-ci suivent des règles qui n’ont rien à faire avec l’idée que contient chaque mot. Il ne faut jamais oublier que la technique des formules, étant destinée à exprimer la pensée de l’épos, varie toujours en s’adaptant à l’idée qui doit être exprimée. Ainsi, par exemple, le nom d’un héros sera plus souvent le sujet d’une phrase que ne le sera le nom d’une ville ou la plupart des noms communs. Ulysse fera beaucoup de choses, mais un navire ou la ville de Troie seront plus rarement considérés comme les auteurs de quelque action. Autrement dit, pour le nom d’un héros, le poète épique a plus besoin d’une série de formules nom-épithète au nominatif que dans le cas d’autres noms. De même ce n’est que rarement que le poète aura besoin d’employer une préposition avec le nom d’Ulysse, tandis que les occasions de dire {46|47} à côté du navire, dans le navire, au navire seront très fréquentes dans tout poème où un navire figure, et ainsi le poète a besoin d’une série de formules nom-épithète-préposition pour navire dont il n’a pas besoin pour Ulysse. Il est donc évident que l’on doit traiter séparément les noms qui présentent par leur nature des problèmes différents au point de vue de la versification et de mettre ensemble seulement ceux qui ressemblent les uns aux autres par les circonstances de leur emploi.

α. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, au nominatif; types principaux.

Le Tableau I (pp. 50-51) montre tous les cas dans lesquels certains noms propres forment au nominatif, avec une ou deux épithètes, une expression qui remplit le vers exactement entre une coupe et une des extrémités du vers. On a choisi onze noms propres parmi ceux que l’on rencontre le plus souvent dans les poèmes. Ce Tableau montre 10: La mesure des formules des types principaux; quelles sont, au nominatif, toutes les formules de ces types dans les cas des onze noms propres donnés; et le nombre de fois que celles-ci apparaissent dans l’Iliade et l’Odyssée. Les expressions mises entre crochets sont celles qui, tandis qu’elles ne contiennent pas le nom même du dieu ou du héros, en tiennent la place; par exemple πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε pour Zeus, et Τυδέος υἱός pour Diomède. Pour des raisons de simplification les chiffres pour l’Iliade et pour l’Odyssée ne sont pas donnés séparément. Les différences de proportion, entre les deux poèmes, pour l’emploi de ces formules dépendent pour la plus grande partie de circonstances propres aux deux poèmes, et les rares différences qui sembleraient dépendre de considérations purement stylistiques seront traitées à leur place au Chapitre v. Ce Tableau I montre aussi 20: combien de fois ces mêmes noms propres forment avec une ou deux épithètes des formules dont les valeurs métriques sont différentes de celles des types donnés, aussi bien que le nombre de types de formules qui y sont représentés. Ceci sert à montrer la plus grande fréquence des formules des types principaux [2] . {47|48}

Le fait le plus important que fait ressortir ce tableau, c’est que les formules qu’il renferme constituent un système caractérisé à la fois par une grande extension et par une grande simplicité. Sur 55 différentes formules nom-épithète qui y apparaissent, il n’en est que 9 qui ne sont pas uniques au point de vue du sens et du mètre: Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων ~ ἑκάεργος Ἀπόλλων, ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων ~ ἄναξ ἑκάεργος Ἀπόλλων, νεφεληγερέτα Ζεύς ~ Ζεὺς τερπικέραυνος ~ στεροπηγερέτα Ζεύς, βοῶπις πότνια Ἥρη ~ θεὰ λευκώλενος Ἥρη. Ces formules équivalentes seront étudiées à leur place. En dehors de ces 9 formules il en reste 46 qu’on ne saurait remplacer par d’autres, et ces 46 formules ne montrent pas un nombre illimité de valeurs métriques; elles n’en représentent que 7 différentes, celles des formules: δῖος Ὀδυσσεύς, ἐσθλὸς Ὀδυσσεύς, πολύμητις Ὀδυσσεύς, πτολίπορθος Ὀδυσσεύς, πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς, Ἀλαλκομενηὶς Ἀθήνη, διογενὴς Ὀδυσεύς. De plus ces 46 différentes formules uniques réprésentent 723 emplois. Il est évident qu’un tel système de formules ne pourrait être la création d’un seul homme; il doit être tout entier traditionnel. Mais il n’est pas besoin d’insister sur ce fait. Passons au sujet de la relation entre l’hexamètre et la diction qui explique la création, la conservation, et l’emploi de ce système.

A. —Formules nom-épithète des dieux et des héros, au nominatif, après la diérèse bucolique.

Comme le montre le Tableau I cette formule, comme c’est le cas pour celle qui tombe après la césure féminine et celle qui tombe après l’hepthémimère, est une {48|49} des trois formules dont l’existence est le plus probable pour un héros quelconque et que l’on rencontre le plus fréquemment. Pour comprendre l᾽importance que possède une formule au nominatif pouvant prendre cette position, il faut considérer les rapports qui existent entre cette place et le reste du vers. Entre la coupe du troisième pied et la diérèse bucolique s’étend une partie du vers dont la mesure est ⏔ _ ⏔ ou ⏑ _ ⏔ selon que la césure est masculine ou féminine. Cette place est surtout propice au verbe, et par sa mesure, et par sa position. Sa mesure, se terminant par un pied qui peut être ou spondaïque ou dactylique mais qui, de préférence, est le dernier, est adaptée au très grand nombre de formes verbales qui possèdent les désinences -ατο, -ετο, -υτο, -εε, et aux aoristes seconds et aux imparfaits, tels que ἤλυθε, ἤγαγε, κτάνε, ἔκλύε, πόρε, προσέστιχε, etc., si abondants dans la langue homérique. D’autre part la position de cette partie du vers est commode pour le verbe précisément parce que le quatrième pied est suivi de la diérèse bucolique, ce qui permet au poète de continuer la phrase ou de la terminer à sa volonté et suivant le sens. S’il veut la terminer, il aura pour recommencer une nouvelle phrase des séries abondantes de formules conjonction-nom, verbe-conjonction-nom, etc., comme αὐτὰρ Ὀδυσσεύς, oὐ γὰρ Ὀδυσσεύς, χαῖρε δ᾽ Ὀδυσσεύς, καί που Ὀδυσσεύς, ἦρχε δ᾽ Ὀδυσσεύς, ὦρτο δ᾽ Ὀδυσσεύς, etc., dont il ne peut être question ici. Si, d’autre part, il veut continuer la phrase, il pourra se servir des séries de formules nom-épithète qui peuvent lui servir soit comme sujet, soit, aux cas obliques, comme régime du verbe. C’est un phénomène de la plus grande importance, parce qu’il montre à quel point cette diction de formules a été développée, que dans toute la série de formules suivant la diérèse données au Tableau I, chaque héros et chaque dieu (sauf dans le cas unique de ἱππότα Νέστωρ), possède une formule sujet de la mesure en question, commençant par une consonne simple, ce qui permet au poète de faire précéder ces formules d’un verbe possédant une des désinences nommées ci-dessus. Avec des formules de ce type il pourra éviter l’hiatus d’une brève tout en gardant le mouvement dactylique qui est recherché pour le quatrième pied avant la diérèse bucolique. Si au contraire il lui faut employer au quatrième pied un verbe se terminant par un spondée, comme il arrive plus rarement, par exemple des formes comme ἁμάρτηι, {49|50}

Tableau I. — Formules nom-épithète des dieux et de héros au nominatif ; types principaux.























  Entre La Diérèse Bucolique et la fin du vers. _ ⏖ _ _   Entre L’Hepthémimère et la fin du vers. ⏔_⏔_ _   Entre La Césure Féminine et la fin du vers. ⏑_⏔_⏔_⏒   Entre Le Commencement du vers et la césure penthémimére. _⏔_⏔_   Formules Nom-Épithète d’autres types Types Différents de ces formules
Ὀδυσσεύς. δῖος Ὀδυσσεύς… 60 πολύμητις Ὀδυσσεύς… 81 πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς… 38 διογενὴς Ὀδυσεύς… 4 12 8
  ἐσθλὸς Ὀδυσσεύς… 3 πτολίπορθος Ὀδυσσεύς… 4            
Ἀθήνη. Παλλὰς Ἀθήνη… 39 γλαυκῶπις Ἀθήνη… 26 θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη… 51 Παλλὰς Ἀθηναίη… 8 11 6
  [ὀβριμοπάτρη]… 2     Ἀλαλκομενηὶς Ἀθήνη… 2        
Ἀπόλλων. Φοῖβος Ἀπόλλων… 33 Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων… 2 ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων… 5 [Φοῖβος ἀκερσεκόμης] 1 15 5
  ἑκάεργος Ἀπόλλων… 6 ἄναξ ἑκάεργος Ἀπόλλων… 3            
      κλυτότοξος Ἀπόλλων… 1            
Ἀχιλλεύς. δῖος Ἀχιλλεύς… 34 πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεὺς… 31 ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς… 21     10 7
  ὠκὺς Ἀχιλλεύς… 5 μεγάθυμος Ἀχιλλεύς… 1            
Ζεύς. μητίετα Ζεύς… 18 νεφεληγερέτα Ζεύς… 30 [πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε]… 15 Ζεὺς ὑψιβρεμέτης… 5 39 24
Ἥρη. πότνια Ἥρη… 11 λευκώλενος Ἥρη… 3 βοῶπις πότνια Ἥρη… 11     3 3
Ἕκτωρ. φαίδιμος Ἕκτωρ… 29 κορυθαίολος Ἕκτωρ… 25 μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ… 12 Ἕκτωρ Πριαμίδης… 6 11 7
  ὄβριμος Ἕκτωρ 4                
Νέστωρ. ἱππότα Νέστωρ… 1     Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ… 31     7 4
Ἄρης. χάλκεος Ἄρης… 5 χρυσήνιος Ἄρης… 1 βριήπυος ὄβριμος Ἄρης… 1     12 10
  ὄβριμος Ἄρης… 5     Ἄρης ἆτος πολέμοιο… 3        
Διομήδης. [Τυδέος υἱός]… 8 κρατερὸς Διομήδης… 12 βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης… 21 *   7 5
      ἀγαθὸς Διομήδης… 1            
Ἀγαμέμνων. *   κρείων Ἀγαμέμνων… 26{50|51} ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων… 37 [ἥρως Ἀτρείδης]… 3 15 6 {51|52}

I. Sur 60 cas de l’emploi de δῖος Ὀδυσσεύς il y a 15 exemples d’un verbe remplissant le vers entre la césure du troisième pied et la diérèse bucolique:

α 398 καὶ δμώων, οὕς μοι ληίσσατο δῖος Ὀδυσσεύς

γ 121 ἤθελ᾽, ἐπεὶ μάλα πολλὸν ἐνίκα δῖος Ὀδυσσεύς

ζ 127 ὣς εἰπὼν θάμνων ὑπεδύσετο δῖος Ὀδυσσεύς

ζ 217 δή ῥα τότ᾽ ἀμφιπόλοισι μετηύδα δῖος Ὀδυσσεύς






η 230  
τ 1 αὐτὰρ ὁ ἐν μεγάρωι ὑπελείπετο δῖος Ὀδυσσεύς
τ 51  

θ 381 δὴ τότ᾽ ἀρ᾽ Ἀλκίνοον προσεφώνεε δῖος Ὀδυσσεύς

ν 63 ὣς εἰπὼν ὑπὲρ οὐδὸν ἐβήσετο δῖος Ὀδυσσεύς

ξ 48 ὣς εἰπὼν κλισίηνδ᾽ ἡγήσατο δῖος Ὀδυσσεύς

υ 1 αὐτὰρ ὁ ἐν προδόμωι εὐνάζετο δῖος Ὀδυσσεύς

ω 424 Ἀντινόου, τὸν πρῶτον ἐνήρατο δῖος Ὀδυσσεύς

ω 482 ἐπεὶ δὴ μνηστῆρας ἐτίσατο δῖος Ὀδυσσεύς

Β 244 Θερσίτης· τῶι δ᾽ ῶκα παρίστατο δῖος Ὀδυσσεύς

Τ 141 χθιζὸς ἐνὶ κλισίηισιν ὑπέσχετο δῖος Ὀδυσσεύς

On trouve des séries analogues pour les noms d’autres héros et pour ceux des dieux. {52|53}












































ὀρέξατο  
ἐξέσσυτο  
κατέκτανε  
ποιήσατο  
  φαίδιμος Ἕκτωρ
ἐκόσμει  
ἀκόντισε  
προσηύδα  
ἠλεύατο  
ἐπετείλατο  
(3 fois) ἡγήσατο  
  Παλλὰς Ἀθήνη
παρίστατο  
μετώιχετο  
ἐχώσατο  
ἐρύσατο  
προσηύδα  
μετηύδα  
  Φοῖβος Ἀπόλλων
παρίστατο  
ἀγάσσατο  
κοτέσσατο  
μυθήσατο  
παρελέξατο   μητίετα Ζεύς
ἠμείβετο  
πωλέσκετο  
ἀνέστη  
ἐκέκλετο  
  δῖος Ἀχιλλεύς
κορύσσετο  
ἀνέσχετο  
προσηύδα  
τετάρπετό  
προσηύδα  
διέπτατο πότνια Ἥρη
καθέζετο  
ἀκόντισε  
ἐπώιχετο  
  Τυδέος υἱός {53|54}
κιχήσατο  
φερέσθω  

 

Or, aussi bien que l’on a pu constater l’emploi d’une série de formules sujet avec la formule prédicat τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα (pp. 11-12) on peut remarquer des séries de formules sujet employées avec certains des verbes qui viennent d’être signalés. Ces séries ne seront forcément pas aussi étendues que celle des sujets à τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα, et dans beaucoup de cas on trouvera que l’emploi d’une formule nom-épithète avec un certain verbe est unique, comme par exemple dans le cas de εὐνάζετο δῖος Ὀδυσσεύς, ἐτίσατο δῖος Ὀδυσσεύς, ἠλεύατο φαίδιμος Ἕκτωρ, etc. Il faut bien, à cet égard, se souvenir de la relation obligatoire qui existe entre la pensée de l’épos et sa diction. L’importance d’une série de formules verbe-sujet telles qu’on les cherche ici, dépend uniquement de la fréquence avec laquelle le poète a besoin d’exprimer une certaine catégorie d’idées qui, se ressemblant plus ou moins, pourront être exprimées jusqu’à un certain point par les mêmes mots. Par exemple ni ἀκόντισε ni ἠλεύατο ne seront employés pour décrire un geste quelconque des dieux, parce que ceux-ci ne prennent jamais une part si active aux combats des héros. Ainsi un héros seulement pourra être sujet de ces deux verbes. De plus, c’est seulement dans les cas où le contexte demande que le sujet soit nommé pour éviter toute ambiguïté que le poète voudra faire suivre ce verbe du nom de quelque héros, car le poète n’est pas si emprisonné dans sa technique des formules qu’il soit forcé d’employer une formule là où elle ne serait pas à sa place. Ainsi on trouve ἀκόντισε Τυδέος υἱός (1 fois) et ἀκόντισε φαίδιμος Ἕκτωρ (1 fois), mais ἀκόντισε δουρὶ φαεινῶι (6 fois). On trouve ἠλεύατο φαίδιμος Ἕκτωρ (1 fois), mais ἠλεύατο χάλκεον ἔγχος (6 fois). La raison de la fréquence ou de la rareté de ces formules est claire. Dans toute l’étendue de ses deux poèmes, Homère n’a eu que deux fois besoin d’exprimer entre la césure penthémimère et la fin du vers un tel héros lança sa javeline, et qu’une seule fois d’exprimer un tel héros esquiva la javeline. Au contraire six fois il lui fut nécessaire d’exprimer dans cet espace du vers l’idée plus simple il lança sa javeline [4] et six fois d’exprimer l’idée il esquiva la {54|55} javeline. Prenons un autre cas du même genre. L’expression τοῦ (τῆς, τῶν) δ᾽ ἔκλυε n’est employée que dans des circonstances où il s’agit d’un dieu écoutant une prière qui lui est adressée. On trouve:








      Παλλὰς Ἀθήνη (4 fois)
τοῦ   Κυανοχαίτης
τῆς δ᾽ ἔκλυε μητίετα Ζεύς (3 fois)
τῶν   Φοῖβος Ἀπόλλων (3 fois)
      πότνια μήτηρ

Cette série d’expressions n’est évidemment rencontrée dans les poèmes homériques que parce qu’il est arrivé au poète de mentionner, à ces douze reprises, la prière adressée à quelque dieu. La fréquence ou la rareté d’une formule dépend ainsi uniquement de la nécessité où le poète se trouvait d’exprimer une même idée plus ou moins souvent dans ses vers, et, tandis que la fréquence de telle expression prouve que celle-ci est une formule, la rareté de telle autre n’indique pas nécessairement qu’elle soit originale et non traditionnelle. Il faut donc chercher la signification des séries de formules qui suivent, non pas dans leur extension mais dans leur caractère d’ensemble, qui montre l’artifice de diction consistant à joindre certains types de verbes à certains types de formules nom-épithète. Lorsqu’on trouve que tel verbe, par exemple, est employé tantôt avec une formule sujet, tantôt avec une autre qui possède la même valeur métrique, il devient clair que le poète aurait pu employer une expression sujet quelconque commençant par un dactyle et une consonne simple après n’importe quel verbe qui se termine par une voyelle avant la diérèse bucolique. Le fait que les séries ne soient pas plus riches et plus faciles à trouver dépend uniquement de ce que le poète n’avait l’occasion de se servir de cet artifice que pour faire certaines combinaisons de verbes et d’expressions sujet.

Il arrive ainsi que celui qui voudrait signaler jusqu’à la dernière toutes les circonstances dans lesquelles Homère s’est servi d’un certain type de formule, entreprendrait une tâche qui, si sa longueur ne la rendait impossible, perdrait la plus grande partie de sa {55|56} valeur en devenant une simple énumération de vers. Prenons des exemples dans les cas de l’emploi des formules du type en question. Parmi les vers où ces formules sont employées, on peut constater que quelques-uns se ressemblent assez pour prouver que l’on a affaire à un artifice de diction pour combiner les mots de la phrase. Par exemple, on trouve que très souvent Homère remplit la partie du vers qui s’étend de la césure du troisième pied à la fin du vers en commençant par un verbe placé à la fin du quatrième pied et en complétant les vers par une formule sujet. Il fait suivre προσεφώνεε de onze différentes formules sujet, προσηύδα de six différentes formules sujet, etc., et il en résulte que l’on a une abondance d’exemples tendant à démontrer que le poète, sachant que tout verbe placé entre la césure du troisième pied et le quatrième pied et terminé par une voyelle pouvait être suivi de n’importe quelle formule sujet du type δῖος Ὀδυσσεύς, s’est servi de ces éléments de la diction toutes les fois qu’ils concordaient avec sa pensée. Mais quelle sorte d’artifice de composition doit-on voir dans des vers tels que

A 182 ὡς ἔμ᾽ ἀφαιρεῖται Χρυσηίδα Φοῖβος Ἀπόλλων ou






σ 117   ἔφαν  
  ὣς ἄρ᾽   χαῖρεν δὲ κλεηδόνι δῖος Ὀδυσσεύς
υ 120   ἔφη  

pour lesquels on ne trouve pas d’autres vers qui leur soit immédiatement analogues? Pour savoir avec exactitude si Homère faisait dans ces vers des combinaisons de mots d’un genre nouveau, on serait d’abord forcé d’examiner d’autres catégories de formules que celle qui nous occupe ici. Dans le cas du premier vers on serait obligé d’étudier des formules verbe-complément direct qui tombent entre le commencement du vers et la diérèse bucolique. Dans le cas des deux autres vers on serait forcé de faire l’étude des formules verbes-cas régime qui tombent entre la trithémimère et cette diérèse. On serait amené à abandonner, pour un long moment, le domaine de l’élément qui est certainement formulaire pour s’occuper d’expressions qui se rattachent à la tradition de manière moins évidente. La présente étude traitera à leur place des formules de cette sorte qui contiennent des épithètes; on considérera en détail les formules de types moins fré- {56|57}quents dont la présence dans les poèmes est indiquée dans les deux dernières colonnes du tableau I. Mais cette étude de formules de types moins fréquents ne pourra se faire que lorsque l’étude des types principaux aura fourni certaines indications sur le caractère et la manière d’employer ceux-ci. Tenter d’indiquer toutes les manières d’employer une certaine catégorie de formules serait donc se perdre dans un labyrinthe infini de recherches. Il doit suffire de pouvoir constater avec exactitude, premièrement que presque chaque héros jouant un rôle important dans les poèmes possède une formule sujet d’une certaine valeur métrique, et deuxièmement que le poète s’en sert en combinaison avec certains autres mots toutes les fois qu’il peut ainsi exprimer l’essentiel de sa pensée. On peut exiger la preuve concluante qu’une certaine formule ou qu’un certain type de formule fasse partie de la technique de la diction, mais de cette technique on ne peut espérer connaître jusqu’aux moindres détails.

On trouve dans Homère:
























  δῖος Ὀδυσσεύς
  δῖος ὑφορβός
  φαίδιμος υἱός (2 fois)
… προσεφώνεε θεῖος Ὄνειρος
  δῖ᾽ Ἀφροδίτη (2 fois)
  Τεῦκρος ἀμύμων
  νήδυμος ῎Υπνος
  δῖος Ὀδυσσεύς
μετηύδα Πηνελόπεια
  δῖα θεάων
  φαίδιμος Ἕκτωρ
  Παλλὰς Ἀθήνη
  Πηνελόπεια (2 fois)
  δῖα θεάων (2 fois)
  μάντις ἀμύμων
cf. … προσηύδα δῖος Ἀχιλλεύς
  δῖος Ὀδυσσεύς
  πότνια Ἥρη (4 fois)
  πότνια Κίρκη
  Φοῖβος Ἀπόλλων (2 fois)
  φαίδιμος υἱός

{57|58}






























  δῖος Ὀδυσσεύς
  Παλλὰς Ἀθήνη
  δῖα θεάων
παρίστατο  
  δῖος ὑφορβός
  Φοῖβος Ἀπόλλων
  πότνια μήτηρ
  Παλλὰς Ἀθήνη (3 fois)
  δῖος Ὀδυσσεύς
ἡγήσατο δῖα θεάων
  δῖος ὑφορβός
  Κυανοχαίτης
  δῖα γυναικῶν
ἀνέσχετο  
  δῖος Ἀχιλλεύς
  δῖος Ὀδυσσεύς
Cf. … ὑπεσχετο  
  μάντις ἀμύμων
  φαίδιμος Ἕκτωρ
ποιήσατο τερπικέραυνος
  Κυλλοποδίων
  φαίδιμος Ἕκτωρ
… ἐξέσσυτο  
  νήδυμος Ὕπνος
  δῖος ὑφορβός
… ἐκέκλετο δῖα γυναικῶν
  δῖος Ἀχιλλεύς

etc.

II. Un autre artifice dont le poète se sert fréquemment et dans lequel figurent les formules nom-épithète de ce type, consiste à employer avant la diérèse bucolique un verbe précédé de ὁ δ᾽, ἡ δ᾽, ou même s’il y en est besoin, un verbe précédé de ὁ δ᾽ ἄρ᾽; car ἄρα (ἄρ᾽, ἄρ, ῥ᾽, ῥα), ne sert ici, comme si souvent ailleurs qu’à fournir la syllabe ou les syllabes nécessaires pour remplir une lacune. Le poète se sert de cet artifice lorsqu’il a besoin de commencer au troisième pied une nouvelle pbrase dont le sujet est autre que celui de la phrase précédente. {58|59} On trouve:
















ὁ δ᾽ ἔγρετο  
ὁ δ᾽ ἀνείρατο  
  δῖος Ὀδυσσεύς
ὁ δ᾽ ἐδείπνεε  
ὁ δ᾽ ἐπεύξατο  
ὁ δ᾽ ἄρ᾽ ἔσθορε  
  φαίδιμος Ἕκτωρ
ὁ δ᾽ ἀμείβετο  
ἡ δ᾽ ἕσπετο   Παλλὰς Ἀθήνη
ὁ δ᾽ ἐπεύξατο  
  δῖος Ἀχιλλεύς
ὁ δ᾽ ἀνέσχετο  
ὁ δ᾽ ἔβραχε   χάλκεος Ἄρης

On peut comparer:







  φαίδιμος Ἕκτωρ
ὁ δ᾽ ἀμείβετο δῖα γυναικῶν (7 fois)
  πότνια μήτηρ (2 fois)
ὁ δ᾽ ἅμ᾽ ἕσπετο   ἰσόθεος φώς (3 fois)

III. Un troisième artifice consiste à employer entre la césure du troisième pied et la diérèse bucolique une expression qui contienne le verbe et son complément direct. Dans un grand nombre de cas ce complément est un pronom relatif qui commence un membre de phrase subordonné. On trouve:

















      χρόα νίζετο  
      δόλον ἤγαγε  
        δῖος Ὀδυσσεύς
      ὄπα σύνθετο  
      οὓς κτήσατο  
      τὸν ἔκτανε  
        δῖος Ἀχιλλεύς
      τήν οἱ πόρε  
  τοῦ    
(3 fois)   δ᾽ ἔκλυε  
  τῶν    
        Παλλὰς Ἀθήνη
      μιν ἐφίλατο  
      φρένας εἵλετο  

{59|60}

















  τά οἱ πόρε   χάλκεος Ἄρης
(2 fois) κόρυθ᾽ εἵλετο   φαίδιμος Ἕκτωρ
  τήν οἱ πόρε  
  ὅ τοι πόρε  
  στὀματ᾽ ἔτραπε  
    Φοῖβος Ἀπόλλων
  κυνέην βάλε  
  φόβον ἔμβαλε  
  νέφος ἤγαγε  
(2 fois) κακὰ μήδετο  
  φρένας εἵλετο  
    μητίετα Ζεύς
  τὸ γὰρ μένε  
(3 fois) τοῦ δ᾽ ἔκλυε  

On peut comparer:
















          δῖα Καλυψώ (2 fois)
τά       παρθένος ἀδμής
οἱ   πότνια Κίρκη
  σφιν πόρε Φοῖβος Ἀπόλλων (3 fois)
τήν τοι   χάλκεος Ἄρης
τόν       δῖος Ἀχιλλεύς
          πότνια μήτηρ
          δῖος Ἀχιλλεύς
        τὸν ἔκτανε  
          Δάρδανος ἀνήρ
    δόλον   δῖος Ὀδυσσεύς
      ἤγαγε  
    νέφος   Φοῖβος Ἀπόλλων








        κόρυθ᾽ εἵλετο   φαίδιμος Ἕκτωρ
          Παλλὰς Ἀθήνη
        φρένας εἵλετο  
          μητίετα Ζεύς
      cf. ὁ δ᾽ εἵλετο   θεῖος ἀοιδός

IV. Il arrive souvent que la formule de ce type soit précédée d’un verbe suivi de δέ, ce qui permet au poète de commencer au troisième pied des phrases dont il doit spécifier le sujet, quand {60|61} le verbe rend impossible l’emploi de l’artifice ὁ δ᾽, ἡ δ᾽, considéré plus haut. On trouve, par exemple:










(4 fois) νόησε δὲ  
  γήθησε δὲ δῖος Ὀδυσσεύς
  ἡγεῖτο δὲ  
  νόησε δὲ   φαίδιμος Ἕκτωρ
  σάωσε δὲ   πότνια Ἥρη
  ἐπέρεισε δὲ   Παλλὰς Ἀθήνη
  ἀνῆκε δὲ   Φοῖβος Ἀπόλλων

On peut comparer:






  δῖος ὑφορβός
νόησε δὲ δῖος Ὀδυσσεύς
  φαίδιμος Ἕκτωρ

V. Au troisième pied le poète peut encore se servir d’un autre artifice pour le commencement de la phrase dont le sujet doit être spécifié: c’est l’emploi de tmèse, δ᾽ étant inséré entre le préfixe et le verbe. On trouve, par exemple:








  ἀνὰ δ᾽ ἵστατο  
    δῖος Ὀδυσσεύς
  ἐπὶ δ᾽ ὤρνυτο  
  ἀνὰ δ᾽ ἥρπασε   Παλλὰς Ἀθήνη
cf. ἐπὶ δ᾽ ἴαχε   λαὸς Ἀχαιῶν

VI. Dans tous les cas précédents, la formule du type δῖος Ὀδυσσεύς est précédée d’une expression qui, tombant après la césure du troisième pied, contient un verbe. L’autre manière la plus fréquente d’employer ce type de formule est de le faire précéder de καί ou de ἤ. On crée ainsi des expressions qui doivent être considérées, au point de vue de leur valeur dans la composition, comme des formules conjonction-nom-épithète que l’on emploie après l’hepthémimère. Car dans la récitation il n’est pas possible de mettre une pause entre la conjonction et l’expression {61|62} sujet qui la suit, et la césure tombe ainsi forcément au milieu du quatrième pied. On trouve:

καὶ δῖος Ἀχιλλεύς (2 fois).
καὶ δῖος Ὀδυσσεύς (7 fois).
ἢ δῖος Ὀδυσσεύς
καὶ Παλλὰς Ἀθήνη (9 fois)
καὶ φαίδιμος Ἕκτωρ (7 fois)
καὶ χάλκεος Ἄρης
καὶ Φοῖβος Ἀπόλλων (2 fois)
ἢ Φοῖβος Ἀπόλλων
καὶ μητίετα Ζεύς

etc.

Ce type de formule est précédé d’expressions de différentes longueurs; on trouve ainsi des expressions nom-épithète qui commencent au début du vers:






  καὶ φαίδιμος Ἕκτωρ
Αἰνείας τ᾽ Ἀγχισιάδης  
  καὶ δῖος Ἀχιλλεύς

Ἀτρείδης τε ἄναξ ἀνδρῶν καὶ δῖος Ἀχιλλεύς
Γλαῦκος δ᾽ Ἱππολόχοιο πάις καὶ Τυδέος υἱός
Ἕκτωρ τε Πριάμοιο πάις καὶ χάλκεος Ἄρης
κυανοχαῖτα Ποσειδάων καὶ φαῖδιμος Ἕκτωρ
Τυδείδης τε μενεπτόλεμος καὶ δῖος Ὀδυσσεύς.

Souvent l’expression précédente commence au troisième pied:

Στρατίος καὶ δῖος Ὀδυσσεύς
Πάρις καὶ Φοῖβος Ἀπόλλων
πρόμαχοι καὶ φαίδιμος Ἕκτωρ (3 fois)










  καὶ φαίδιμoς Ἕκτωρ
Τρῶες  
  καὶ Παλλὰς Ἀθήνη
Ἄρης   καὶ Παλλὰς Ἀθήνη
  καὶ δῖος Ὀδυσσεύς
ἐγὼ καὶ Φοῖβος Ἀπόλλων
  καὶ Παλλὰς Ἀθήνη (2 fois)

VII. Comme dans le cas de certaines formules de types principaux qui montrent d’autres mesures, on trouve une série secondaire de formules nom-épithète au nominatif après la diérèse bucolique; ces formules, au lieu de commencer par une consonne simple commencent par une voyelle. Ceci rend possible leur {62|63} emploi dans des circonstances où une consonne aurait donné à la syllabe précédente la valeur d’une longue. Ces formules sont surtout utiles à employer après une forme du verbe se terminant en -αι. On trouve, par exemple:












ἔμμεναι   ὄβριμος Ἄρης
ἀποπαύσεται  
  ὄβριμος Ἕκτωρ
κυλίνδεται  
ἀποαίνυται  
  εὐρύοπα Ζεύς
κεχολώσεται  
βιάζεται   ὠκὺς Ἀχιλλεύς
κοτέσσεται   Ὀβριμοπάτρη (2 fois)

L’emploi peu courant des formules de ce type s’explique par le fait que les formes du verbe en -εται sont beaucoup moins fréquentes que celles en -ετο, -ατο, -υτο, -εε, etc. Homère emploie surtout l’aoriste ou l’imparfait pour ses narrations. Ce n’est qu’au cours d’un discours ou dans un passage décrivant un dieu qu’il a besoin d’un présent ou d’un futur. L’emploi du présent pour la narration, si répandu parmi les auteurs plus récents, lui est inconnu. D’ailleurs les formes en -εται sont d’une nature assez difficile à manier dans la versification.

Les autres emplois de ce type de formule sont divers. On peut signaler quelques cas où il est précédé d’une expression verbe-sujet:









ἀφίει μένος   ὄβριμος Ἄρης
τελέσηι ἔπος   ὄβριμος Ἕκτωρ
τιθεῖ νόον  
  εὐρύοπα Ζεύς
βλάπτε φρένας  
κτάνε Παίονας   ὠκὺς Ἀχιλλεύς

***

Β. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, au nominatif, après l’hepthémimère.

Cette série de formules doit son emploi abondant surtout aux lignes indiquant le début de discours qui contiennent les mots προσέφη ou μετέφη; quelques exemples de ces vers ont déjà été cités (p. 18-19). Avant de chercher leur utilité générale dans la versification il faut considérer à quel point ce type de formule nom-épithète apparaît en dehors de ces vers. On trouve: {63|64}














  Fοis Employé avec προσέφη ou μετέφη. Fois Employé ailleurs
πολύμητις Ὀδυσσεύς… 72 9
γλαυκῶπις Ἀθήνη… 7 19
ἑκάεργος Ἀπόλλων… 3 3
Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων… 2 »
πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς… 27 4
νεφεληγερέτα Ζεύς… 22 8
λευκώλενος Ἥρη… 2 1
κρείων Ἀγαμέμνων… 10 16
κρατερὸς Διομήδης… 10 2
κορυθαίολος Ἕκτωρ… 10 15

Hors de ces lignes de début de discours on trouve, de même que dans le cas des formules du type étudié précédemment, des expressions commençant par une simple consonne et ďautres commençant par une double consonne, ainsi:
















Commençant par une simple consonne   Commençant par une double consonne  
πολύμητις Ὀδυσσεύς… 9 πτολίπορθος Ὀδυσσεύς… 4
    γλαυκῶπις Ἀθήνη… 1
ἑκάεργος Ἀπόλλων… 3 κλυτότοξος Ἀπόλλων… 1
πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς… 4 μεγάθυμος Ἀχιλλεύς. [cf. θ 520]… 1
    νεφεληγερέτα Ζεύς… 8
    Ζεὺς τερπικέραυνος… 4
    στεροπηγερέτα Ζεύς… 1
λευκώλενος Ἥρη… 1    
κορυθαίολος Ἕκτωρ… 1    
    χρυσήνιος Ἄρης… 1
    κρατερὸς Διομήδης… 2
    κρείων Ἀγαμέμνων… 16 {64|65}

Dans le cas des formules de cette catégorie il est évident que les aèdes n’éprouvaient pas le même besoin que dans le cas des formules tombant après le quatrième pied de posséder des formules qui commencent toutes par un même élément. On ne pourrait pas faire avec ces formules nom-épithète que l’on relève après l’hepthémimère autant de combinaisons que l’on voudrait. On trouve







μετὰ δὲ  
  γλαυκῶπις Ἀθήνη
παρὰ δὲ  
μετὰ δὲ   κρείων Ἀγαμέμνων

Mais on ne pourrait pas créer d’expressions analogues au moyen de la formule κορυθαίολος Ἕκτωρ. On doit donc en conclure que l’influence du vers n’agit pas ici avec la même force que dans le cas de l’autre type de formule. Les formules nom-épithète dans cette position étant comparativement peu fréquentes en dehors des vers de début de discours, l’influence du vers n’était pas si exigeante et les poètes se contentaient de l’expression qui, créée pour servir après μετέφη ou προσέφη, pouvait également être employée dans la plupart des autres cas.

II. Ce type de formule fournit aussi un moyen de commencer une nouvelle phrase au milieu du vers. Dans ce cas le verbe se trouve le plus souvent dans un des vers suivants. On trouve:

φ 404 ἀτὰρ πολύμητις Ὀδυσσεύς,
…….
409……. τάνυσεν μέγα τόξον …
Κ 488 ἀτὰρ πολύμητις Ὀδυσσεύς,
…….
490……. ἐξερύσασκε,
Λ 153 ἀτὰρ κρείων Ἀγαμέμνων
αἰὲν ἀποκτείνων ἕπετ᾽ Ἀργείοισι κελεύων.
Ψ 110 ἀτὰρ κρείων Ἀγαμέμνων
οὐρῆας τ᾽ ὤτρυνε καὶ ἀνέρας ἀξέμεν ὕλην
Ε 29 ἀτὰρ γλαυκῶπις Ἀθήνη
χειρὸς ἑλοῦσ᾽ ἐπέεσσι προσηύδα θοῦρον Ἄρηα· {65|66}

III. On trouve un autre artifice du même genre dans l’emploi de ἀνὰ δὲ, μετὰ δὲ, παρὰ δὲ, etc.

Β 279 παρὰ δὲ γλαυκῶπις Ἀθήνη
εἰδομένη κήρυκι σιωπᾶν λαὸν ἀνώγει
Β 446 μετὰ δὲ γλαυκῶπις Ἀθήνη
…….
450 ……. διέσσυτο
Β 476 ὣς τοὺς ἡγεμόνες διεκόσμεον ἔνθα καὶ ἔνθα
ὑσμίνηνδ᾽ ἰέναι, μετὰ δὲ κρεῖων Ἀγαμέμνων
ξ 268-9 = ρ 437-8 ἐν δὲ Ζεὺς τερπικέραυνος
φύζαν ἐμοῖς ἑτάροισι κακὴν βάλεν

IV. Les formules de ce type sont parfois précédées d’une forme du verbe se terminant par une voyelle brève et montrant la mesure ⏔ _ ou ⏑ _ .














  ἴδε  
  δῶκε γλαυκῶπις Ἀθήνη
(4 fois) βάλε  
cf. ἴδεν   πολύμητις Ὀδυσσεύς
  βάλε  
  λάβε  
    κρείων Ἀγαμέμνων
  ἦρχε  
(3 fois) ἕλετο  
  εἶχε   χρυσήνιος Ἄρης
  βάλε   πτολίπορθος Ὀδυσσεύς

On peut comparer:

ἕλετο ῥοδοδάκτυλος Ἠώς

On peut aussi bien employer avant ces formules un verbe se terminant par une syllabe longue; le surallongement n’est pas à éviter avec tant de soin ici au milieu du vers.








ἀπέβη  
ἐρέειν  
  κορυθαίολος Ἕκτωρ
ἕληι  
ἔχει  

{66|67}





















  ἔβη  
γων πολύμητις Ὀδυσσεύς
  κιὼν  
  ἵει  
  φιλεῖ ἑκάεργος Ἀπόλλων
  πάθοι  
(2 fois) φιλεῖ   νεφεληγερέτα Ζεύς
  δώηι   Ζεὺς τερπικέραυνος
  προίει  
  καλέει κρείων Ἀγαμέμνων
  ἰδὼν  
  μίγη   κρατερὸς Διομήδης
  ἵει  
  φιλέειν γλαυκῶπις Ἀθήνη
  ἀπέβη  
cf. ἄγαγεν  
    πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς
  πέφνεν  

On peut comparer:














    γλαυκῶπις Ἀθήνη
    κρατὺς Ἀργειφότης
    κορυθαίολος Ἕκτωρ
  ἀπέβη  
    πόδας ὠκέα Ἶρις
    Τελαμώνιος Αἴας
    ξανθὸς Μενέλαος
    γλαυκῶπις Ἀθήνη
  οὖρον ἵει  
    ἑκάεργος Ἀπόλλων
cf. προίει   μένος Ἀλκινόοιο

C. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, au nominatif, après la césure féminine.

Les formules de ce type ont déjà été étudiées au premier chapitre lorsqu’il s’agissait d’indiquer l’utilité d’une série de formules nom-épithète au point de vue de la versification. On peut faire ici quelques remarques sur le caractère de la partie du vers précédant une formule de ce type. Comme dans le cas des deux types de formules déjà étudiés, celui-ci est le plus souvent précédé d’un verbe qui se trouve, forcément, {67|68} à la troisième personne. Il n’arrive jamais à un personnage des poèmes de dire, par exemple, moi, Ulysse de maintes souffrances, je fis telle chose [5] . Ainsi le verbe qui précède l’expression type πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς aura presque toujours la désinence -ε (plus rarement –εῖτο,- ᾶτο -ῶτο). Les désinences -ετο, -ατο, etc., dont on a remarqué la fréquence avant la diérèse bucolique ne peuvent se trouver à cette place. D’autre part lorsque ce n’est pas une forme du verbe, c’est le plus souvent ἔπειτα ou δέ qui précède ce type de formule. Par conséquent le mot suivant devra, dans la plupart des cas, commencer par une consonne simple afin d’éviter l’hiatus et de conserver en même temps la valeur de la syllabe brève. On a déjà trouvé (pp. 11 ss.) des séries d’expressions nom-épithète qui commencent ainsi. On peut indiquer comme preuve de l’influence puissante du vers, le fait que sur 271 formules de cette mesure trouvée dans le cas des onze personnages dont les noms figurent au tableau I, six seulement commencent autrement que par une consonne simple.








Δ 8 = Ε 908 Ἥρη τ᾽ Ἀργείη καὶ Ἀλαλκομενηὶς Ἀθήνη    
δ 173 νηυσὶ θοῆισι γενέσθαι Ὀλύμπιος εὐρύοπα Ζεύς    
Ε 388 καί νύ κεν ἔνθ᾽ ἀπόλοιτο  
Ε 863 δείσαντας· τόσον ἔβραχ᾽ Ἄρης ἆτος πολέμοιο
Ζ 203 Ἴσανδρον δέ oἱ υἱὸν  

Les expressions sujet contenues dans les vers précédents ne doivent cependant pas être considérées comme formant partie d’une série subordonnée, comme le font par exemple ὠκὺς Ἀχίλλεύς, εὐρύοπα Ζεύς, etc. Le premier vers est évidemment traditionnel, ressemblant à un certain nombre d’autres vers où les noms de deux ou de plusieurs dieux sont réunis. Le vers δ 173 résulte en toute probabilité d’une manière plus ou moins rare d’employer des mots et des expressions traditionnelles; cet aspect du problème des formules est discuté plus, loin dans ce même chapitre (pp. 99 ss.) Quant aux expressions pour Arès, on est cer- {68|69} tainement ici en présence d’un de ces cas dans lesquels le poète se trouvait à court de formules d’un caractère tout à fait satisfaisant. Ainsi en Ε 388 il y a hiatus d’une brève, tandis qu’en Ν 521 , oὐδ᾽ ἄρα πώ τι πέπυστο βριήπυος ὄβριμος Ἄρης, le poète, évitant cette fois l’hiatus, a été forcé d’employer βριήπυος après une voyelle brève au temps faible (sur ces irrégularités de métrique voir plus loin pp. 87-89).

D. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, au nominatif, entre le commencement du vers et la penthémimère.

Ces formules, comme le montre le Tableau Ι, sont beaucoup moins fréquentes que celles des trois types qui viennent d’être étudiés. Elles sont employées sans exception comme sujet d’un verbe qui se trouve au vers précédent. On a, par exemple:

β 351 εἴ ποθεν ἔλθοι
διογενὴς Ὀδυσεὺς θάνατον καὶ κῆρας ἀλύξας.
ε 386 ἦος ὃ Φαιήκεσσι φιληρέτμοισι μιγείη
διογενὴς Ὀδυσεὺς θάνατον καὶ κῆρας ἀλύξας.
β 365 ὁ δ᾽ ὤλετο τηλόθι πάτρης
διογενὴς Ὀδυσεὺς ἀλλογνώτωι ἐνὶ δήμωι.
Κ 274 τοῖσι δὲ δεξιὸν ἧκεν ἐρωδιὸν ἐγγὺς ὁδοῖο
Παλλὰς Ἀθηναίη·
Μ 67 κακὰ φρονέων ἀλαπάζει
Ζεὺς ὑψιβρεμέτης,

etc.

On peut comparer:

Λ 299 τίνα δ᾽ ὕστατον ἐξενάριξεν
Ἕκτωρ Πριαμίδης,
Δ 488 τοῖον ἄρ Ἀνθεμίδην Σιμοείσιον ἐξενάριξεν
Αἴας διογενής·

***

β. — Formules nom-épithète des dieux et des héros, aux cas obliques ; types principaux.

Il ne faut pas compter établir pour les formules nom-épithète des dieux et des héros aux cas obliques des plans aussi com- {69|70} plets que celui donné au Tableau I. Les noms des personnages des poèmes sont plus rarement employés à d’autres cas qu’au nominatif, et il arrive ainsi qu’on trouve moins fréquemment de ce côté une formule pour chacun des types qui ont été désignés comme principaux. Cela résulte, il est vrai, en grande partie du fait que, pour un cas oblique, l’arrangement de la phrase demande moins souvent une formule remplissant une portion du vers entre une coupe et une de ses extrémités, mais dans une plus grande mesure encore du fait évident et important que l’existence d’une formule dépend uniquement de l’utilité qu’elle avait pour le poète, et en général pour les aèdes. Les poètes épiques avaient souvent besoin de formules nom-épithète au nominatif pouvant servir, par exemple, après l’hepthémimère; ils avaient donc intérêt à chercher une expression de cette mesure pour chaque héros ou dieu qui jouait un rôle important dans les contes héroïques. Et une fois cette expression trouvée, les autres aèdes avaient intérêt à l’emprunter telle quelle et à en faire ainsi une partie intégrale de la diction traditionnelle. Mais si un aède avait trouvé une formule de cette mesure importante pour un héros rarement rencontré dans les contes héroïques, ou même s’il avait trouvé, pour un héros comparativement important, une expression qui, servant à quelque cas oblique, ne pouvait être que rarement employée, il était beaucoup moins probable qu’une telle expression ait été empruntée par les autres aèdes et qu’elle soit passée dans la tradition. Dans l’étude du style traditionnel de l’épos, on ne doit jamais perdre de vue la conception du poète apprenti qui est essentielle pour expliquer la formation et la conservation de cette technique de la diction. On doit toujours se souvenir que le jeune poète, apprenant la composition de la poésie héroïque en entendant la récitation d’autres aèdes, devait conserver dans sa mémoire, quand il lui arrivait de composer lui-même, ces expressions qui lui étaient utiles et pouvaient lui servir en mainte occasion. C’est cette épreuve de l’utilité de l’expression, faite forcément par chaque nouveau poète, qui a produit enfin la technique complexe que nous voyons dans le style d’Homère. C’est ce besoin, variant pour chaque expression et pour chaque série d’expressions, qui fait en grande partie que l’on ne trouve que des séries plus ou moins complètes de formules nom-épithète aux cas obliques, tandis qu’au nominatif elles sont abondantes. {70|71}

Tableau II. — Formules nom-épithète des dieux et de héros au génitif; types principaux.

(Le signe * indique que la mesure du nom rend une formule nom-épithète impossible.)

















  Entre la césure féminine et la fin du vers. ⏑_⏔_⏔_⏓   Entre la penthémimère et la fin du vers. ⏔_⏔_⏔_⏓   Entre le commencement du vers et la penthėmimėre. _⏔_⏔_   Formules se trouvant à d’autres places. Mesures différentes de celles-ci.
Ὀδυσσῆος. Ὀδυσσῆος θείοιο… 27 Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος… 12 *   32 9
Ἀθήνης. Ἀθηναίης ἀγελείης… 4         4 2
Ἀπόλλωνος. ἑκηβόλου Ἀπόλλωνος… 2 ἑκατηβόλου Ἀπόλλωνος… 4 Φοίβου Ἀπόλλωνος… 4 2 2
  Ἀπόλλωνος ἑκάτοιο… 2            
Ἀχιλλῆος. Ἀχιλλῆος θείοιο… 2 Πηληιάδεω Ἀχιλῆος… 8     10 8
Διός. [ἐρισθενέος Κρονίωνος]… 2 πατρὸς Διὸς αἰγιόχοιο… 3 Ζηνὸς ἐριβρεμέτεω… 1 31 12
  Διὸς νεφεληγερέταο… 6     Ζηνὸς ἐριγδούπου… 1    
Ἕκτορος. *   *       16 3
Νέστορος. *   *       10 6
Ἅρηος. *           1 1
Διομήδεος. *   Διομήδεος ἱπποδάρμοιο… 6 *   2 2
Ἥρης.             2 1
Ἀγαμέμνον *   Ἀγαμέμνονος Ἀτρείδαο… 13 *   2 1

{71|72}

Une deuxième raison, d’une toute autre sorte que celle qui vient d’être donnée, pour cette rareté comparative des formules des types principaux aux cas obliques, est la nécessité métrique qui rend impossible l’emploi d’un nom avec une ou deux épithètes dans un certain membre du vers. Par exemple, il est évident qu’il ne peut y avoir de formule nom-épithète pour servir après la diérèse bucolique dans laquelle figurerait la forme Ἀγαμέμνων. De même il ne peut y avoir de formules nom-épithète ni après la césure féminine ni après l’hepthémimère dans lesquelles apparaîtraient les formes Ἀγαμέμνονος, Ἕκτορος, Νέστορος, Ἀγαμέμνονι, etc. Les valeurs métriques des syllabes qui commencent et terminent ces mots rendent de telles formules impossibles. Quand on ajoute à cette limitation imposée par la mesure d’un nom le fait que le style héroïque ne permet pas d’intercaler dans le même vers le nom d’un personnage entre deux adjectifs épithétiques, on voit que la technique des formules nom-épithète, qui a été créée par le caractère de l’hexamètre et du style élevé, est de même rigoureusement limitée par eux. Cependant, si de ce côté on rencontre moins de séries abondantes de formules de même nature, on peut toujours reconnaître dans celles que l’on trouve la prédominance des mesures tombant entre les coupes et les extrémités du vers, et l’on peut remarquer l’emploi répété de l’artifice d’échange, si fréquent au nominatif.

La formule nom-épithète tombant entre la diérèse bucolique et la fin du vers, que l’on rencontre si souvent au nominatif et qui sert là de tant de façons différentes, n’existe pas au génitif. C’est évidemment la mesure des noms à ce cas qui rend de telles formules impossibles. La formule nom-épithète tombant après l’hepthémimère n’est guère plus fréquente au génitif. Dans le cas des onze personnages dont les noms figurent aux tableaux I et II on ne trouve que deux formules de cette sorte:

θείου Ὀδυσῆος (2 fois)
Διὸς αἰγιόχοιο (19 fois)


A coup sûr l’emploi de θείου Ὀδυσῆος en β 259 est traditionnel, comme le montre la comparaison avec un autre vers

β 259 μνηστῆρες δ᾽ ἐς δώματ᾽ ἴσαν θείου Ὀδυσῆος
δ 621 δαιτυμόνες δ᾽ ἐς δώματ᾽ ἴσαν θείου βαοιλῆος {72|73}


L’idée essentielle Les convives vinrent à lα maison d’un tel doit avoir été d’une certaine fréquence dans l’épos. Dans l’autre cas —

φ 244 ἐς δ᾽ ἄρα καὶ τὼ δμῶε ἴτην θείου Ὀδυσῆος


on voit la simple substitution de Ιχψ à ϊσαν. Un artifice important de la diction formulaire est la substitution d’une forme quelconque du verbe à une autre forme possédant la même mesure; on traitera plus loin de cet artifice lorsqu’il sera question de la flexion du verbe ί’κω. Διος αίγιέχοιο, qui paraîtrait à première vue être assez fréquente pour être d’un usage plus général, est encore plus sûrement une formule dont l’emploi est provoqué par l’expression d’une certaine idée essentielle; elle est employée là où il s’agit d’indiquer une relation de parenté avec Zeus On trouve










(7 fois) κούρη  
(2 fois) κούρηι  
  κούρην  
    Διὸς αἰγιόχοιο
(4 fois) κοῦραι  
  υἱὸς  
  θύγατερ  

Ces expressions doivent donc être c onsidérées comme appartenant à un type de formule plus complexe, destiné à servir après la penthémimère. Il ne reste que trois autres cas dans lesquels Διὸς αἰγιόχοιο est employé:

Β 491 εἰ μὴ Ὀλυμπιάδες Μοῦσαι, Διὸς αἰγιόχοιο
θυγατέρες,
Β 348 πρὶν Ἄργοσδ᾽ ἰέναι, πρὶν καὶ Διὸς αἰγιόχοιο
0 175 ἦλθον δεῦρο φέρουσα παραὶ Διὸς αἰγιόχοιο


Β 491 rappelle clairement les formules de parenté qui viennent d’être citées, et les deux autres vers en trahissent plus ou moins le souvenir. Cette question de la formule réservée à exprimer une idée particulière sera traitée plus loin d’une façon moins sommaire. Il a été nécessaire d’appuyer sur ce point ici pour montrer qu’après l’hepthémimère il n’existe pas de formules nom-épithète au génitif pouvant être employées de diverses manières, comme il en existe tant au nominatif. {73|74}

L’absence presque complète au génitif de formules ayant cette mesure s’explique par la manière dont la phrase s’arrange dans l’hexamètre. D’abord l’abondance de ces formules au nominatif dépend en une large mesure de l’emploi fréquent des vers annonçant le début de discours dans lesquels apparaissent les verbes προσέφη ou μετέφη. En dehors de ces vers on a remarqué comment la portion du vers qui s’étend après l’une ou l’autre des césures du troisième pied et l’hepthémimère s’adapte au verbe: une formule sujet peut alors compléter le vers et la phrase. Il en est autrement quand il s’agit de faire entrer dans le vers le génitif du nom d’un des personnages, comme on le voit par l’examen des cas où le nom d’Ulysse apparaît au génitif. Ὀδυσσῆος (Ὀδυσῆος, Ὀδυσσέος, Ὀδυσσεῦς) apparaît 71 fois dans les poèmes avec une épithète et 72 fois sans épithète. Or, il est évident que l’emploi du génitif est subordonné à une des quatre conditions suivantes: ou il dépend d’un verbe qui régit ce cas, ou d’un autre substantif, ou d’une préposition, ou bien le génitif fait partie d’un génitif absolu. On trouve:

Régi par un verbe. . . . . . . . . . . . . 17 fois

Dépendant d’un autre substantif. . . . . . 120 fois

Dans un génitif absolu. . . . . . . . . . . 1 fois

Régi par une préposition. . . . . . . . . . 5 fois


Le substantif dont, dans 120 cas, dépend le génitif du nom d’Ulysse, se trouve à différentes places dans le vers, au commencement, à la fin, avant l’une ou l’autre des césures du troisième pied (où il est le plus fréquent), etc. On le trouve même parfois dans le vers précédent ou dans le vers suivant. Mais, sauf dans deux cas, on ne le trouve pas dans la portion du vers qui suit l’une ou l’autre des césures du troisième pied. Ce qui a déterminé cette exclusion presque complète est le fait qu’un tel arrangement des mots de la phrase aurait fait un vers boiteux dans lequel la césure du troisième pied et l’hepthémimère ou la diérèse bucolique se disputeraient l’attention de l’auditeur. Une phrase qui contient deux substantifs, dont l’un dépend de l’autre en qualité de génitif, aura nécessairement aussi un verbe. Si l’on place ces éléments dans l’ordre qu’on voit par exemple dans le vers

π 104 ἐλθὼν ἐς μέγαρον Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος


les coupes sont faites correctement. On a une forte pause au {74|75} troisième pied, avec d’autres pauses beaucoup plus faibles ailleurs dans le vers. Mais si l’on veut mettre après la césure un substantif suivi d’un génitif qui en dépend, on aura après ce substantif la pause forte que l’on fait par exemple en π 104 entre μέγαρον et Λαερτιάδεω Ὀδυοῆος. Si les deux substantifs peuvent être séparés l’un de l’autre, il est évident que cette difficulté des deux coupes ne se présentera pas. C’est en effet ce qu’a fait le poète dans les deux cas exceptionnels qui ont été mentionnés. Dans l’un le verbe se trouve à la ligne suivante:

ρ 264 Εὔμαι᾽, ἦ μάλα δὴ τάδε δώματα κάλ᾽ Ὀδυσῆος,
ῥεῖα δ᾽ ἀρίγνωτ᾽ ἐστὶ


Dans l’autre le verbe tombe au cinquième pied:

α 207 εἰ δὴ ὲξ αὐτοῖο τόσος πάις εἰς Ὀδυσῆος


Mais de tels arrangements des mots de la phrase ne sont que rarement possibles. Un autre arrangement correct serait de mettre le substantif dont dépend le génitif dans la partie du vers précédant la césure du troisième pied et de faire suivre celle-ci du verbe. Mais les verbes de la mesure ⏑ _ ou ⏖ _ sont peu nombreux, comme il a été indiqué lorsqu’il a été question des formules type πολύμητις Ὀδυσσεύς. Les seuls cas de ce genre sont précisément les deux vers qui ont été déjà cités, dans lesquels la césure féminine est suivie de ἴσαν ou de ἴτην. C’est pour des raisons pareilles que les verbes régissant le génitif n’ont pu être employés avec des expressions nom-épithète au génitif après l’hepthémimère. Ainsi une formule nom-épithète ayant cette mesure, qui est de la plus grande importance au nominatif, n’existe guère au génitif parce qu’elle y serait peu utile. On peut juger d’après ceci combien il est inexact de parler de la déclinaison des formules nom-épithète. On ne doit pas attribuer aux aèdes le désir d’avoir à tous les cas d’un substantif des formules nom-épithète d’une même mesure. Les formules nom-épithète existent à chaque cas avec des valeurs métriques dépendant de leur utilité, et le hasard seul fait que l’on peut parfois les arranger de façon à former un paradigme où tous les cas présentent la même mesure.

Formules nom-épithète des dieux et des héros, au génitif, après la césure féminine et la césure masculine du troisième pied.

C’est pour les raisons qui viennent d’être discutées que les for- {75|76} mules nom-épithète les plus fréquentes au génitif sont celles qui suivent l’une ou l’autre des césures du troisième pied. Nous avons déjà vu qu’au nominatif, après la césure trochaïque du troisième pied, la formule nom-épithète est fréquente, mais que celle qui est employée après la penthémimère est beaucoup plus rare. Ceci résulte de la tendance qu’a la partie du vers qui précède à se terminer par une des formes du verbe à la troisième personne et à un temps passé. Mais il en est autrement quand c’est le génitif qui suit. Dans la plupart des cas le mot qui précède alors cette césure est le substantif dont dépend le génitif. Pour les formules suivant là césure féminine on trouve:











  Précédé du substantif dont le génitif dépend. Précédé du verbe Précédé d’une autre partie du discours.
Ὀδυσσῆος θείοιο… 21 6 »
Ἀθηναίης ἀγελείης… 3 » 1
Ἀπόλλωνος ἑκάτοιο… 2 » »
ἑκηβόλου Ἀπόλλωνος… » » 2
Ἀχιλλῆος θείοιο… » 2 »
Διὸς νεφεληγερέταο… 2 3 1
ἐρισθενέος Κρονίωνος… 1 » 1

Pour les formules nom-épithète au génitif suivant la penthémimère on trouve:









  Précédé du substantif dont le génitif dépend. Précédé du verbe Précédé d’une autre partie du discours.
Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος… 11 1 »
ἑκατηβόλου Ἀπόλλωνος… 2 2 »
Πηληιάδεω Ἀχίλῆος… 7 » 1
πατρὸς Διὸς αἰγιόχοιο… 2 1 »
Διομήδεος ἱπποδάμοιο… 3 2 1 {76|77}

On peut voir ainsi la prédominance du substantif précédant les formules au génitif de ces deux mesures. Or, les désinences des substantifs ne présentent pas la même régularité de valeur métrique que les désinences du verbe à la troisième personne, aux temps passés, à l’indicatif. Par conséquent il a fallu à ce cas une série de formules qui puissent servir après des formes telles que οτεροπή, θεράπων, ψυχή, βίης, βίη, ἄλοχος, ἑτάρους, etc. On doit remarquer ici une tendance que l’on a déjà eu l’occasion de signaler: à peu d’exceptions près les formules de ces deux séries commencent de la façon qui fournira la plus grande facilité de versification. Celles qui servent après la césure trochaïque commencent, sauf dans les cas de Διὸς νεφεληγερέταο et ἑκηβόλου Ἀπόλλωνος par une voyelle. Au nominatif, au contraire, la formule nom-épithète de cette mesure commence presque toujours par une consonne simple. Dans le cas des formules au génitif la voyelle initiale est exigée par les désinences -ος, -ov, -ατ᾽, -σιν, -ας, etc., des substantifs qui la précèdent. C’est pour ces mêmes raisons que les formules nom-épithète au génitif employées après la penthémimère commencent toutes par une consonne simple qui détermine l’allongement par position quand l’une des formules est précédée d’une de ces désinences.

Quand, dans une de ces phrases il s’agit de joindre un verbe et deux substantifs dépendant l’un de l’autre en qualité de génitif, on a forcément une idée complexe au point d’être assez isolée. Un tel enchaînement de mots peut trouver moins de parallèles que celui qui consiste simplement en un sujet et un verbe. Cependant là où il s’agit d’une idée souvent répétée on peut distinguer clairement l’artifice qui consiste à faire de nouveaux vers en substituant une formule à une autre. On peut comparer:

Β 666 υἱέες υἱωνοί τε βίης Ἡρακληείης
Ε 631 υἱός θ᾽ υἱωνός τε Διὸς νεφεληγερέταο
Υ 10 ἐλθόντες δ᾽ ἐς δῶμα Διὸς νεφεληγερέταο
Δ 386 δαινυμένους κατὰ δῶμα βίης Ἐτεοκληείης
θ 452 ἐπεὶ δὴ λίπε δῶμα Καλυψοῦς ἠυκόμοιο
Ξ 311 οἴχωμαι πρὸς δῶμα βαθυρρόου Ὠκεανοῖο
θ 287 βῆ δ᾽ ἴμεναι πρὸς δῶμα περικλυτοῦ Ἡφαίστοιο









υ 248 ἐλθόντες δ᾽ ἐς  
    δώματ᾽ Ὀδυσσῆος θείοιο {77|78}
(4 fois) δμώων οἳ κατὰ  
ρ 230 αἴ κ᾽ ἔλθηι πρὸς  
ο 313 καί κ᾽ ἐλθὼν πρὸς δώματ᾽ Ὀδυσσῆος θείοιο
β 394 βῆ δ᾽ ἴμεναι πρὸς  







Ζ 269  
  ἀλλὰ σὺ μὲν πρὸς νηὸν Ἀθηναίης ἀγελείης
Ζ 279  
Η 83   καὶ κρεμόω προτὶ νηὸν Ἀπόλλωνος ἑκάτοιο






(5 fois) Τηλέμαχος φίλος υἱὸς  
γ 398 Τηλέμαχον φίλον υἱὸν Ὀδυσσῆος θείοιο
ω 151 ἔνθ᾽ ῆλθεν φίλον υἱὸν  






π 395  
  Νίσου φαίδιμος υἱὸς Ἀρητιάδαο ἄνακτος
σ 413  






α 29   ἀμύμονος Αἰγίσθοιο
  μνήσατο γὰρ κατὰ θυμὸν  
δ 187   ἀμύμονος Ἀντιλόχοιο

Pour les formules nom-épithète au génitif tombant entre la penthémimère et la fin du vers on peut comparer:









δ 23  
  ὀτρηρὸς θεράπων Μενελάου κυδαλίμοιο
δ 217  
Ψ113  
  Μηριόνης θεράπων ἀγαπήνορος Ἰδομενῆος
Ψ 124  






λ 90   Θηβαίου Τειρεσίαο
  ἦλθε δ᾽ ἐπὶ ψυχὴ  
λ 387   Ἀγαμέμνονος Ἀτρείδαο

Ε 781 ἔστασαν ἀμφὶ βίην Διομήδεος ἱπποδάμοιο
Ρ 24 οὐδὲ μὲν οὐδὲ βίη Υπερήνορος ἱπποδάμοιο

Les formules nom-épithète au génitif qui tombent entre le commencement du vers et l’une ou l’autre des césures du troisième pied dépendent, dans la plupart des cas, d’un substantif qui se trouve dans le vers précédent. Cette formule sert souvent à terminer une phrase au milieu du vers.

***

Le poète a encore moins fréquemment l’occasion de se servir du datif et de l’accusatif des noms de ses personnages que du génitif. Par exemple, sur 687 fois qu’il mentionne le nom d’Ulysse, ce {78|79} nom n’est que 42 fois au datif, et sur ces 42 cas, dans 13 seulement il y a emploi d’une épithète. De même l’accusatif n’est employé que 74 fois, dont 27 fois avec une épithète. S’il en était ainsi des autres noms de personnages, même avec cet emploi si peu fréquent, il serait sans doute possible d’établir assez nettement des séries de formules de mêmes mesures. Mais même un héros de l’importance d’Achille n’est mentionné avec une épithète que 11 fois au datif, et 17 fois seulement à l’accusatif. Le nom d’Apollon n’apparaît accompagné d’une épithète que 7 fois au datif et 4 fois à l’accusatif. Par conséquent il n’est guère possible, à ces deux cas, de constater l’existence de séries de formules. Le caractère traditionnel des formules des types principaux à ces cas s’expliquera plus facilement plus loin lorsqu’il sera question de l’analogie et du choix de ľépithète.

Au vocatif on peut signaler un type de formule nom-épithète assez fréquent, celui qui remplit tout un vers. On trouve, par exemple:

θ 382 Ἀλκίνοε κρεῖον, πάντων ἀριδείκετε λαῶν (6 fois).
Η 47 Ἕκτορ, υἱὲ Πριάμοιο, Διὶ μῆτιν ἀτάλαντε (2 fois)
α 45 ὦ πάτερ ἡμέτερε Κρονίδη, ὕπατε κρειόντων (3 fois)
Β 434 Ἀτρείδη κύδιστε, ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγάμεμνον (8 fois)
Ρ 12 Ἀτρείδη Μενέλαε διοτρεφές, ὄρχαμε λαῶν (7 fois)
Π 21 ὦ Ἀχιλεῦ, Πηλῆος υἱέ, μέγα φέρτατ᾽ Ἀχαιῶν (3 fois)
ε 203 διογενὲς Λαερτιάδη, πολυμήχαν᾽ Ὀδυσσεῦ (22 fois)
Κ 87 ὦ Νέστορ Νηληιάδη, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν (6 fois)

§ 2. – Formules nom-épithète des dieux et des héros ; types moins fréquents

Dans l’étude des formules nom-épithète on ne s’est occupé jusqu’ici que des éléments bien déterminés d’un système. On n’a considéré que des types de formules qui, remplissant exactement un membre de l’hexamètre, peuvent être d’un usage général dans la composition de la poésie héroïque. Étant donné, comme on l’a dit, que certaines formules s’adaptant à une même mesure se trouvent régulièrement employées dans des cas similaires, et qu’il n’existe pas de formules équivalentes au point de vue du sens et du mètre, on a le droit de considérer que ces formules font partie d’un système traditionnel. Ce fait a été démontré {79|80} par une comparaison avec des poèmes hexamétriques, dont les auteurs usent d’une diction personnelle. Grâce à ce critérium, comme on peut le voir en comparant les chiffres des deux dernières colonnes du Tableau I avec ceux des autres colonnes, on a pu rattacher à un même système la plus grande partie des formules nom-épithète employées au nominatif pour certains personnages. Mais il reste toujours un assez grand nombre de types de formules qu’il n’est pas possible de classer ainsi, car les cas où des formules similaires d’une certaine valeur métrique sont employées ne sont pas assez nombreux pour qu’on puisse y reconnaître des types de formules se prêtant à un usage général. Or, ces formules de types moins fréquents se divisent en deux catégories. Dans la première tombent les formules nom-épithète contenant une épithète qui sert, non pas à former avec son substantif une formule d’une mesure donnée, mais à remplir elle-même une certaine partie du vers, surtout les parties s’étendant entre les césures du troisième pied et la diérèse bucolique et entre cette diérèse et la fin du vers. Dans la seconde catégorie tombent les formules nom-épithète réservées à l’expression d’idées plus ou moins particulières qui, ayant peu de ressemblance avec d’autres idées de l’épos, ont besoin de mots et d’arrangements de mots plus ou moins spéciaux.

α. — Épithètes à emploi indépendant de la formule nom-épithète d’une certaine valeur métrique.

Les formules de la première catégorie se rattachent clairement à la tradition, car elles sont employées avec cette abondance qui a aidé à distinguer les formules nom-épithète des types principaux. Le poète a souvent besoin de remplir le vers entre une des césures du troisième pied et la diérèse bucolique ou la lin du vers, ou entre cette diérèse et la fin du vers, afin que certains autres mots puissent tomber à leur place accoutumée, ou afin que le poète puisse allonger sa phrase pour la terminer là où il veut en commencer une nouvelle. Cet artifice n’est possible que parce que certaines épithètes peuvent être employées pour décrire n’importe quel dieu ou n’importe quel héros. Il y a une distinction très importante à faire entre les épithètes de ce genre, que l’on peut qualifier de génériques et celles qui, au contraire, ne {80|81} servant que pour un seul héros ou un seul dieu, peuvent être appelées spéciales. Φοῖβος, γλαυκῶπις, νεφεληγερέτα, πολύμητις, ποδάρκης, πολύτλας, etc., par exemple, sont des épithètes spéciales. Parmi les épithètes génériques sont: λαοσσόος qui est dit d’Athéna (N 128), d’Ares (P 398), d’Éris (Υ 48), d’Apollon (Y 79), et d’Amphiaraos (o 224); θεοειδής qui est dit de 14 héros; δαίφρονος qui est dit de 15 héros; ἀμύμονος qui est dit de 12 héros, etc. Les épithètes génériques pouvant remplir les parties du vers que l’on a indiquées ont des positions rigoureusement fixes, à tel point qu’il est certain que, pour les poètes, ces épithètes avaient une sorte d’existence indépendante de tout type particulier de formule nom-épithète. Ainsi δουρικλυτός (18 fois), δαίφρονος (26 fois), ἀμύμονος (37 fois), tombent toujours avant la diérèse bucolique; et ἰσόθεος φώς (14 fois), κυδαλίμοιο (20 fois), etc., ne tombent qu’à la fin du vers.

I. Il est évident que, si le poète peut placer le nom d’un héros dans la partie du vers précédant la penthémimère, il pourra, si les autres éléments de la phrase le permetttent, faire suivre cette partie du vers de δουρικλυτός et achever le vers à l’aide de l’une des nombreuses expressions de différentes catégories tombant après la diérèse, surtout des formules du verbe. Il y a trois vers où Ulysse est appelé δουρικλυτός.

Λ 396 ὣς φάτο, τοῦ δ᾽ Ὀδυσεὺς δουρικλυτὸς ἐγγύθεν ἐλθών
Λ 401 οἰώθη δ᾽ Ὀδυσεὺς δουρικλυτός, οὐδέ τις αὐτῶι
Λ 661 = Π 26 οὔτασται δ᾽ Ὀδυσεὺς δουρικλυτὸς ἠδ᾽ Ἀγαμέμνων

On peut comparer le premier de ces vers avec d’autres vers semblables:

Ξ 446 τὸν μὲν Ὀιλιάδης δουρικλυτὸς ἐγγύθεν ἐλθὼν
Ε 72 τὸν μὲν Φυλείδης δουρικλυτὸς ἐγγύθεν ἐλθὼν
ρ 71 τοῖσι δὲ Πείραιος δουρικλυτὸς ἐγγύθεν ἦλθε

Dans Λ 401 le poète arrête sa phrase à la diérèse. Il fait de même en:

Ν 476 ὣς μένεν Ἰδομενεὺς δουρικλυτός, οὐδ᾽ ὑπεχώρει

On ne peut trouver d’autre vers qu’il ait complété comme en Λ 661 par une conjonction et un nom; mais ce ne peut être {81|82} qu’un hasard qui fait qu’on ne trouve pas de vers semblables à ce point de vue dans l’Iliade et l’Odyssée. L’emploi de cette épithète est trop varié pour laisser le moindre doute sur le fait que le poète composait ce vers à l’instar de beaucoup d’autres où δουρικλυτός apparaît en cette position. Considérons les différentes manières dont il s’en est servi ailleurs. Le plus souvent le poète achève son vers par une forme de verbe:

Β 645 Κρητῶν δ᾽ Ἰδομενεὺς δουρικλυτὸς ἡγεμόνευεν
Β 650 τῶν μὲν ἄρ᾽ Ἰδομενεὺς δουρικλυτὸς ἡγεμόνευε
Β 657 τῶν μὲν Τληπόλεμος δουρικλυτὸς ἡγεμόνευεν
Ν 210 Ἰδομενεὺς δ᾽ ἄρα οἱ δουρικλυτὸς ἀντεβόλησεν
Ν 467 τὸν δέ τοι Ἰδομενεὺς δουρικλυτὸς ἐξενάριξεν
Ψ 681 τὸν μὲν Τυδείδης δουρικλυτὸς ἀμφεπονεῖτο

Les autres vers où l’on rencontre cette épithète sont:

Ε 45 τὸν μὲν ἄρ᾽ Ἰδομενεὺς δουρικλυτὸς ἔγχει μακρῶι
ο 544 τὸν δ᾽ αὖ Πείραιος δουρικλυτὸς ἀντίον ηὔδα
Π 472 τοῖο μὲν Αὐτομέδων δουρικλυτὸς εὕρετο τέκμωρ
Π 619 τὸν δ᾽ αὖ Μηριόνης δουρικλυτὸς ἀντίον ηὔδα
Φ 233 ἦ, καὶ Ἀχιλλεὺς μὲν δουρικλυτὸς ἔνθορε μέσσωι

II. διίφιλος sert après la césure féminine tout à fait comme δουρικλυτός après la penthémimère. Cette épithète est employée pour Ulysse,

Κ 527 ἔνθ᾽ Ὀδυσεὺς μὲν ἔρυξε διίφιλος ὠκέας ἵππους


pour Achille,

Σ 203 αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς ὦρτο διίφιλος· ἀμφὶ δ᾽ Ἀθήνη


et pour Hector,

Ν 674 Ἕκτωρ δ᾽ οὐκ ἐπέπυστο διίφιλος, οὐδέ τι ἤιδη
Ζ 318 ἔνθ᾽ Ἕκτωρ εἰσῆλθε διίφιλος, ἐν δ᾽ ἄρα χειρὶ
Θ 493 τόν ῥ Ἕκτωρ ἀγόρευε διίφιλος· ἐν δ᾽ ἄρα χειρὶ
Κ 49 ὅσσ᾽ Ἕκτωρ ἔρρεξε διίφιλος υἷας Ἀχαιῶν

III. ἱπποδάμοιο sert après la diérèse bucolique de la même manière. Avec δαίφρονος cette épithète peut constituer une moitié {82|83} de vers. II est instructif de remarquer comment le poète s’est servi soit de ľune soit de l’autre ou même des deux ensemble selon les besoins de sa versification:






Β 23 = 60 εὕδεις, Ἀτρέος  
Δ 370 ὤ μοι, Τυδέος υἱὲ δαίφρονος ἱπποδάμοιο
Λ 450 ὦ Σῶχ᾽, Ἱππάσου  

Θ 152 ὤ μοι, Τυδέος υἱὲ δαίφρονος, οἷον ἔειπες
Σ 18 ὤ μοι, Πηλέος υἱὲ δαίφρονος, ἦ μάλα λυγρῆς
H 38 Ἕκτορος ὄρσωμεν κρατερὸν μένος ἱπποδάμοιο

IV. Cette façon d’employer les épithètes ne se borne pas à celles qui remplissent exactement une partie du vers entre deux coupes ou entre une coupe et la fin du vers. La plus grande fréquence de celles-ci s’explique par l’avantage fourni au poète par les mots se terminant à la diérèse ou à la fin du vers. βοὴν ἀγαθός sert de la même façon quoiqu’il ne soit employé ainsi que deux fois dans les poèmes:

Ν 123 Ἕκτωρ δὴ παρὰ νηυσὶ βοὴν ἀγαθὸς πολεμίζει
Ο 249 οάς ἑτάρους ὀλέκοντα βοὴν ἀγαθὸς βὓλεν Αἴας
Cf. Ρ 102 εἰ δέ που Αἴαντός γε βοὴν ἀγαθοῖο πυθοίμην

V. μεγάθυμος sert ainsi avant la césure féminine:

Ο 440 τὸν δ᾽ Ἕκτωρ μεγάθυμος ἀπέκτανε. ποῦ νύ τοι ἰοὶ
Λ 459 Τρῶες δὲ μεγάθυμοι ὅπως ἴδον αἷμ᾽ Ὀδυσῆος
Ζ 145 Τυδείδη μεγάθυμε, τίη γενεὴν ἐρεείνεις;

Il est inutile de continuer la citation des exemples. Signalons l’emploi de δαίφρων pour Achille en Β 875; de ἀρήιος pour le même héros en Π 166; de βροτολοιγῶι ἶσος Ἄρηι pour Hector en Λ 295 et Ν 802. λαοσσόος est peut-être la seule épithète de ce genre que l’on trouve pour les dieux. D’autres épithètes des héros employées de cette manière sont les suivantes:

Entre la penthémimère et la diérèse bucolique: πεπνυμένος, θεοείκελος, μεγαλήτορος, δουρικλυτόν, θεοείκελον, μεγαθύμου, μεγαλήτορι, μεγαθύμωι, μεγαλήτορα; entre la césure féminine et la diérèse bucolique: ἀρήιον, ἀγακλυτόν, ἀμύμονος, ἀμύμονα, δαίφρονι, δαίφρονα, διίφιλε; entre la diérèse bucolique et la fin du vers: ἰσόθεος φώς, κυδαλίμοιο, ποιμένι λαῶν, ποιμένα λαῶν, ὄρχαμος ἀνδρῶν, ἀντιθέοιο, ὄρχαμε λαῶν. {83|84}

VI. L’artifice qui consiste à se servir de l’épithète pour remplir une certaine partie du vers n’aurait probablement pas existé sans les épithètes génériques. Mais une fois qu’il fut devenu courant et que les poètes furent familiarisés avec les différentes manières dont ils pouvaient l’employer, ils se servirent de la même façon de certaines épithètes spéciales qui tombent, comme les épithètes génériques les plus fréquentes, entre deux coupes ou entre la diérèse bucolique et la fin du vers. Homère s’est servi ainsi de Νηλήιος qui peut s’appliquer à Nestor ou à ses fils:

Ψ 349 ὣς εἰπὼν Νέστωρ Νηλήιος ἄψ ἐνὶ χώρηι
Ψ 514 τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀντίλοχος Νηλήιος ἤλασεν ἵππους

On peut comparer ce dernier vers avec un autre où le poète a préféré remplir cette portion du vers d’une épithète caractérisant les chevaux plutôt qu’avec l’épithète διίφιλος, dont il se sert souvent en pareil cas:

Ρ 614 εἰ μὴ Κοίρανος ὦκα ποδώκεας ἤλασεν ἵππους

VII. C’est toujours le même artifice qui lui sert lorsque, se trouvant en présence d’un nom de héros pouvant remplir l’étendue du vers entre l’hepthémimère et la diérèse bucolique, il intervertit l’ordre habituel et met l’épithète dans la première moitié du vers:

Ε 151 ἀλλά σφεας κρατερὸς Διομήδης ἐξενάριξε
Λ 246 δὴ τότε γ᾽ Ἀτρείδης Ἀγαμέμνων ἐξενάριξε

Ces vers peuvent être comparés avec:

Ν 467 τὸν δέ τοι Ἰδομενεὺς δουρικλυτὸς ἐξενάριξεν

***

Nous arrivons maintenant à la partie de la diction formulaire où il devient plus difficile de distinguer entre ce qui est certainement traditionnel et ce qui pourrait être l’œuvre originale d’un poète. Les formules nom-épithète des dieux et des héros réservées à l’expression de quelque idée plus ou moins spéciale ne se trouvent pas, par définition, employées dans des cas analogues, et de même ne se conforment pas à certaines mesures. On serait tenté, peut-être, d’en conclure qu’elles sont dues à l’originalité {84|85} d’Homère. Mais si l’on regarde de plus près les circonstances dans lesquelles la diction de l’épos s’est développée, on voit que le fait qu’une formule est unique ne prouve aucunement qu’elle ne soit pas traditionnelle.

β. — La diction formulaire et le jeu de l’analogie.

Il faut, comme on l’a déjà fait si souvent, revenir à la relation qui existe entre les idées de l’épos et les mots qui servent à les exprimer. La diction épique, tendant toujours à rendre aussi simple et aussi facile que possible l’expression des idées de la poésie héroïque, employa à cette fin le moyen de l’analogie, et elle s’en est servie jusqu’à ce que la complexité des idées à exprimer en rendît l’usage impossible. On peut exprimer ce fait en termes plus concrets. Les aèdes, cherchant toujours pour l’expression de chaque idée dans la poésie héroïque une formule à la fois élevée et facile à manier, créaient — en tant que le résultat était compatible avec leur sens du style héroïque — de nouvelles expressions de la manière la plus simple: ils modifiaientune expression qui existait déjà. C’est à ce procédé que sont dues toutes les séries de formules qui ont déjà été étudiées. Il serait inutile de rechercher celle qui, dans chacune de ces séries, est la formule originale ou même la plus ancienne. Mais il doit y avoir eu une expression originale dont on a pu tirer chacune de ces séries par le système d’imitation qu’on a appelé l’analogie. Il n’y a peut-être aucun facteur dans la diction homérique dont la connaissance soit plus essentielle que n’est l’analogie à une vraie compréhension de cette diction. Comprendre le rôle de l’analogie dans la formation de la langue de l’épos, ce sera comprendre le triple rapport qui existe entre les mots, les idées et le vers dans la poésie héroïque. Ce sera voir à quel point l’hexamètre et le génie des aèdes ont influencé le style épique. Et enfin ce sera reconnaître qu’il y a des limites au delà desquelles l’analogie ne pouvait porter plus avant la simplification delà technique, mais devait laisser dans la diction des formules plus ou moins uniques.

***

Les linguistes ont reconnu depuis longtemps que des associations {85|86} de formes amènent des changements dans les langues parlées et constituent ainsi une des causes les plus importantes de la modification continuelle des langues. Ils hésitèrent plus longtemps avant de reconnaître que ce procédé de linguistique a trouvé dans la langue littéraire des aèdes un domaine où il pouvait agir d’une façon inconnue à une langue parlée, que le désir des aèdes de posséder des formes « étrangères » pour embellir leur style et aussi d’avoir des formes adaptées au moule de l’hexamètre s’est réalisé en grande partie par le moyen de l’analogie. Ellendt, qui avec Düntzer fut le premier à expliquer d’une façon méthodique l’influence du vers sur les formes homériques, n’insiste pas sur le rôle de l’analogie, dont les linguistes de son époque n’avaient pas encore pleinement aperçu l’importance; mais la plupart des exemples qu’il cite sont des cas où il s’agit de ce facteur. Par exemple, dire que l’influence du vers a déterminé la désinence masculine d’un adjectif là où l’on s’attendrait à une désinence féminine, ou que, pour la même raison, un adjectif possède tantôt deux désinences et tantôt trois, c’est dire que le poète a créé de nouvelles formes sur le modèle des anciennes. La linguistique ne s’avisa pas de très bonne heure de cette explication de certaines formes homériques, mais reconnut que certaines formes et certaines constructions n’auraient jamais pu appartenir à un dialecte parlé du grec. Ce ne fut qu’avec K. Witte que l’on a recouru à l’analogie pour expliquer d’où sont venus l’emploi du singulier pour le pluriel et vice versa, les formes surallongées, εἴσω avec le génitif, etc. Sa démonstration, en raison du degré de savoir que l’on a atteint, ne permet pas de doute sur la vérité générale de ses conclusions: animés du désir de trouver des formes qui conviendraient à l’hexamètre, les aèdes en créèrent de nouvelles sur le modèle de celles qui existaient déjà.

Il est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister sur ce point que l’analogie, agissant de la même façon que dans le cas des formes artificielles, a motivé la création de tout l’élément formulaire qu’on a relevé dans les pages précédentes. Le simple fait de constater entre deux expressions une ressemblance trop exacte pour pouvoir résulter du hasard, équivaut à reconnaître que l’une des expressions imite l’autre ou que toutes les deux imitent en dernière analyse un même modèle. Mais on ne se rend pas pleinement compte de l’influence que le facteur de {86|87} l’analogie doit, avoir exercé sur l’esprit des aèdes avant d’avoir remarqué que c’est l’analogie qui est cause d’un grand nombre d’anomalies de versification que l’on trouve dans l’Iliade et l’Odyssée. Le poète s’est souvent laissé guider par son sentiment des ressemblances entre certaines expressions, quoique cela l’obligeât à laisser des voyelles finales en hiatus ou à manquer de faire position pour certaines voyelles brèves ἐν θέσει.

Κ. Witte a signalé le cas où, sur le modèle de μερόπων ἀνθρώπων que l’on trouve 9 fois dans Homère, ce poète a créé μέροπες ἄνθρωποι que l’on trouve en Σ 288. L’habitude de réunir deux mots à une certaine place dans le vers a amené le poète à ne pas se soucier de la faute de quantité résultant de leur emploi au nominatif. De la même manière Homère, ou un autre aède, a fait οὖλε Ὄνειρε sur οὖλον Ὄνειρον; sur ἄφθιτος αἰεί il a fait ἄφθιτα αἰεί; sur τετελεσμένον ἔσται, τετελεσμένα ἦεν, etc. Tout pareillement l’habitude du poète de mettre certaines formules à certaines places dans le vers l’a amené à les y mettre même quand la formule suivante produisait un hiatus ou ne faisait pas position. Les cas de cette sorte sont abondants; on n’en peut citer ici que quelques exemples des plus frappants dans lesquels figurent des formules nom-épithète.

I. — On a relevé au chapitre I (pp. 11-15) des séries assez considérables de vers dans lesquels une formule prédicat, se terminant avant la césure féminine par une voyelle, est suivie d’une formule sujet, commençant par une consonne simple, qui complète le vers. L’habitude d’employer ce type de vers a eu une telle prise sur la pensée du poète que celui-ci s’est parfois servi des hémistiches prédicat du genre indiqué même dans des cas où il n’avait pas d’hémistiche sujet commençant, comme il l’aurait fallu, par une consonne simple. La seule formule sujet pour désigner Télémaque qui puisse servir après la césure féminine est Ὀδυσσῆος φίλος υἱός, qui s’emploie correctement dans des vers comme

β 2 ὄρνυτ᾽ ἄρ᾽ ἐξ εὐνῆφιν Ὀδυσσῆος φίλος υἱός
γ 352 οὔ θην δὴ τοῦδ᾽ ἀνδρὸς Ὀδυσσῆος φίλος υἱὸς


Mais le poète a été obligé de laisser l’hiatus quand il a voulu faire sur le modèle de vers tels que






τ 102   πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς
  ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα  
τ 59   περίφρων Πηνελόπεια

{87|88}

un vers analogue pour le fils d’Ulysse:

π 48 ἔνθα καθέζετ᾽ ἔπειτα Ὀδυσσῆος φίλος υἱός


De même, sur le modèle de

η 1 ὣς ὁ μὲν ἔνθ᾽ ἠρᾶτο πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς


le poète a fait

γ 64 ὣς δ᾽ αὔτως ἠρᾶτο Ὀδυσσῆος φίλος υἱός


En composant

Β 571 Ὀρνειάς τ᾽ ἐνέμοντο Ἀραιθυρέην τ᾽ ἐρατεινὴν


le poète s’est souvenu de vers tels que

Β 496 οἵ θ᾽ Υρίην ἐνέμοντο καὶ Αὐλίδα πετρήεσσαν
Β 519 οἳ Κυπάρισσον ἔχον Πυθῶνά τε πετρήεσσαν


etc., etc.

II. — On a déjà remarqué la tendance des formes du verbe en -ετο, -ατο, -εε, etc., à tomber avant la diérèse bucolique, διέπτατο (3 fois), ἐπέπτατο (3 fois), et ὑπέρπτατο (4 fois), tombent toujours à cette place. Or, comme on l’a dit, une manière très commune de compléter un vers après de telles formes du verbe est d’y mettre une formule sujet commençant par une consonne simple. C’est ainsi que le vers Ο 83 est métriquement correct:

ὣς κραιπνῶς μεμαυῖα διέπτατο πότνια Ἥρη.

C’est l’existence de tels vers et de celui-ci en particulier qui a suggéré au poète un peu plus loin, lorsqu’il parle d’Iris, un vers analogue, quoique ne possédant pas pour désigner cette déesse de formule commençant comme il l’aurait fallu:

Ο 172 ὣς κραιπνῶς μεμαυῖα διέπτατο ὠκέα Ἷρις

L’expression ἱερὰ καλά se rencontre avec un hiatus en Ψ 195; 4 fois correctement ailleurs dans les poèmes. On trouve avant une césure du troisième pied

δ 473 ῥέξας ἱερὰ κάλ᾽
λ 130 ῥέξας ἱερὰ καλὰ


et à la fin du vers

Ψ 209 ἐλθεῖν ἀρᾶται, καὶ ὑπίσχεται ἱερὰ καλά
Λ 727 ἔνθα Διὶ ρέξαντες ὑπερμενεῖ ἱερὰ καλά {88|89}

D’autre part la forme ὑπέσχετο (10 fois) tombe toujours avant la diérèse bucolique. Le sentiment de l’expression ἱερὰ καλά à la fin du vers, de ὑπέσχετο avant la diérèse, et, de plus, le souvenir de vers comme Ψ 209, ont amené le poète à faire

Ψ 195 Βορέηι καὶ Ζεφύρωι, καὶ ὑπίσχετο ἱερὰ καλά

III. C’est de la même façon qu’il faut expliquer un grand nombre de cas où le poète a employé une syllabe brève ἐν θέσει sans en faire position. Un exemple des plus évidents est celui de

ω 494 αἶψα δ᾽ Ὀδυσσῆα ἔπεα πτερόεντα προσηύδα


qui a été fait sur le modèle de






Θ 351 = Τ 341 αἶψα δ᾽ Ἀθηναίην  
    ἔπεα πτερόεντα προσηύδα
π 7 = ρ 543 αἶψα δ᾽ ἄρ᾽ Εὔμαιον  

Un cas un peu plus complexe mais tout aussi certain se présente en

λ 322 κούρην Μίνωος ὀλοόφρονος, ἥν ποτε Θησεὺς


ὀλοόφρονος se rencontre à cette place dans deux autres vers:

α 52 Ἄτλαντος θυγάτηρ ὀλοόφρονος, ὅς τε θαλάσσης
κ 137 αὐτοκασιγνήτη ὀλοόφρονος Αἰήταο


D’autre part le poète désigne souvent une femme par κούρη suivi du nom du père. On trouve au commencement du vers κούρη Ἰκαρίοιο (5 fois), κούρην Βρισῆος, κούρην δὲ Πριάμοιο. C’est l’exemple à la fois de cette expression de commencement de vers, de ὀλοόφρονος avant la diérèse, et de vers comme les deux qui ont été cités qui a déterminé l’arrangement des mots que l’on voit en λ 322.

***

Au point de vue de cette étude ces cas d’hiatus et de syllabe brève ἐν θέσει, qui ont leur intérêt en ce qui concerne la métrique, ne peuvent fournir que des indications sur l’influence exercée par l’analogie dans la versification épique. Mais l’étude des cas dans lesquels le jeu de l’analogie a produit non pas des anomalies métriques, mais les idées même de l’épos, donneront des indications sur un des problèmes les plus importants de la diction formulaire qu’aucune étude sur les lormules ne peut laisser ignorer, {89|90} celui de la relation qui existe entre l’influence du vers et la pensée des aèdes. Le plus grand risque peut-être que l’on court dans une étude de la diction traditionnelle est de donner l’impression que le vers agit sur la diction d’une manière mécanique. Un très grand nombre de critiques, depuis le temps ďEllendt et de Düntzer jusqu’à nos jours, ont voulu nier l’influence souveraine de l’hexamètre parce qu’ils ont cru que l’admettre serait rabaisser le génie personnel d’Homère.

C’est là un malentendu qui est certainement dû, chez ceux qui ont étudié cette influence du vers et chez ceux qui veulent la nier, au fait de ne pas s’être figuré avec assez d’exactitude les circonstances réelles du développement de cette diction de formules. Si l’on ne se rend pas compte des procédés par lesquels les aèdes se sont laissés amener à créer la diction formulaire, on ne parviendra que très imparfaitement à se figurer la manière à la fois naturelle et tout à fait légitime au point de vue esthétique dont le style dit homérique a été créé. Il en est ainsi de l’analogie. Si l’on no reconnaît pas pleinement la valeur psychologique qu’elle avait pour les aèdes on ne saura pas à quel point le jeu commun de ces facteurs, l’analogie et le goût des poètes épiques, ont contribué à la formation du style àe l’Iliade et de l’Odyssée.

On relève dans Homère d’assez nombreux cas dans lesquels un calembour de sons a suggéré aux poètes des expressions qui, au point de vue de l’idée exprimée, ont assez peu de rapport avec les expressions modèles. Un des exemples les plus frappants de ce fait est la ressemblance qui existe entre les deux expressions ἀμφήλυθεν ἡδὺς ἀυτμή (μ 369) et ἀμφήλυθε θῆλυς ἀυτή (ζ 122), ressemblance qui est trop exacte pour être due au hasard. On ne peut pas savoir quelle est la plus ancienne des deux expressions. Mais ceci n’est aucunement nécessaire pour tirer les conclusions des lignes suivantes; que l’on choisisse l’une ou l’autre formule comme modèle de l’autre, ces conclusions ne changeront pas. Imaginons donc un poète connaissant bien la formule ἀμφήλυθεν ἡδὺς ἀυτμή qui veut décrire une scène où quelque personnage entend le cri des femmes. On peut supposer en toute probabilité que, pour désigner ce cri, le mot ἀυτή vint aussitôt à son esprit. A l’idée de ce mot le poète, cherchant à s’exprimer, avec ce sentiment de la mesure qu’a tout poète qui compose des vers quelconques suivant une métrique rigoureusement fixée, doit avoir immédiatement pensé à ἀυτμή et ce {90|91} mot doit lui avoir remis à ľesprit l’expression employée dans la description d’un sacrifice: ἀμφήλυθεν ἡδὺς ἀυτμή. ἀμφήλυθε, employé pour décrire ľodeur du sacrifice se répandant dans l’air, convient aussi bien à décrire un son qui semble remplir l’air. Et ἡδύς a suggéré θῆλυς par le calembour formé par les voyelles et la consonne finale; mais ce mot ne peut pas avoir été très éloigné de l’esprit du poète, vu qu’il s’agissait d’exprimer l’idée le cri des femmes. Que le point de départ de cette association de mots et d’idées ait été ἀυτή et ἀυτμή n’est évidemment pas tout à fait certain. Il est également possible que ce soit ἀμφήλυθε qui le premier suggéra l’ancienne expression. Mais en tout cas le procédé mental employé par ľaède qui créa l’expression est évident. Les mots qu’il cherchait pour exprimer sa pensée en hexamètres lui étaient suggérés par une ressemblance de sons entre certains mots. ἀμφήλυθεν ἡδὺς ἀυτμή a servi de modèle à ἀμφήλυθε θῆλυς ἀυτή, mais avant que l’imitation ait été faite le poète avait eu le désir d’exprimer une certaine idée particulière. Et même après que cette nouvelle expression eut été suggérée au poète, il avait encore le droit de la rejeter et de chercher d’autres mots. Il doit y avoir un assez grand nombre de manières différentes d’exprimer en hexamètres l’idée essentielle il entendit le cri des femmes. Mais l’aède n’a pas recherché ces autres manières, ou, en ayant considéré quelques-unes, il est revenu à l’expression qu’un calembour avait amenée à son esprit et dont il était satisfait. Il en est de même dans tous les autres cas où l’on peut constater l’influence de l’hexamètre. Il faut, d’une part, reconnaître que cette influence était entièrement subordonnée au goût des aèdes; mais d’autre part il est tout aussi certain que sans cette influence la diction de l’épos, c’est-à-dire son style, auraient été tout autres qu’ils ne sont.

Dans le cas que l’on vient de considérer, comme dans des cas similaires, on doit se garder de commettre une erreur que l’on a souvent faite. Il est peu probable, même si l’on croit qu’un seul poète a écrit entièrement les deux poèmes, qu’une des expressions en question ait été inspirée par le souvenir qu’Homère avait d’un vers déjà employé dans l’Iliade ou dans l’Odyssée. Il ne s’agit pas du fait qu’Homère a dû composer bien d’autres vers que ceux que nous possédons, mais du fait qu’on ne saurait attribuer à l’œuvre d’un seul poète qu’une faible partie des vers où l’on peut {91|92} constater cette influence de l’association des sons sur la formation des idées. Dans la plupart des exemples qui suivent, les deux formules doivent avoir été transmises, telles qu’elles sont, par la tradition.

On ne peut savoir laquelle des deux expressions que l’on rencontre dans les exemples suivants est la plus ancienne. Le fait que l’une ou l’autre ait certaiment été inspirée par un calembour importe seul [6] .

Λ 306 λαίλαπι τύπτων
Λ 466 ἵκετ᾽ ἀυτή
Α 48 ἕζετ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπάνευθε νεῶν
Α 464 αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ μῆρ᾽ ἐκάη
φ 411 χελιδόνι εἰκέλη αὐδήν
α 242 οἴχετ᾽ ἄιστος ἄπυστος
Κ 306 θοῆις ἐπὶ νηυσὶν Ἀχαιῶν
α 29 κατὰ θυμὸν ἀμύμονος
Υ 61 ἄναξ ἐνέρων Ἀιδωνεύς

I 402 Ἴλιον ἐκτῆσθαι, εὖ ναιό-
[μενον πτολίεθρον
Σ 358 ἀνστήσασ᾽ Ἀχιλῆα πόδας
[ταχύν· ἦ ῥά νυ σεῖο
Ρ 9 Πάνθου υἱὸς ἐυμμελίης
[ἀμέλησε
Ψ 744 ἐπ᾽ ἠεροειδέα πόντον
Ρ 73 ἀνέρι εἰσάμενος, Κικόνων
[ἡγήτορι Μέντηι
ξ 329 πίονα δῆμον
μ 400 λαίλαπι θύων
Ξ 174 ἵκετ᾽ ἀυτμή
ζ 236 ἕζετ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπάνευθε κιὼν
I 212 αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ πῦρ ἐκάη
χ 240 χελιδόνι εἰκέλη ἄντην
δ 788 κεῖτ᾽ ἄρ᾽ ἄσιτος ἄπαστος
Σ 259 θοῆις ἐπὶ νηυσὶν ἰαύων
κ 50 κατὰ θυμὸν ἀμύμονα
Α 172 ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων,
[etc.
Β 133 Ἴλιον ἐκπέρσαι εὖ ναιμό-
[μενον πτολίεθρον
Σ 2 Ἀντίλοχος δ᾽ Ἀχιλῆι πόδας
[ταχὺς ἄγγελος ἦλθε
Ρ 59 Πάνθου υἱὸν ἐυμμελίην
[Ἐύφορβον
μ 233 πρὸς ἠεροειδέα πέτρην
α 105 εἰδομένη ξείνωι, Ταφίων
[ἡγήτορι Μέντηι [
7]
Ψ 750 πίονα δημῶι {92|93}

***

L’analogie, qui a eu une telle importance dans la formation de la diction, tendait toujours à amener cette diction vers une simplification constante de l’expression des idées essentielles. En excluant l’expression nouvelle ou originale qui pouvait être traduite par une formule traditionnelle, elle engageait les poètes à exprimer, autant que possible, toute idée nouvelle par des mots ressemblant à ceux qui servaient déjà pour exprimer une idée similaire. On a vu, dans les séries de formules nom-épithète citées dans la première partie du chapitre, comment l’analogie a pu établir une manière fixe d’exprimer certaines actions des dieux et des héros. Or, les raisons pour lesquelles on n’a pu en établir de semblables pour tout type de formule nom-épithète apparaîtront lorsqu’il aura été démontré qu’il y avait des limites au delà desquelles on ne pouvait plus se servir de l’analogie pour la simplification. Deux obstacles se présentèrent: la variété de mesures des mots et la complexité des idées essentielles que les aèdes devaient exprimer dans leurs vers héroïques. Et ces deux facteurs ont fait que la diction, quoiqu’elle présente parfois des séries de formules pouvant être analysées avec une grande exactitude, doit rester même dans le cas des formules nom-épithète chose assez complexe pour rendre impossible une analyse complète de sa technique.

***

Il a été dit plus haut que certains noms au nominatif ou aux cas obliques ne peuvent entrer dans des formules nom-épithète de certaines mesures. Dans des cas de ce genre, il est vrai, le poète peut chercher à paraphraser le nom de son héros. Pour Διομήδης la diction possède Τυδέος υἱός qui apparaît dans l’Iliade 8 fois après la diérèse bucolique et s’adapte aux occasions multiples d’employer à cette position une formule sujet de héros. Mais le nom du père d’Agamemnon et de Ménélas ne commence pas par une consonne simple et les aèdes n’ont pas trouvé d’autre expression pouvant remplacer Ἀτρέος υἱός. Cette formule, commençant par une voyelle, est beaucoup moins utile. C’est ainsi que malgré la très grande commodité des formules nom- {93|94} épithète de cette, mesure au nominatif il n’y a dans Homère qu’un seul cas où Ἀτρέος υἱός se trouve, au nominatif, après la diérèse bucolique:

Quand il a dû écrire une action d’un des fils d’Atrée, Homère a été obligé de se passer de tous ces artifices qui ont servi si souvent avec δῖος Ὀδυσσεύς, δῖος Ἀχιλλεύς, et toute autre formule sujet de cette valeur métrique. Les noms des pères de certains héros ont fourni également des expressions au vocatif qui tombent entre le commencement du deuxième pied et la césure féminine. C’est un artifice habituel du poète que d’employer ces expressions pour interpeler ces héros en mettant au premier pied soit une exclamation, soit un impératif, etc. On trouve:

Δ 370 ὤ μοι, Τυδέος υἱὲ δαίφρονος ἱπποδάμοιο
θ 152 ὤ μοι, Τυδέος υἱὲ δαίφρονος, οἷον ἔειπες
Κ 159 ἔγρεο, Τύδέος υἱέ· τί πάννυχον ὕπνον ἀωτεῖς
Β 23 = 60 εὕδεις, Ἀτρέος υἱὲ δαίφρονος ἱπποδάμοιο






Ζ 46  
  ζώγρει, Ἀτρέος υἱέ, σὺ δ᾽ ἄξια δέξαι ἄποινα
Λ 131  

Σ 18 ὤ μοι, Πηλέος υἱὲ δαίφρονος, ἦ μάλα λυγρῆς

Ni pour Ulysse, ni pour Ajax, Homère ne paraît connaître de formules qui puissent servir dans des vers semblables de sorte que dans leur cas il a été obligé de se passer de cet artifice. On trouvera d’autres cas de ce genre au tableau II où il est indiqué que certains noms de héros ne peuvent servir au génitif dans des formules de certains types. En effet, on trouve des exemples de ce genre dans les noms de toute mesure. Une simplification absolue de l’emploi des formules nom-épithète des dieux et des héros {94|95} ne pourrait avoir lieu que si tous les noms avaient une même valeur métrique.

γ. — Formules nom-épithète réservées à l’expression d’idées spéciales.

La complexité des idées qui doivent être exprimées dans la poésie héroïque a mis un frein au jeu de l’analogie d’une manière identique. Pour exprimer certaines idées les aèdes ont dû recourir à des mots qui ont des mesures différentes, des désinences différents, et qui demandent à être placés dans l’hexamètre dans des ordres différentes. Il est évident que plus une idée est spéciale moins on trouvera des cas d’emploi analogues au moyen desquels on puisse établir un type traditionnel de formule et une manière traditionnelle d’employer les formules de même type. Après les formules nom-épithète qu’en raison de leur fréquence on a pu désigner comme appartenant aux types principaux, on ne trouvera que des séries d’expressions plus ou moins courtes, allant de plusieurs expressions analogues à des expressions uniques qui ne semblent avoir rien de commun avec d’autres formules parce qu’elles sont réservées à l’expression d’idées tout à fait uniques.

L’aspect de la diction formulaire, dans l’épos, qui sans doute est le premier à frapper l’attention du lecteur d’Homère, est l’emploi fréquent de certains vers entiers pour exprimer certaines idées tout à fait spéciales. Les occasions plus ou moins fréquentes dans lesquelles les aèdes avaient à décrire certaines actions des dieux ou des hommes les amena à créer et à conserver ces formules quoique chacune d’entre elles ne pût décrire qu’une action particulière. Ainsi, pour citer quelques exemples des plus fréquents, l’auteur dit: l’aube vint (Iliade, 3 fois; Odyssée, 19 fois) par

ἦμος δ᾽ ἠριγένεια φάνη ῥοδοδάκτυλος Ἠώς


Je voudrais bien se dit (Iliade, 4 fois; Odyssée, 5 fois)

αἲ γὰρ Ζεῦ τε πάτερ καὶ Ἀθηναίη καὶ Ἄπολλον


Après avoir mangé se dit (Iliade, 7 fois; Odyssée, 13 fois)

αὐτὰρ ἐπεὶ πόσιος καὶ ἐδητύος ἐξ ἔρον ἕντο


D’autres vers-formule du même genre sont moins remarqués, le {95|96} poète ayant eu moins souvent l’occasion d’exprimer les idées qu’ils contiennent, mais ils sont aussi régulièrement employés que les plus fréquents. Ainsi Il restait (reste) dans une île souffrant des maux est dit de Philoctète dans l’Iliade et d’Ulysse dans l’Odyssée:






Β 721   κεῖτο  
  ἀλλ᾽ ὁ μὲν ἐν νήσωι   κρατέρ᾽ ἄλγεα πάσχων
ε 13   κεῖται  

Il y a des formules nom-épithète qui, elles aussi, font partie de formules réservées à l’expression d’une certaine idée et qui ne sont employées que très rarement en dehors d’un certain groupe de mots. Dans des cas semblables le substantif et son épithète font partie de formules plus complexes que celles de simple nom-épithète, et il ne faut pas chercher à isoler le substantif et ľépithète des autres mots de la formule. On a déjà eu l’occasion de remarquer (p. 73) une expression nom-épithète de ce genre, Διὸς αἰγιόχοιο, qui, devant son emploi assez fréquent dans Homère à la nécessité qu’il y a pour le poète d’exprimer après l’hepthémimère l’idée fils (fille, filles) de Zeus, n’apparaît ailleurs qu’en trois vers probablement inspirés par le souvenir de cet emploi spécial. La plupart des formules des types moins fréquents sont de cette sorte et tenter de les signaler toutes serait entreprendre une tâche impossible par sa longueur et qui perdrait de son intérêt en devenant un simple catalogue. Il suffira d’en citer quelques exemples.

I. La formule nom-épithète pour Ulysse

_ ⏔ διογενὴς ⏔ _ πτολίπορθος Ὀδυσσεύς


n’apparaît qu’une seule fois dans les poèmes:

θ 3 ἂν δ᾽ ἄρα διογενὴς ὦρτο πτολίπσρθος Ὀδυσσεύς {96|97}


Or, le hasard a fait que le poète (les poètes) a eu, à quatre autres reprises, l’occasion d’exprimer dans l’Iliade et l’Odyssée, dans l’étendue d’un vers entier, l’idée un tel se leva. Il est donc certain que θ 3 fut inspiré au poète par le souvenir d’un type de formule réservé à exprimer cette idée spéciale:

Ψ 293 τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀτρείδης ὦρτο ξανθὸς Μενέλαος
Η 163 = Ψ 290 τῶι δ᾽ ἐπὶ Τυδείδης ὦρτο κρατερὸς Διομήδης
Ψ 812 ἂν δ᾽ ἄρα Τυδείδης ὦρτο κρατερὸς Διομήδης

II. Les formules nom-épithète réservées à l’expression de quelque idée spéciale servent à former la plupart des nombreux types de formules de ce genre employées pour Zeus. Le plus grand de tous les dieux est celui que l’on invoque en faisant un souhait, ou que l’on prend à témoin lorsqu’on fait un vœu, ou encore qui est regardé comme l’arbitre du sort des mortels, et comme on l’a déjà vu, il est aussi fréquemment mentionné comme le père d’un dieu ou d’un mortel. Ceci explique pourquoi, dans les deux dernières colonnes du Tableau I, où est indiqué le nombre de formules et de types de formules autres que celles des types principaux, les chiffres pour Zeus sont proportionnellement plus élevés que ceux indiqués pour les autres personnages du Tableau.

La disposition du nom et des épithètes données à Zeus que l’on voit dans H 411

ὅρκια δὲ Ζεὺς ἴστω, ἐρίγδουπος πόσις Ἥρης


est la même que dans







θ 465    
  οὕτω νῦν Ζεὺς θείη,  
ο 180   ἐρίγδουπος πόσις Ἥρης
Κ 329   ἴστω νῦν Ζεὺς αὐτός,  

et à peu près la même que dans ο 112

ὥς τοι Ζεὺς τελέσειεν, ἐρίγδουπος πόσις Ἥρης

Ebeling remarque avec justesse que cette expression est employée « quando quis jurat aut optat ». C’est une formule qui avait été créée pour cet usage et qui lui est réservée uniquement (voir aussi sur cette formule pp. 229-230). {97|98}

III. De même Κρονίδης Ζεύς n’apparaît avant la diérèse bucolique que lorsqu’il s’agit de la gloire ou des souffrances que le sort a dévolues aux hommes:

Θ 141 νῦν μὲν γὰρ τούτωι Κρονίδης Ζεὺς κῦδος ὀπάζει
Φ 570 ἔμμεναι· αὐτάρ οἱ Κρονίδης Ζεὺς κῦδος ὀπάζει
Σ 431 ὅσσ᾽ ἐμοὶ ἐκ πασέων Κρονίδης Ζεὺς ἄλγε᾽ ἔδωκεν
Ω 241 ἦ ὀνόσασθ᾽ ὅτι μοι Κρονίδης Ζεὺς ἄλγε᾽ ἔδωκε

IV. Zeus ne reçoit le titre ἀθάνατος qu’à trois reprises dans l’Iliade et l’Odyssée:







Β 741   υἱὸς Πειριθόοιο, τὸν ἀθάνατος τέκετο Ζεύς
Ξ 434  
  Ξάνθου δινήεντος, ὃν ἀθάνατος τέκετο Ζεύς
Φ 2  

L’expression, tombant après la césure féminine, est une manière d’exprimer avec une autre mesure l’idée de parenté avec Zeus qui existe dans υἱὸς Διὸς αἰγιόχοιο (cf. ρ. 73).

V. Les nombreuses circonstances dans lesquelles les aèdes avaient à exprimer cette même idée ont amené la création d’une formule spéciale pouvant servir après la césure féminine et commençant par une consonne. On trouve

Διὸς κούρηι μεγάλοιο (8 fois)

Διὸς θύγατερ μεγάλοιο

Διὸς κοῦραι μεγάλοιο

VI. L’expression Ζεῦ τε πάτερ n’apparaît que dans le vers

αἲ γὰρ Ζεῦ τε πάτερ καὶ Ἀθηναίη καὶ Ἄπολλον


que l’on rencontre 4 fois dans l’Iliade et 5 fois dans l’Odyssée.

VII. Ailleurs Zeus ne reçoit ce titre de πάτερ au vocatif qu’au premier pied, où il sert régulièrement à commencer une prière ou à commencer une phrase de reproche à ce dieu. On trouve:

(5 fois) Zεῦ πάτερ, Ἴδηθεν μεδέων, κύδιστε μέγιστε
Γ 365 = υ 201 Ζεῦ πάτερ, οὔ τις σεῖο θεῶν ὀλοώτερος ἄλλος
η 331 Ζεῦ πάτερ, αἴθ᾽ ὅσα εἶπε τελευτήσειεν ἅπαντα


etc. Cette expression apparaît 32 fois à cette place. {98|99}

VIII. Dans ce genre de vers le deuxième pied commence le plus souvent par une voyelle. Quand il commence par une consonne le poète se sert de Ζεῦ ἄνα que l’on rencontre trois fois dans les poèmes, toujours au début du vers:

Γ 351 Ζεῦ ἄνα, δὸς τείσασθαι ὅ με πρότερος κάκ᾽ ἔοργε


etc.

IX. Les cas des deux formules ἀργυρότοξος Ἀπόλλων et Ἄρτεμις ἰοχέαιρα, qui ont une mesure comparativement rare pour une formule nom-épithète au nominatif, sont des plus intéressants. Ces formules doivent leur existence au fait qu’Apollon et Artémis sont regardés comme les dieux qui donnent aux mortels une mort non violente, causée par la maladie ou par la vieillesse. Il était donc utile aux aèdes d’avoir une expression qui servirait régulièrement à exprimer l’idée de ce genre de mort. On trouve

η 64 τὸν μὲν ἄκουρον ἐόντα βάλ᾽ ἀργυρότοξος Ἀπόλλων
ρ 251 αἲ γὰρ Τηλέμαχον βάλοι ἀργυρότοξος Ἀπόλλων
ο 478 τὴν μὲν ἔπειτα γυναῖκα βάλ᾽ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα
Ζ 428 πατρὸς δ᾽ ἐν μεγάροισι βάλ᾽ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα


On trouve la même idée en Ω 758-9

κεῖσαι, τῶι ἴκελος ὅν τ᾽ ἀργυρότοξος Ἀπόλλων
οἷς ἀγανοῖς βελέεσσιν ἐποιχόμενος κατέπεφνεν.


et en λ 172-3

ἢ δολιχὴ νοῦσος, ἦ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα
οἷς ἀγανοῖς βελέεσσιν ἐποιχόμενος κατέπεφνεν;

§ 3. — La prédominance des formules traditionnelles

Nous avons dit que le but vers lequel doit tendre toute étude de l’élément formulaire dans la diction homérique, est de savoir distinguer dans l’Iliade et dans l’Odyssée ce qui appartient à la tradition et ce qui est dû à l’originalité du poète ou des poètes qui ont composé ces poèmes. C’est toujours en vue d’une analyse quantitative faite dans cet esprit que l’on a pris soin, chaque fois que l’occasion s’est présentée, de prendre comme exemples les formules nom-épithète employées au nominatif pour les six héros {99|100} dont les noms figurent au tableau I. On a pu rattacher la plus grande partie de ces formules à la tradition:










  Formules des types principaux Formules ou l’épithète sert à remplir une certaine étendue du vers. Forumules de types spéciaux Formules non-classées Types de formules non-classées.
Ὀδυσσεύς… 190 5 1 6 5
Ἀχιλλεύς… 92 8 » 2 2
Ἕκτωρ… 76 7 » 4 2
Νέοτωρ… 32 1 » 6 3
Διομήδης… 34 » 3 4 2
Ἀγαμέμνων. 63 3 » 12 5

Une étude des formules dont la présence est indiquée aux deux dernières colonnes du tableau précédent, celles qui échappent à la méthode d’analyse que nous avons suivie, montrera que sans trop de hardiesse on pourrait rattacher la plupart d’entre elles au système de la diction et qu’en tout cas les épithètes qui y figurent sont à deux exceptions près celles qui se trouvent déjà dans certaines formules des types principaux. Mais on verra en même temps que, si l’on veut maintenir ses conclusions dans les limites de la modération, il faut admettre que quelques-uns des cas au moins laissent entrevoir des manières plus ou moins indépendantes de se servir des mots traditionnels.

I. On doit peut-être rattacher à la tradition les formules nom-épithètes que l’on voit dans les vers suivants, si l’on considère que les épithètes, tombant entre une césure du troisième pied et la dièrèse bucolique, sont employées d’une manière que l’on a reconnu être celle de certaines épithètes génériques qui tombent à cette place. Deux de ces vers ont une certaine ressemblance:

Σ 234 μυρόμενοι· μετὰ δέ σφι ποδώκης εἵπετ᾽ Ἀχιλλεὺς
Χ 471 ἤματι τῶι ὅτε μιν κορυθαίολος ἠγάγεθ᾽ Ἕκτωρ


Le vers

δ 763 εἴ ποτέ τοι πολύμητις ἐνὶ μεγάροισιν Ὀδυσσεὺς {100|101}


rappelle des vers tels que

H 148 αὐτὰρ ἐπεὶ Λυκόοργος ἐνὶ μεγάροισιν ἐγήρα

II. εὐρὺ κρείων qui n’apparaît qu’en Λ 238 doit son existence à sa présence dans deux formules plus longues:

(3 fois) ἥρως Ἀτρείδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων
(7 fois)…. Ἀτρείδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων


Ces dernières sont des formules dont l’usage fréquent est difficile à expliquer. Si elles sont traditionnelles, il faudra reconnaître que le poète (les poètes) aimait à les employer malgré leurs mesures qui sont peu courantes parmi les formules nom-épithète au nominatif. Il doit en être de même pour la formule nom-épithète que l’on voit dans les vers

Θ 532 εἴσομαι ἤ κέ μ᾽ ὁ Τυδείδης κρατερὸς Διομήδης
Λ 660 = Π 25 βέβληται μὲν ὁ Τυδείδης κρατερὸς Διομήδης


et pour l’expression employée pour Nestor

Θ 80 Νέστωρ οἶος ἔμιμνε Γερήνιος, οὖρος Ἀχαιῶν
Ο 370 = 659 Νέστωρ αὖτε μάλιστα Γερήνιος, οὖρος Ἀχαιῶν
γ 411 Νέστωρ αὖ τότ᾽ ἐφῖζε Γερήνιος, οὖρος Ἀχαιῶν


Mais il faut se souvenir que la prédilection spéciale, pour ces formules était probablement commune à tous les aèdes.

III. D’une part le souvenir de vers tels que

Γ 275 τοῖσιν δ᾽ Ἀτρείδης μεγάλ᾽ εὔχετο, χεῖρας ἀνασχών


et d’autre part de vers comme

I 368 αὖτις ἐφυβρίζων ἕλετο κρείων Ἀγαμέμνων


explique la création de

Λ 177 ὣς τοὺς Ἀτρείδης ἔφεπε κρείων Ἀγαμέμνων


La création du vers Λ 333 s’explique de la même façon. L’expression nom-épithète que l’on voit dans






Δ 512 οὐ μὰν οὐδ᾽  
    Ἀχιλεύς, Θέτιδος πάις ἠυκόμοιο
Π 860 τίς δ᾽ oἶδ᾽ εἴ κ᾽  

doit sa création au souvenir d’expressions telles que Ἑλένης πόσις ἠυκόμοιο et Κρόνου πάις ἀγκυλομήτεω. Mais il n’est pas possible de savoir si les vers créés ainsi sont dus à Homère ou si, {101|102} au contraire, ce poète avait entendu dans la récitation d’un autre aède des vers où ces noms et ces épithètes se trouvaient déjà placés ainsi dans l’hexamètre.

IV. Le vers

ο 485 τὸν δ᾽ αὖ διογενὴς Ὀδυσεὺς ἠμείβετο μύθωι


est assez exceptionnel, vu que le poète pouvait employer un vers dont il se sert régulièrement pour exprimer la même idée

τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πολύμητις Ὀδυσσεύς (50 fois)


ο 485 était suggéré d’une part par des vers comme

Ω 200 ὣς φάτο, κώκυσεν δὲ γυνὴ καὶ ἀμείβετο μύθωι






ι 506  
  ὣς ἐφάμην, ὁ δέ μ᾽ οἰμώξας ἀμείβετο μύθωι
λ 59  

et d’autre part par des vers tels que

τὸν δ᾽ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἄντιον ηὔδα (43 fois).

Mais ici non plus on ne peut savoir si c’est Homère qui a, le premier, fait cette nouvelle combinaison de formules anciennes.

V. Les deux autres formules nom-épithète qu’il nous reste à considérer sont plus courtes, et il semble que leur emploi soit dû au fait que le poète, se servant dans le vers d’autres éléments de la phrase dont la place était bien établie, n’a pu par conséquent se servir des formules habituelles. Ainsi pour

β 27 ἐξ οὗ Ὀδυσσεὺς δῖος ἔβη κοίληις ἐνὶ νηυσί


L’expression ἐξ οὗ tombe 12 fois sur 18 au commencement du vers. La dernière partie du vers peut être comparée avec

H 381 ἠῶθεν δ᾽ Ἰδαῖος ἔβη κοίλας ἐπὶ νῆας


L’expression κοίληις ἐνὶ νηυσί, comme on le verra plus loin, appartient à un système de formules nom-épithète-préposition pour νηῦς. De plus on trouve deux fois (τ 596 et ψ 18).

ἐξ οὗ Ὀδυσσεὺς
ὤιχετ᾽


Et en σ 181 on a un vers semblable à celui dont il est question.

ὤλεσαν, ἐξ οὗ κεῖνος ἔβη κοίληις ἐνὶ νηυσίν {102|103}

VI. Ľépithète τλήμων qui se trouve deux fois dans l’Iliade présente un intérêt particulier puisqu’elle n’apparaît pas dans l’Odyssée malgré la plus grande importance du rôle qu’y joue Ulysse. On serait peut-être tenté d’y voir un mot original du poète de l’Iliade ou de la Dolonée, si le sens de l’épithète ne rendait pas une telle conclusion tout à fait impossible, τλήμων comme πολύτλας n’aurait jamais pu être trouvés spécialement pour l’Iliade. C’est une épithète qui a son origine dans quelque poème décrivant les voyages d’Ulysse, mais qui a fini par devenir, comme πολύτλας, une épithète pouvant lui être donnée en toute circonstance. Car Ulysse dans l’Iliade n’a pas encore souffert plus que les autres héros. On a ainsi une formule se rattachant clairement à la tradition mais que le poète (les poètes) de l’Odyssée n’a néanmoins jamais employé. Faut-il croire que l’auteur de l’Odyssée connaissait cette formule mais qu’il n’a jamais eu l’occasion de s’en servir? Pour soutenir cette conclusion on pourrait mentionner que les autres mots de ces deux vers se trouvent souvent dans d’autres parties des poèmes aux mêmes places:

Κ 231 ἤθελε δ᾽ ὁ τλήμων Ὀδυσεὺς καταδῦναι ὅμιλον
Κ 498 τόφρα δ᾽ ἄρ᾽ ὁ τλήμων Ὀδυσεὺς λύε μώνυχας ἵππους


Il est vrai aussi que dans l’Odyssée Ulysse n’a ni l’occasion de s’occuper des chevaux ni d’entrer dans la mêlée. Mais tout cela est assez peu certain.

***

On aurait tort de ne voir, dans les pages qui précèdent, qu’une liste d’incertitudes. Le fait même que l’on ne peut aboutir à des conclusions certaines sur l’origine de ces formules indique que le poète (les poètes) de l’lliade et de l’Odyssée avait l’esprit tellement imbu de formules traditionnelles que jamais, dans le cas du nominatif des noms des six héros en question, il n’est arrivé à créer de sa propre initiative une seule épithète qui montrât la couleur de sa pensée. Des traces d’une certaine originalité existent, peut-être; mais c’est une originalité qui ne fait que réarranger sans modifications importantes les mots et les expressions de la tradition. La plus grande originalité du poète dans le maniement des épithètes serait d’avoir employé certaines formules nom- {103|104} épithète un peu plus ou un peu moins fréquemment que d’autres aèdes. On appelle toutes les épithètes de l’Iliade et de l’Odyssée « homériques ». Mais dans toute la recherche qui vient d’être faite on n’a pas pu relever une seule épithète qui puisse être appelée « homérique » comme les épithètes de Pindare ont le droit d’être dites « pindariques ».

§ 4. — Le choix des épithètes

C’est là une conclusion qui déplaira à coup sûr à quelques-uns comme étant trop absolue. D’un côté les critiques qui tiennent à l’unité des poèmes homériques, ceux qui ont si grandement tiré parti des subtilités qu’ils ont cru pouvoir relever dans la pensée ou dans le style de l’Iliade et de l’Odyssée, trouveront que cette conclusion est en trop grande contradiction avec ce que doit être le génie d’Homère. Il est possible que, prenant comme argument ce qu’ils trouveront d’invraisemblable dans le résultat de la recherche, ils concluent que notre méthode est fondamentalement fausse ou, du moins, qu’elle manque d’exactitude. D’un autre côté les critiques qui voient dans l’Iliade et l’Odyssée des poèmes de différentes époques et les œuvres d’un plus ou moins grand nombre de poètes ne croiront peut-être pas que la tradition ait pu être suivie par tous ces poètes avec une fidélité telle qu’une recherche précise ne parvienne pas à discerner des différences importantes, dans l’emploi de l’épithète, entre les deux poèmes et même entre les différentes parties de chacun d’eux. Ces objections indiquent trop bien l’attitude que beaucoup prendront envers les conclusions de cette étude pour que l’on puisse les négliger. Les chapitres suivants donneront d’une part des indications positives prouvant qu’Homère n’a pas pensé à chercher l’épithète originale et montreront d’autre part quelle importance on doit attribuer à certaines variations dans l’emploi des épithètes que l’on peut relever entre les deux poèmes. Mais avant de commencer la discussion de ces problèmes il ne doit rester aucun doute sur la méthode d’analyse que nous avons suivie dans les pages précédentes. Il existe un moyen de contrôler l’exactitude générale des conclusions auxquelles on vient d’arriver. Un autre aspect du problème de l’emploi traditionnel de l’épithète exige une recherche tout à fait indépendante de celle que l’on vient d’ache- {104|105} ver, mais ses résultats nous montreront si l’on a donné trop d’importance à l’influence du vers et au jeu de l’analogie et si, dans les pages précédentes, on a voulu rattacher une trop grande partie des épithètes à la tradition.

***

Il s’agit du choix des épithètes. On n’a considéré jusqu’ici que des formules nom-épithète de certaines valeurs métriques qui, en s’adaptant au moule de l’hexamètre, font partie d’une technique de la diction. On a ainsi constaté qu’il n’existe qu’un petit nombre de formules nom-épithète ayant la même valeur métrique qu’une autre formule nom-épithète employée au même cas pour le même personnage. Il doit s’ensuivre que le poète emploie à peu d’exceptions près la même épithète chaque fois qu’il se sert d’une formule d’une certaine mesure. S’il n’existait dans Homère que des épithètes spéciales, une recherche sur le choix de l’épithète devrait s’arrêter là, et l’on devrait se trouver satisfait de cette première preuve du caractère traditionnel de l’épithète. Il en est ainsi pour la plupart des épithètes appliquées aux dieux. Heureusement c’est précisément de ce côté que l’on serait le moins tenté de chercher les épithètes originales du poète. Dans le cas des épithètes employées pour les héros, au contraire, l’épithète spéciale — comme on aura bientôt l’occasion de le constater avec précision — est comparativement rare, les épithètes employées indifféremment pour deux ou plus de deux héros étant de beaucoup les plus nombreuses et les plus fréquentes.

Or, il y a dans chaque formule nom-épithète deux éléments dont l’un est fixe et l’autre variable. L’élément fixe, c’est le substantif qui, abstraction faite des désinences du génitif et du datif pluriel, présente presque toujours une valeur métrique bien déterminée avec laquelle le poète est forcé de compter. L’élément variable, c’est l’épithète, qui peut avoir la mesure que choisira le poète et qui peut commencer et se terminer en large mesure comme il l’entendra. Celui-ci, par conséquent, crée la formule nom-épithète avec la valeur métrique qu’il veut en ajoutant aux syllabes déterminées du substantif les syllabes χ de l’épithète. C’est ici que l’épithète générique peut servir à la versification d’une façon {105|106} remarquable. Si le poète veut avoir une formule nom-épithète d’une certaine valeur métrique, il pourra la créer avec une même épithète générique dans le cas de n’importe quel héros dont le nom présente une même valeur métrique. Une même épithète, comme on l’a vu, sert à former pour Achille et pour Ulysse les formules nom-épithète employées après la diérèse et commençant par une consonne simple qui sont si utiles à la versification. On trouve après la diérèse

δῖος Ὀδυσσεύς (98 fois)
δῖος Ἀχιλλεύς (55 fois)


Cette épithète δῖος est employée de façon semblable pour d’autres héros qui n’ont aucune ressemblance particulière avec Achille ou avec Ulysse sinon qu’ils sont eux-mêmes des héros et que leurs noms possèdent la même mesure, commençant de même par une voyelle brève:










  Ἀγήνωρ (3 fois)
  Ἀλάστωρ (2 fois)
  Ἐπειγεύς
δῖος Ἐπειός (3 fois)
  Ἐχέφρων
  Ὀρέστης (3 fois)
  ὑφορβός (4 fois)

L’emploi de δῖος au nominatif à cette place et avec des noms de héros ayant cette mesure est presque exclusif; on ne le trouve ailleurs qu’en cinq endroits et avec trois noms ayant une mesure différente (pour ces cinq cas voir p. 188).

Les cas de ce genre ne sont pas difficiles à trouver. On peut en citer quelques-uns des plus frappants.

I. On trouve après la diérèse bucolique:









  Νέστωρ (30 fois)     Αἴας (6 fois)
      φαίδιμος  
  Φυλεύς     Ἕκτωρ (30 fois)
ἱππότα Τυδεύς   cf. φαίδιμος   υἱός (11 fois)
  Οἰνεύς        
  Πηλεύς (2 fois)        

II. Après l’hepthémimère on trouve












  ’Aγαμέμνων (30 fois)     Διομήδης (18 fois)
κρείων     κρατερὸς  
  Ἐλεφήνωρ     Λυκομήδης {106|107}
  Ἐνοσίχθων (7 fois)     Λυκόοργος
  Ἐτεωνεύς     Μεγαπένθης (2 fois)
κρείων Ἐύμηλος   κρατερὸς  
  Ἑλικάων     Πολυποίτης
  Ἀγαπήνωρ     Διώρης (2 fois)
        cf. κρατερός   τ᾽ Ἐφιάλτης

III. Apès la césure féminine:

































  Μενέλαος (20 fois)
βοὴν ἀγαθὸς  
  Διομήδης (21 fois)
βοὴν ἀγαθὸν   Μενέλαον (5 fois)
  Ἀγαμέμνων (37 fois)
  Ἀγχίσης
  Αὐγείας
ἄναξ ἀνδρῶν  
  Αἰνείας
  Ἐυφήτης
  Ἐύμηλος
  Πηλεύς (4 fois)
γέρων ἱππηλάτα Οἰνεύς
  Φοῖνιξ
cf. γέρων δ᾽ ἱππηλάτα   Νέστωρ (2 fois)
  Αἰακίδαο (2 fois)
  Ἀντιλόχοιο (4 fois)
ἀμύμονος Ἀλκινόοιο (2 fois)
  Αἰγίσθοιο
  Ἀγχίσαο
  Βουκολίωνι (2 fois)
ἀμύμονι  
  Πουλυδάμαντι
  Πηλείωνα (10 fois)
  Πουλυδάμαντα (2 fois)
  Βελλεροφόντην (2 fois)
ἀμύμονα Λαομέδοντα (2 fois)
  Γοργυθίωνα
  Δηιοπίτην
  Δευκαλίωνα

IV. On a déjà commenté (pp. 73-77) les raisons pour lesquelles le poète avait besoin, après la penthémimère, d’une formule nom- {107|108} épithète au génitif, quoique ce besoin n’existât pas au nominatif. On trouve:












  Ἀλκινόοιο (7 fois)
  Αἰνείαο (4 fois)
  Ἀγχίσαο (2 fois)
  Ἠετίωνος (2 fois)
μεγαλήτορος Ἀμφιμάχοιο
  Ἰκαρίοίο
  Ἱπποτάδαο
  Εὐρυλόχοιο
  Εὐρυμέδοντος

Lorsque le son initial du nom rend impossible l’emploi de μεγαλήτορος, le poète se sert de μεγάθύμου:












  Τυδέος υἱός (3 fois)
  Πρωτεσίλαου (2 fois)
  Πηλείωνος (2 fois)
  Πανθοίδαο
μεγαθύμου  
  Ναυβολίδαο
  Τηλεμάχοιο
  Πειριθόοιο
  Δευκαλίωνος

V. Dans les exemples précédents, l’épithète précède le nom. De même les aèdes ont pu, à l’aide d’une seule épithète, créer de nombreuses formules de fin de vers en mettant l’épithète après le nom. Ces formules ne sont pas nécessairement toutes de la même longueur, mais c’est toujours la mesure du nom du héros qui a déterminé le choix de l’épithète.













(2 fois) Γλαῦκος  
(2 fois) Τεῦκρος  
  ἀμύμων
Κλυτόνηος  
Mενέλαος  
(7 fois) Πφιάμοιο  
(3 lois) Ἑλένοιο  
  ἄνακτος
(2 fois) Ἀρηιθόοιο  
(2 fois) Ταλαιονίδαο  

{108|109}



























Πηνελέωο     (27 fois) Ὀδυσσῆος  
Τεύκροιο     (2 fois) Ἀχιλλῆος  
Τειρεσίαο       θείοιο
Ἡφαίστοιο     Ἡρακλῆος  
  ἄνακτος   (2 fois) Ὀιλῆος  
Φιλοκτήταο          
Αὐηιάδαο     (19 fois)Ἕκτopα  
Σεληπιάδαο     (3 fois) Ἀγήνορα  
Ἡρακλείδαο     (3 fois) Διομήδεα  
        (4 fois) Νέστορα  
(8 fois) Πρίαμος     (2 fois) Ἀγαμέμνονα  
(10 fois) Αλέξανδρος     (2 fois) Σαρπηδόνα δῖον
(5 fois) Θεοκλύμενος     Ὑψήνορα  
(2 fois) Εύρύμαχος     Ἀρετάονα  
Ναυσίθοος     Λυκομήδεα  
Ἀλκίνοος     Μέντορα  
Εὐρύλοχος θεοειδής   Μέμνονα  
Ἀσκάνιος          
Πολύξεινος          
Δηίφοβος          
Δηίφοβος          
Ἄρητος          
Χρομίος          
Νεοπτόλεμος          

***

Il est évident que chacune de ces séries de formules est due à l’influence du vers qui agit au moyen de l’analogie. Il serait inutile de chercher dans laquelle de ces formules l’emploi d’une certaine épithète est le plus ancien. Ce qu’il y a d’important, c’est le fait que les aèdes n’hésitaient pas à employer pour un héros quelconque l’épithète qui, à un moment donné, avait été attribuée pour la première fois à un seul. Employée une première fois pour ce personnage, elle servit à nouveau par la suite pour ce même personnage, lorsque le rythme le permettait et rendait son emploi facile. Puis les aèdes l’appliquèrent à d’autres personnages dont le nom possédait la même valeur métrique que celui du personnage originel. Cette tendance a agi sur le style héroïque de deux façons. Si, pour décrire certains héros, on avait d’abord {109|110} employé d’autres épithètes de la même valeur métrique, les aèdes furent amenés à les abandonner et à les oublier, sauf dans les cas assez rares où une épithète décrivait quelque caractéristique d’un héros du plus grand renom ou renfermait un détail ayant un intérêt historique. D’autre part cette tendance a empêché que de nouvelles épithètes équivalentes ne fussent introduites dans les poèmes pour décrire les héros. Certes on ne doit pas oublier chez les aèdes le goût de l’épithète ancienne et traditionnelle; mais ce goût ne les empêchait nullement de chercher et de trouver de nouvelles épithètes génériques ayant d’autres valeurs métriques. Si les poètes aimaient l’épithète générique, et s’en servaient, c’était surtout parce qu’elle leur était très commode.

Jusqu’à quel point l’influence du vers a-t-elle pu développer ainsi l’emploi de l’épithète générique, tout en restreignant l’emploi de l’épithète spéciale? A quel point a-t-elle pu exclure de la diction de l’épos toute épithète de héros — spéciale ou générique — qui aurait possédé la même valeur métrique qu’une autre épithète de héros ayant déjà sa place dans la tradition? Ce sont là deux problèmes qui exigent, pour être résolus avec exactitude, un examen de toutes les épithètes de héros dans Homère. D’abord on pourra comparer entre elles la quantité d’épithètes spéciales et la quantité d’épithètes génériques. Ensuite, en précisant la variété de mesures des épithètes génériques, on pourra se rendre compte si l’on se trouve en présence d’un système qui, en raison de son extension et de sa simplicité, n’aurait jamais pu exister dans les vers d’un poète usant d’une diction originale. C’est là une recherche complètement indépendante de celle qui a été faite sur les formules nom-épithète des héros. En citant un peu plus haut des séries de formules où l’on remarque des épithètes génériques, on a choisi parmi les plus fréquentes, c’est-à dire celles qui composent avec leurs substantifs des formules des types principaux. Mais la recherche que l’on se propose de faire sur la variété de valeurs métriques des épithètes génériques n’a aucun rapport avec la formule, et n’a pour but que de se rendre compte dans quelles circonstances Homère aurait pu substituer une épithète générique de héros à une autre, quelle que fût la place du vers où tomberaient ces épithètes. {110|111}

***

Les épithètes qui ne sont employées que pour un seul héros sont au nombre de 40. Elles se divisent en deux catégories bien distinctes: celles qui sont employées pour des héros dont le rôle dans l’épos est ou doit avoir été de première importance, et celles qui décrivent des héros mentionnés seulement à une ou deux reprises dans les poèmes et ne semblant jouer dans les contes héroïques qu’un rôle très restreint.

Les épithètes de la première catégorie sont: {111|112}






























  Le Héros L’Épithète Fréquence de l’épithète
1. Ulysee… πολύμητις. 82
2. — … πολύτλας. 38
3. — … πολύφρονα. 5
4. — … ταλασίφρονος. 13
5. — … ποικιλόμητιν. 6
6. — … 2 τλήμων.
7. — … 3 ἐσθλός.
8. Achille… πόδας ὠκύς… 31
9. — … ποδάρκης. 21
10. — … ῥηξήνορος. 3
11. — … ποδώκεος. 11
12. — … θυμολέοντα. 1
13. — … θεοῖς ἐπιείκελ᾽. 6
14. Hector… ὄβριμος. 4
15. — … κορυθαίολος. 38
16. Agamemnon… εὐρὺ κρείων. 11
17. — … κύδιστε. 10
18. Héraklès… κρατερόφρονα. 1
19. — … μεγάλων ἐπιίστορα ἔργων. 1
20. Ajax… ταχύς. 9
21. Patrocle… ἱππεῦ 4
22. Nestor… Γερήνιος. 35
23. Amphiaraos… λαοσσόον. 1
24. Oreste… τηλεκλυτός. 1
25. Aegisthe… δολόμητις. 2
26. Polydeuce… πὺξ ἀγαθός. 2

 

Dans la deuxième catégorie tombent14 épithètes qui s’appliquent à autant de héros:

27. Ilos. . . . . . . . . . .παλαιοῦ δημογέροντος

28. Déiphobe. . . . . . . . .λευκάσπιδα

29. Poulydamas. . . . . . . .ἀμωμήτοιο

30. Mentor (Iliade). . . . . .πολυίππου

31. Pélégon. . . . . . . . .κλυτὸν ἔγχει {112|113}

32. Lykaon. . . . . . . . .γέρων αἰχμητά

33. Amphios. . . . . . . .λινοθώρηξ

34. Skamandrios. . . . . .αἵμονα θήρης

35. Akamas. . . . . . . . .ἠίθεον

36. Oresbios. . . . . . . . .αἰολομίτρην

37. Thyeste. . . . . . . . .πολύαρνι

38. Ménesthios. . . . . . .αἰολοθώρηξ

39. Arybas. . . . . . . . .ῥυδὸν ἀφνειοῖο

40. Dymas. . . . . . . . . .ναυσικλειτοῖο

Tableau III. — Donnant toutes les épithètes fixes employées dans l’Iliade et l’Odysée avec les noms de deux ou plus de deux héros.


















































































  Mesure   Nominatif   Génitif   Datif   Accusatif   Vocatif  
I. ⏖… A. μέγας… 3         μέγαν… 2    
    B. κλυτός… 1         κλυτόν… 4    
      θρασύς… 1         θρασύν… 2    
    C. ἐύς… 1                
II. ⏑_… A. μέγας… 2         μέγαν… 3    
    B. ἐύς… 1         ἐύν… 1    
III. _⏑… A. δῖος… 12 δίου… 2 δίωι… 4 δῖον… 17 φαίδιμ᾽… 2
  B.                   δῖε… 3
IV. ⏔_… A. ἣρως… 10     ἣρωι… 2 ἣρω’ 3 ἣρως… 1
V. ⏔_… A. ἀγαθός… 3         ἀγαθὀν… 2    
    B. ξανθός… 2     ξανθῶι… 1 ξανθόν… 1    
      κρατερός… 8     κρατερῶι… 1 κρατερόν… 2    
    C. ἣρως… 4                
    D. κρείων… 7         κρείοντ’… 1    
VI. _⏖… A. φαίδιμος… 6                
    B. ἂλκιμος.. 3         ἂλκιμον… 3    
    C. ἱππότα… 5                
VII. ⏑_ _… A. ἀμύμων… 6 ἀγαθοῦ… 11     ἀγαυόν… 1    
    B. δαίφρων… 4                
VIII. ⏑_⏖… A. ἀρήιος… 8 ἀμύμονος… 12     ἀρήιον… 3 ἀγακλεές… 1
                  ἀγακλυτόν… 4    
    B. διίφιλος… 4 δαίφρονος… 15     διίφιλον… 1 διοτρεφές… 5
    C.         ἀμύμονι… 2 ἀμύμονα… 9    
    D.         δαίφρονι… 7 δαίφρονα… 5 διίφιλε… 2
IX. ⏔_⏑… A.     θείοιο… 3 βασιλῆϊ… 1 βασιλῆα… 1 μεγάθυμε… 2
    B. μεγάθυμος… 3         μεγάθυμον… 2    
      πτολίπορθος… 1         πλήξιππον… 1    
    C.             κρείοντα… 1    
    D.         ἥρωϊ… 4 ἥρωα… 5    
X. ⏔_⏓… A. θεοειδής… 14 βασιλῆος… 4 βασιλῆϊ… 3 μενεχάρμην… 2    
      μενεχάρμης… 1 θείοιο… 5     βασιλῆα… 4    
                  θεοειδέα… 3    
    B.     κρατεροῖο… 1 πληξίππωι… 1 μεγάθυμον… 5    
            πτολιπόρθωι… 3 πλήξιππον… 2      
                  πτολίπορθον… 1    
    C. ἀγαπήνωρ… 1                
XI. ⏖_⏔… A. πεπνυμένος… 7 μεγαλήτορος… 13     δουρικλυτόν… 2    
      θεοείκελος… 2         θεοείκελον… 1    
      δουρικλυτός… 8                
    B. ἱππηλάτα… 5         ἀγαπήνορα… 1    
    C.     ἀγαπήνορος… 2            
    D.     μεγαθύμου… 14 μεγαλήτορι… 4 θεοειδέα… 1    
              μεγαθύμωι… 1 μεγαλήτορα… 3    
    E.             πτολιπόρθιον… 1    
XII. ⏑_⏑…       ἄνακτος… 3     ἄνακτα… 2    
XIII. ⏑_⏓…       ἄνακτος… 15 ἄνακτι… 2 ἄνακτα… 2    
XIV> ⏑_⏔… A. ὑπέρθυμος… 2 ἀγακλειτοῦ… 1 ἀρηιφίλωι… 1 ἄγακλειτόν… 1    
      ἀρηίφιλος… 2 ὑπερθύμου… 1     ὑπέρθυμον… 3    
      ἀρηιφίλου… 2 ὑπερθύμου… 1     ὑπέρθυμον 3    
            ἀρηιφίλου… 1   ἀρηίφιλον… 1    
          ἐυμμελίω… 1            
          ἀγακλῆος… 2            
    B. ἄναξ ἀνδρῶν… 6 ἐυμμελίης… 1     ἐυμμελίην… 1    
    C. μενεπτόλεμος… 5 διοτρεφέος… 4     βοὴν ἀγαθόν… 3    
      βοὴν ἀγαθός… 4                
XV. _⏔_… A. αἰχμητής… 1         αἰχμητήν… 3    
    B. ἴφθιμος… 2 ἀντιθέου… 1 ἀντιθέωι… 5 ἀντίθεον… 2    
      ἀντίθεος… 5         ἴφθιμον… 2    
                  ἱππόδαμον… 1    
    C. διογενής… 4             διογενές… 3
XVI. _ _ _ _… A. δουρικλειτός… 2         δουρικλειτόν… 1    
                  τηλεκλειτόν… 1    
XVII. _⏖_⏓… A. ἰσόθεος φώς… 5 κυδαλίμοιο… 6 ποιμένι λαῶν… 6 ποιμένα λαῶν… 12    
              χαλκοκορυστῆι… 1 θυμολέοντα… 2 κοίρανε λαῶν… 2
                  χαλκοκορυστήν… 2    
    B. ὄρχαμος ἀνδρῶν… 5 ἀντιθέοιο… 7     ὄρχαμον ἀνδρῶν… 1    
      ὄζος Ἄρηος… 5 ἀνδροφόνοιο… 2     ὄζου Ἄρηος… 2 ὄρχαμε λαῶν… 4
XVIII. ⏑_⏔_⏑… A.     ὑπερθύμοιο… 4            
    B.     βοὴν ἀγαθοῖο… 1            
XIX. ⏑_⏔_⏑… A. πεπνυμένα εἰδώς… 2 τηλεκλειτοῖο… 1            
    B. ἠύς τε μέγας τε… 2     ἠύν τε μέγαν τε… 2        
      ἀτάλαντος Ἄρηι… 1     ἀτάλαντον Ἄρηι.. 2        
XX> ⏔_⏔_⏔_⏓ A. θεόφιν μήστωρ ἀτάλαντος… 3     θεόφιν μήστωρ’ἀτάλαντον… 1        
    B. ἐπιείκελος ἀθανάτοιαι… 3     ἐπιείκελον ἀθανάτοισι… 2        
    C. βροτολοιγῶι ἷσος Ἄρηι… 2     βροτολοιγῶι ἶσον Ἄρηι… 1        
XXI. ⏑_⏔_⏔_⏓ A. Διὶ μῆτιν ἀτάλαντος… 1         Διὶ μῆτιν ἀτάλαντον… 1 Αιὶ μῆτιν ἀτάλαντε… 1
      θοῶι ἀτάλαντος Ἄρηι… 2             θοῶι ἀτάλαντον Ἄρηι… 1
    B.             ἀμύμονά τε κρατερόν τε… 2    

Il y a donc dans l’Iliade et l’Odyssée moins d’épithètes réservées à un seul héros qu’il n’y a de chants dans ces deux poèmes. C’est un nombre petit en lui-même, mais qui semble encore plus petit lorsqu’on le compare avec le nombre des épithètes génériques — 61.

***

Le Tableau III ci-contre montre la valeur métrique de toutes les épithètes appliquées à plus d’un seul héros dans Homère. Le chiffre placé après chaque forme indique non pas le nombre de héros pour lesquels l’épithète est employée à tous ses cas grammaticaux, mais seulement le nombre de ceux qui sont décrits par la forme en question.

On ne pourra bien apprécier à quel point ce système des épithètes génériques a été développé si l’on ne tient pas compte du fait qu’il est destiné à éviter non seulement l’hiatus mais encore le surallongement. Pour garder le mouvement rapide du rythme, les aèdes ont cherché à éviter, surtout à la fin du vers comme l’a remarqué Platt, la syllabe longue à la fois par nature et par position. A côté de






  Ἀγαμέμνων (37 fois)     Αἰνείας
ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγχίσης   ἄναξ ἀνδρῶν Ἐυφήτης
  Αὐγείας     Ἐύμηλος

on trouve






  Μενέλαος (20 fois)
βοὴν ἀγαθὸς  
  Διομήδης (21 fois)

A côté de







  Ἀγαμέμνων (30 fois)      
  Ἐλεφήνωρ     Ἐύμηλος
κρείων Ἐνοσίχθων (7 fois)   κρείων Ἑλικαων
  Ἐτεωνεύς     Ἀγαπήνωρ {113|114}

οn trouve









  Μενέλαος (18 fois)     Διομήδης (18 fois)
ξανθὸς ῾Ραδάμανθυς     Λυκομήδης
  Μελέαγρος   κρατερὸς Λυκόοργος
          Μεγαπένθης (2 fois)
          Πολυποίτης
          Διώρης (2 fois)

***

Sur les 164 formes d’épithètes génériques données au Tableau III il y en a 91 qui ne peuvent être remplacées par une autre forme, et 73 qui, au contraire, ressemblent au point de vue de leur valeur métrique à une autre épithète générique. Dans le cas des premières — parmi lesquelles figurent en général les épithètes les plus fréquentes — on se trouve en présence d’un système rigoureusement fixe, montrant à la fois une grande extension et l’absence complète de tout élément surperflu, ce qui indique que tout le système peut être considéré comme étant traditionnel. Il s’en suit que le système composé de ces formes est observé avec la même rigueur dans tous les vers de l’Iliade et de l’Odyssée, que ces poèmes soient l’œuvre d’un seul poète ou de plusieurs poètes ayant travaillé à différentes époques. Mais en ce qui concerne les 73 formes qui ne sont pas uniques au point de vue de la métrique, on manque de cette preuve certaine. Il est évident qu’au moins une des formes de chaque mesure doit faire partie du système, mais ce n’est qu’après avoir considéré les trois explications possibles de leur présence dans la diction de l’épos qu’on sera en mesure de savoir si elles doivent être rattachées à la tradition dans leur ensemble ou seulement en partie. (1) Dans un plus ou moins grand nombre de cas ces formes peuvent être la création originale de l’auteur ou des auteurs de l’Iliade et de l’Odyssée. (2) Elles peuvent représenter l’élément introduit dans les poèmes par les aèdes de différentes époques. L’emploi d’une forme plutôt que d’une autre forme équivalente au point de vue de la composition fournirait donc un moyen de distinguer les parties des poèmes récentes et anciennes. (3) Elles peuvent être simplement des éléments de la diction traditionnelle, où l’influence du vers n’était pas arrivée à sélec- {114|115} tionner rigoureusement une seule épithète ayant une certaine valeur métrique.

Ces épithètes génériques équivalentes, ainsi que les quelques formules nom-épithète équivalentes que l’on a remarquées au Tableau Ι, fourniront les matériaux de la discussion que l’on entamera aux chapitres suivants. Mais il ne faut pas, à cause d’elles, manquer d’apprécier l’extension et la simplicité du système. Sur neuf épithètes que Virgile emploie au nominatif pour Énée — Tros ~ pius ~ bonus ~ pater, magnus ~ heros, optimus armis ~ acer in armis, Anchisiades, Troius — sept ont des valeurs métriques équivalentes. Mais dans toute l’étendue de l’Iliade et de l’Odyssée on ne trouve aucune épithète de héros — soit générique soit spéciale — pouvant remplacer à aucun de ses cinq cas grammaticaux δῖος, qui est appliqué à 32 héros. Le fait que le poète s’est contenté d’une seule épithète ayant la mesure _ ⏑ et commençant et se terminant par une consonne simple serait remarquable même si c’était ce seul cas de ce genre. Mais il en est de même, quoique d’une manière moins frappante, pour chacune des 90 autres formes uniques des épithètes génériques. L’influence du vers, agissant au moyen de l’analogie, s’est saisie de l’artifice de l’épithète générique et l’a développé à un point qu’il est difficile au Moderne d’apprécier avec justesse, parce qu’il n’est familier avec aucune autre poésie où l’on puisse remarquer, même dans une faible mesure, l’emploi d’un artifice semblable.

***

Il est évident que l’existence dans la diction de ce système des épithètes génériques s’appliquant à n’importe quel héros doit inévitablement entraîner le choix de l’épithète, non pas selon le caractère du héros, mais selon la valeur métrique de son nom. Une recherche, faite pour voir avec exactitude à quel point les mêmes épithètes sont appliquées à deux héros dont les noms sont métriquement équivalents, nous donnera des indications précises sur ce point et servira en même temps à comparer les conclusions des deux recherches que l’on a faites sur l’emploi des formules nom-épithète et sur le choix des épithètes. Si, d’une part, on a besoin de formules nom-épithète de certaines valeurs métriques, et si, d’autre part, sauf lorsque le poète se sert d’une épi- {115|116} thète spéciale, ou d’un patronymique, il n’y a qu’une seule épithète pour chaque valeur métrique, il doit s’en suivre que, si les deux héros en question sont mentionnés assez fréquemment, ils seront décrits en grande partie par les mêmes épithètes.

Les noms des deux héros principaux de l’Iliade et de l’Odyssée ont, par hasard, une même valeur métrique. Les noms d’Achille et d’Ulysse se déclinent pareillement et tous les deux se prêtent à deux prononciations — Ὀδυσεύς ou Ὀδυσσεύς, Ἀχιλεύς ou Ἀχιλλεύς. Une comparaison entre d’autres noms serait plus complexe: Αἴας et Ἕκτωρ, par exemple, ont la même valeur métrique au nominatif, mais il faudrait comparer le génitif Ἕκτορος non pas à Αἴαντος mais à Ἀτρέος.

Homère emploie pour Achille aux cinq cas grammaticaux 46 différentes formules nom-épithète représentant autant de valeurs métriques différentes, et pour Ulysse 45 différentes formules nom-épithète représentant 44 valeurs métriques différentes. Car il n’existe des formules équivalentes que dans un seul cas: une épithète générique est employée à côté d’une épithète spéciale: Ὀδυσσῆος ταλασίφρονος ~ Ὀδυσσῆος μεγαλήτορος.

Parmi les différentes valeurs métriques de ces formules il y en a 17 qui sont communes aux deux séries. Les formules ayant les mêmes valeurs métriques sont les suivantes:

I. Quatre cas où le poète se sert d’une épithète spéciale pour chacun des deux héros.












La Mesure Les Formules Fréquence
1. 5 6 … _⏔_⏓ ἐσθλὸς Ὀδυσσεύς. 3
  ὠκὺς Ἀχιλλεύς. 5
2. 4 5 6 … ⏔_⏔_⏓ πολύμητις Ὀδυσσεύς. 83
  πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς. 31
3. 3 4 5 6 … ⏑_⏔_⏔_⏓ πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς. 38
  ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς. 21
4. Tout le vers… διογενὲς Λαερτιάδη, πολυμήχαν᾽ Ὀδυσσεῦ. 22
  ὦ Ἀχιλεῦ, Πηλῆος υἱέ, μέγα φέρτατ᾽ Ἀχαιῶν. 3 {116|117}

II. Un seul cas où le poète se sert d’un patronymique pour chacun des deux héros.






La Mesure Les Formules Fréquence
5. 3 4 5 6 … ⏔_⏒_⏒_⏓ Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος. 12
  Πηληιάδεω Ἀχιλῆος. 8

III. Quatre cas où il se sert d’une épithète spéciale ou d’un patronymique pour un des héros et d’une épithète générique pour l’autre.












La Mesure Les Formules Fréquence
6. 1 2 3 4 … ⏑_⏔_⏔_⏔ Ὀδυσσῆι μεγαλήτορι. 1
  Ἀχιλλῆι ῥηξήνορι. 1
7. Le même… Ὀδυσσῆα μεγαλήτορα. 3
  Ἀχιλλῆα ῥηξήνορα. 1
8. 2 3 4 … ⏔_⏔_⏔ Ὀδυσῆα πολύφρονα. 5
  Ἀχιλῆα δαίφρονα. 1
9. 2 3 4 5 6 … ⏔_⏔_⏔_⏔_⏓ ἀμύμονος Ὀδυσῆος ἀντιθέοιο. 1
  ἀμύμονος Ἀχιλῆος Αἰακίδαο. 1 {117|118}

IV. Huit cos où il se sert d’une même épithète générique pour les deux héros.




















La Mesure Les Formules Fréquence
10. 5 6 … _⏔_⏓ δῖος ’Oδυσσεύς. 60
  δῖος Ἀχιλλεύς. 34
11. Le même… φαίδιμ᾽ Ὀδυσσεῦ. 5
  φαίδιμ᾽ Ἀχιλλεῦ. 4
12. 3 4 5 6 … ⏑_⏔_⏔_⏓ Ὀδυσσῆoς θείοιο. 26
  Ἀχιλλῆος θείοιο. 2
13. Le même… Ὀδυσσῆι πτολίπορθον. 2
  Ἀχιλλῆι πτολίπορθον. 3
14. Le même… Ὀδυσσῆα πτολίπορθον. 2
  Ἀχιλλῆα πτολίπορθον. 3
15. 2 3 4 … ⏔_⏔_⏔ Ἀχιλῆος ἀμύμονος. 8
  Ὀδυσῆος ἀμύμονος. 2
16. Le même… Ἀχιλῆι δαίφρονι. 3
  Ὀδυσῆι δαίφρονι. 3
17. 1 2 3 4 ⏔_(⏔_⏑)⏑_⏔ Ὀδυσεὺς ⏔_⏑ διίφίλος 1
  Ἀχιλεὺς ⏔_⏑ διίφίλος 1

§ 5. — Épithètes et formules nom-épithète des héroiones

On trouve dans les épithètes appliquées aux mortelles les deux mêmes tendances que l’on vient d’étudier dans les épithètes des héros. On y peut constater d’une part le développement de l’épithète générique aux dépens de l’épithète spéciale, et d’autre part l’absence presque complète de toute épithète générique équivalente. L’extension de ce système d’épithètes génériques est naturellement moins grande que celle que l’on remarque dans le cas des héros, les femmes jouant dans Homère un rôle beaucoup plus restreint.

On rencontre quelques autres épithètes employées pour une seule mortelle; mais ceci n’est en toute probabilité qu’un hasard, comme l’indique leur caractère. Si l’on possédait une plus grande quantité de l’épos, on trouverait sans doute ces épithètes employées pour d’autres héroïnes. On en a une preuve dans les valeurs métriques de ces épithètes qui, à deux exceptions près, ἐύζωνος et ἐυστέφανος, ne répètent pas la valeur métrique d’une autre épithète générique d’héroïne, ce qui montre qu’elles font en toute probabilité partie du système de ces épithètes.

Au nominatif: κλυτός

ἐύζωνος

ἐυστέφανος

θεῶν ἀπὸ κάλλος ἔχουσα

περικαλλής

Au datif: καλλιπλοκάμωι

A l’accusatif: ἐύπεπλον

ξανθήν

ἰφθίμην

θαῦμα βροτοῖσι

περικαλλέα

γυναικῶν εἶδος ἀρίστη

Les épithètes appliquées à deux ou à plus de deux femmes sont les suivantes (le chiffre indique le nombre de femmes que décrit chaque forme): {119|120}

Au nominatif:δῖ᾽ 1

δῖα 3

καλή 4

καλλιπάρηιος 5

λευκώλενος 3

περίφρων 3

βοῶπις 3

ἠύκομος 1

θυγατρῶν εἶδος ἀρίστη 2

ἰκέλη χρυσέηι Ἀφροδίτηι 2

τανύπεπλος 2

δῖα γυναικῶν 3

ἐυπλόκαμος 2

Au génitif:καλλισφύρου 2

ἠυκόμοιο 2

καλλικόμοιο 2

Au datif: λευκωλένωι 1

τανυπέπλωι 1

δίηι 1

A l’accusatif:λευκώλενον 2

καλήν 2

καλλιπάρηιον 3

θυγατρῶν εἶδος ἀρίστην ν 3

Parmi les 37 formes différentes d’épithètes génériques des héroïnes toutes sauf 5 ont une valeur métrique unique et ne pourraient pas être remplacées par une autre épithète générique.

Comme pour les héros, on relève des séries de formules nom-épithète où des noms propres de mesure identique sont joints à une même épithète:












  Ἀδρηστίνη
περίφρων Πηνελόπεια
  Εὐρύκλεια
  Ἀκρισιώνης
καλλισφύρου  
  Εὐηνίνης
  Πολυδώρη
καλὴ Πολυκάστη
  Πολυμήλη

On peut constater pour λευκώλενος le même emploi indépendant de l’épithète que pour δουρικλυτός: λευκώλενος sert de la même façon à remplir le vers entre la penthémimère et la diérèse bucolique lorsque cela peut rendre la versification plus facile au poète.

Ζ 377 πῆι ἔβη Ἀνδρομάχη λευκώλενος ἐκ μεγάροιο


peut être comparé avec

σ 198 ἦλθον δ᾽ ἀμφίπολοι λευκώλενοι ἐκ μεγάροιο
τ 60 ἦλθον δὲ δμωιαὶ λευκώλενοι ἐκ μεγάροιο
Γ 121 Ἶρις δ᾽ αὖθ᾽ Ἑλένηι λευκωλένωι ἄγγελος ἦλθεν {120|121}


peut être comparé avec

Ω 194 δαιμονίη, Διόθεν μοι Ὀλύμπιος ἄγγελος ἦλθε
μ 374 ὠκέα δ᾽ Ἠελίωι Υπερίονι ἄγγελος ἦλθε


etc.

ἠυκόμοιο et καλλικόμοιο servent dans le même but après la diérèse bucolique et sont employées d’une manière analogue à ἱπποδάμοιο et à κυδαλίμοιο (cl. p. 83).

§ 6. — Épithètes et formules nom-épithète des peuples

Certaines autres épithètes qui ne sont employées que pour un {121|122} seul peuple ne peuvent pourtant pas être considérées comme spéciales. Si elles n’en désignent qu’un seul, c’est que, hors les Troyens et les Achéens les autres peuples ne jouent pas un rôle bien important dans Homère. Ces épithètes ne fournissent aucune indication particulière sur les peuples qu’elles décrivent, et le fait que leurs valeurs métriques ne se rencontrent pas parmi les autres épithètes génériques des peuples peut être regardé comme preuve qu’elles sont également génériques.

Au nominatif: ἑλίκωπες

ἀγχιμαχηταί

φαιδιμόεντες

ἐυκνήμιδες

* μήστωρες ἀυτῆς

* θεράποντες Ἄρηος

* μενεπτόλεμοι

Au génitif: ἀγχεμάχων

Au datif:* κυδαλίμοισιν

θωρηκτῆισιν

A l’accusatif: ἑλίκωπας

ἐυκνήμιδας

* θεράποντας Ἄρηος

Les 11 épithètes différentes qui, dans la liste précédente et dans la liste suivante sont marquées d’un astérisque, s’appliquent déjà à des héros individuels. C’est là un aspect très caractéristique de la tendance qu’avaient les aèdes à économiser sur les épithètes. De même certaines épithètes employées pour les dieux et pour les déesses sont également appliquées aux mortels.

Les épithètes employées par Homère pour décrire deux ou plusieurs peuples sont les suivantes:

Au nominatif: μένεα πνείοντες 2

* ἐγχεσίμωροι 1

χαλκοχίτωνες 1

* μεγάθυμοι 3

* αἰχμηταί 1

* ἱπποκορυσταί 1

* μεγαλήτορες 3

* δῖοι 2 {122|123}

ἱππόδαμοι 2

* κέντορες ἵππων 2

* ἀγαυοί 2

Au génitif:* μεγαθύμων 5

* αἰχμητάων 5

ἀσπιστάων 4

χαλκοχιτώνων 4

ἀγερώχων 2

πύκα θωρηκτάων 2

μεγαθύμων ἀσπιστάων 2

* ἐγχεσιμώρων 1

* ἱπποδάμων 1

φιλοπτολέμων 1

* ἀγαυῶν 1

Au datif: φιλοπτολέμοισι 3

φιλοπτολέμοισιν 2

* ἱπποδάμοις 1

* ἱπποδάμοισι 1

* ἱπποδάμοισιν 1

* ἀντιθέοισιν 2

A l’accusatif:* μεγαθύμους 2

μένεα πνείοντας 1

χαλκοχίτωνας 1

* μεγαλήτορας 1

ἱπποκορυστάς 1

Sur les 46 formes différentes d’épithètes génériques des peuples il y en a donc 4 qui ne sont pas uniques au point de vue de leurs valeurs métriques: ἱπποδάμοισιν ~ ἀντιθέοισιν, qui rappelle ἱπποδάμοιο ~ ἀντιθέοιο que l’on a remarqué parmi les épithètes génériques des héros; et αἰχμητάων ~ ἀσπιστάων.

***

Tableau IV. — Formules nom-épithete des Achéens, types principaux.













5 6 _⏔_⏓ 4 5 6 ⏔_⏔_⏓ 3 4 5 ⏑_⏔_⏔_⏓
υἷες Ἀχαιῶν… 6 μεγάθυμοι Ἀχαιοί… 3 ἐυκνήμιδες Ἀχαιοί… 18
κοῦροι Ἀχαιῶν… 9 κούρητες Ἀχαιῶν… 1 κάρη κομόωντες Ἀχαιοί… 17
δῖοι Ἀχαιῶν… 8 Δαναοὶ ταχύπωλοι… 1    
λαὸς Ἀχαιῶν… 4 ἥρωες Ἀχαιοί… 2    
    ἑλίκωπες Ἀχαιοί… 3    
* Δαναῶν ταχυπώλων… 9 Ἀχαιῶν χαλκοχιτώνων… 24
Ἀργείοισιν… 6        
υἷας Ἀχαιῶν… 2 ἥρωας Ἀχαιῶν… 7 ἐυκνήμιδας Ἀχαιούς… 10
λαὸν Ἀχαιῶν… 1 ἑλίκωπας Ἀχαιούς… 3 κάρη κομόωντας Ἀχαιούς… 20

L’emploi de λαόν et de υἷας avec Ἀχαιῶν rend possible l’emploi des formules objet après la diérèse bucolique, κοῦροι Ἀχαιῶν, évidemment, est une formule équivalente de δῖοι Ἀχαιῶν. Mais l’expression λαὸς Ἀχαιῶν, quoique sa valeur métrique soit la même, n’équivaut pas à ces deux autres expressions, puisqu’elle permet à l’aède d’employer des formes du verbe au singulier, surtout celles en -ετο ou -ατο là où les formes plurielles n’auraient pu trouver place.

Une formule nom-épithète au génitif après la diérèse bucolique ne peut être créée avec aucun des trois noms. La formule nom-épithète au génitif après l’hepthémimère existe seulement grâce à Δαναῶν. Mais le fait que les aèdes se sont servis de ces trois noms pour en faire des formules nom-épithète n’est pas ce qu’il y a ici d’important. Ce qu’il y a de remarquable c’est précisément que Ἀχαιοί accuse un emploi très fréquent de l’épithète tandis que Ἀργεῖοι et Δαναοί, en dehors des deux formules citées n’en sont guère accompagnées. Outre Δαναῶν ταχυπώλων il n’y a qu’une seule formule nom-épithète paraissant plus de deux fois dans les poèmes où le poète s’est servi de Ἀργεῖοι ou {124|125} de Δαναοί. C’est le vers formule qui sert à interpeller l’armée achéenne au vocatif:

ὦ φίλοι ἥρωες Δαναοί, θεράποντες Ἄρηος (4 fois)

Les trois noms sont employés, à tous leurs cas, comme suit:







  Αvec Épithète Sans Épithète
Ἀχαιοί… 197 415
Δαναοί… 22 114
Ἀργεῖοι… 7 148


Il est évident que le poète se sert ou se passe de l’épithète selon son utililité pour la versification, celle-ci dépendant de la mesure du substantif.

§ 7. — limites de l’application de la méthode de recherche.

Lorsqu’on abandonne les épithètes des personnages et des peuples pour s’occuper de celles qui sont employées pour d’autres substantifs, on se trouve aussitôt en présence de certaines difficultés ne permettant plus de tirer de l’application de la méthode de recherche suivie jusqu’ici des conclusions aussi sûres. On en trouve la raison dans ce fait que, sauf dans le cas des formules se rapportant aux personnages et aux peuples — et ces derniers, à un certain point de vue. peuvent être considérés aussi comme des personnages — on ne peut distinguer de système ni de formules nom-épithète ni d’épithètes assez étendu pour prouver que le système est traditionnel dans sa totalité. Certes on peut relever en abondance dans les noms de pays et dans les noms communs maint système de formules nom-épithète et d’épithètes qui, dans son ensemble, est bien trop étendu pour avoir pu exister dans les vers d’un poète usant d’une diction originale. Mais cette extension n’est pas telle que l’on puisse en conclure en toute certitude que le fait de posséder une mesure unique prouve le caractère traditionnel de telle épithète ou de telle formule nom-épithète particulière. Lorsque, par exemple, il s’agit d’une épithète générique de héros, de δαίφρονος qui est dite de 15 héros, ou de μεγαλήτορος qui est dite de 13 héros, le fait que l’épithète seule possède l’une des {125|126} 21 valeurs métriques différentes que présentent, au génitif, les épithètes génériques des héros, peut être regardé comme preuve certaine que celles-ci font partie intégrale d’un système traditionnel d’épithètes. De même une preuve certaine du caractère traditionnel de πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς est fournie par le fait que cette formule est d’une part unique au point de vue mètre parmi les 14 formules nom-épithète employées au nominatif pour ce héros et qu’elle possède, d’autre part, la même valeur métrique qu’un très grand nombre d’autres formules nom-épithète de héros dont nous avons remarqué 40 différentes (pp. 11-15). Mais lorsqu’on cherche à se rendre compte si les épithètes εὐρυάγυια ou τειχιόεσσαν, par exemple, sont traditionnelles ou originales, si elles sont génériques ou spéciales, on ne peut pas avoir la même certitude. Les différentes épithètes des villes qui sont certainement génériques ne sont, aux cinq cas, qu’au nombre de sept [15] . Ainsi le fait que parmi ces sept épithètes εὐρυάγυια et τειχιόεσσαν sont uniques au point de vue du mètre n’est qu’une indication probable de leur caractère. Il en est de même pour les formules nom-épithète dans lesquelles on rencontre ces deux épithètes:

Δ 52 Ἄργος τε Σπάρτη τε καὶ εὐρυάγυια Μυκήνη
Β 141 = I 28 oὐ γὰρ ἔτι Τροίην αἱρήσομεν εὐρυάγυιαν
η 80 ἵκετο δ᾽ ἐς Μαραθῶνα καὶ εὐρυάγυιαν Ἀθήνην
Β 559 οἳ δ᾽ Ἄργος τ᾽ εἶχον Τίρυνθά τε τειχιόεσσαν
Β 646 οἳ Κνωσόν τ᾽ εἶχον Γόρτυνά τε τειχιόεσσαν

Si l’on pouvait montrer que dans le cas des villes il existe certains types fréquents de formule nom-épithète, servant à adapter la phrase à l’hexamètre, on trouverait probablement que εὐρυάγυια Μυκήνη et εὐρυάγυιαν Ἀθήνην, possédant la mesure d’un des types principaux, peuvent être regardées comme des formules traditionnelles. De même si τειχιόεσσαν et εὐρυάγυιαν étaient employées un peu plus fréquemment après la diérèse bucolique, comme dans quatre des vers cités, on pourrait peut-être démontrer {126|127} qu’elle s’emploie d’une manière analogue à ποιμένα λαῶν et à ὄρχαμον ἀνδρῶν (cf. p. 83). Mais ces preuves manquent dans Homère et par conséquent si l’on peut considérer comme presque sûr que les formules et les épithètes en question font partie de la technique traditionnelle de la diction, une telle conclusion doit rester, dans une certaine mesure, une hypothèse.

C’est donc le peu d’étendue de l’œuvre d’Homère qui nous empêche d’établir des systèmes certains de formules nom-épithète et d’épithètes génériques dans le cas des noms de pays. Il est important de se rendre compte de ce fait que l’étendue des poèmes impose des limites rigoureuses à l’étude de la technique des formules. Il est évident, par exemple, que seule la longueur de l’Iliade et de l’Odyssée a permis, d’une part, de décrire avec quelque ampleur l’utilité pour la versification des formules nom-épithète des héros et, d’autre part, de relever le système, qui semble être à peu près complet, des épithètes génériques des héros. Car s’il ne nous restait que le quart, par exemple, de ce que nous possédons d’Homère, nous n’aurions pas pu signaler en si grand nombre les différentes façons dont servent les formules nom-épithète des héros des types principaux, et les formules que nous aurions pu signaler n’auraient pas si bien montré la variété des valeurs métriques qui fait partie essentielle de la preuve. De même on n’aurait trouvé, par exemple, dans la première moitié de l’Odyssée — qui pour le nombre de héros différents y figurant ne peut être comparée avec l’Iliade — qu’une faible partie des épithètes de héros que nous avons pu mettre au Tableau III et, de plus, dans un grand nombre de cas, on n’aurait pas su en toute certitude, si telle épithète, employée pour un seul héros, doit être regardée comme spéciale ou comme générique. C’est seulement parce que l’Iliade et l’Odyssée ont une certaine longueur, et que les héros y tiennent la plus grande place, que nous possédons pour ceux-ci l’abondance de formules nom-épithète permettant de démontrer avec certitude que certaines formules et certaines épithètes font partie essentielle de la diction épique. Tout de même c’est parce que les poèmes ne sont pas plus longs, et que les villes qui y sont mentionnées sont si peu nombreuses, que nous sommes incapables de relever pour celles-ci des systèmes assez complexes pour être sûrement traditionnels dans leur totalité. {127|128}

***

A ces restrictions que le peu d’étendue des poèmes homériques impose à la méthode qu’on a suivie dans la recherche de l’élément traditionnel s’en ajoute une autre dans le cas des noms communs, dérivant du fait que les noms communs ne se rangent pas, comme les noms propres, dans un petit nombre de catégories. Comme nous l’avons dit, la richesse d’une série de formules d’un certain type dépend uniquement de la fréquence avec laquelle le poète a besoin d’exprimer une certaine catégorie d’idées. Lorsque, par exemple, il s’agit d’un assez grand nombre de noms propres tombant tous dans la catégorie héros, on trouve des séries, parfois fort longues, de formules nom-épithète présentant une même valeur métrique à un cas grammatical donné et permettant ainsi de reconnaître avec certitude un type traditionnel de formules. De même l’existence du système d’épithètes génériques de héros donné au Tableau III provient évidemment de ce qu’un grand nombre de noms propres tombent dans cette catégorie de héros. Or, il n’en est pas de même pour les noms communs. A peu d’exceptions près l’idée exprimée par chaque nom commun n’a aucun rapport avec les idées exprimées par d’autres noms, qu’ils soient propres ou communs. Il est bien difficile de voir, par exemple, comment on pourrait mettre d’autres noms dans la même catégorie que cheval, ou mer, ou bouclier, et comment on s’y prendrait pour chercher des expressions analogues à celles décrivant ce que font ou ce que subissent le cheval, ou la mer, ou le bouclier. Les actions des chevaux ne sont guère celles des héros. On ne fait pas avec un bouclier ce que l’on fait avec un navire, avec une épée, bref avec un autre objet quelconque. Et les caractéristiques de la mer ne permettent pas que les épithètes qui lui sont appliquées soient attribuées à autre chose. Parfois, il est vrai, on trouve un certain fonds commun d’idées entre certaines expressions et même entre certains noms. Le poète dit il alla aux navires, comme il dit il alla à Ilion, et on trouve en effet ἔβη κοίλας ἐπὶ νῆας et ἔβη προτὶ Ἴλιον ἵρην. L’épithète ἀτρυγέτοιο se dit de l’air aussi bien que de la mer; κλυτά se dit des armes, des maisons, des races humaines, des cadeaux. Mais une telle ressemblance d’idées {128|129} entre les expressions où apparaissent les différents noms communs et entre les différents noms communs eux-mêmes est plutôt exceptionnelle.

Il arrive donc que dans le cas des noms communs on en est réduit à se limiter, dans la recherche, aux formules nom-épithète ou aux épithètes employées pour un seul nom. C’est comme si, pour déterminer quelles formules nom-épitliète d’Ulysse doivent être rattachées à la tradition on avait comme témoignage le seul fait que sur 46 formules nom-épithète de ce héros 44 ont, aux cinq cas, des valeurs métriques uniques. Dans le cas du nom d’Ulysse on se trouve certainement en présence d’un système beaucoup trop simple et trop étendu pour pouvoir exister dans les vers d’un poète usant d’une diction originale. Le témoignage qui a été fourni sur ce point par le manque presque complet dans Virgile et dans Apollonius de tout ce qui pourrait être regardé comme le système le plus simple de formules nom-épithète est concluant. Mais les systèmes de formules nom-épithète que l’on peut relever dans le cas des noms communs ne présentent pas toujours une extension et une simplicité qui montrent que ces systèmes doivent être tout entiers traditionnels. Si l’on a souvent la preuve pour l’ensemble, on ne l’a pas toujours pour chaque élément. Car ces systèmes ne sont que rarement assez étendus, pour que l’on puisse conclure en toute certitude que telle formule, étant seule à posséder une certaine valeur métrique à un cas donné, est traditionnelle. Dans le cas du navire, νηῦς, on a un système de formules dont l’extension est suffisante à prouver qu’il est entièrement traditionnel, et souvent, comme dans le cas de formules telles que μερόπων ἀνθρώπων (10 fois), θνητῶν ἀνθρώπων (7 fois), μώνυχες ἵπποι (8 fois), ὠκέες ἵπποι (11 fois), etc., on a dans la fréquence de la formule une indication de plus de son caractère traditionnel. Mais lorsqu’il s’agit de formules telles que ἵπποι ἀερσίποδες (2 fois), ou ἵππους ὠκύποδας (1 fois), qui présentent des valeurs métriques uniques parmi les formules nom-épithète du cheval, cette preuve manque et la seule conclusion à laquelle on puisse s’arrêter est que ces deux formules appartiennent très probablement à la tradition.

Il est évident alors qu’en dehors des formules nom-épithète et des épithètes des héros on est forcé de renoncer à l’analyse quantitative. C’est là le seul cas où l’étendue des poèmes et, la {129|130} fréquence de certaines catégories d’idées nous fournissent une abondance et une variété de matières suffisantes pour tenter une telle analyse sans avoir à faire une trop grande part à l’hypothèse. Mais si l’on ne peut délimiter exactement, parmi les épithètes des noms de pays et des noms communs, la part qui nous vient de la tradition, il est toujours possible de reconnaître dans les noms employés avec un peu de fréquence l’importance des formules nom-épithète tombant justement entre une césure et une extrémité du vers et les artifices de composition auxquels se prêtent les plus fréquentes de ces formules. On est obligé de se borner à une description des artifices saillants auxquels sert l’épithète, mais cette description a sa valeur propre, car elle laisse voir comment la technique des formules s’adapte à l’expression de la grande variété d’idées que doit exprimer la poésie héroïque. On trouvera, par exemple, que dans certains cas la nécessité d’employer des prépositions avec un substantif a donné lieu à des systèmes de formules nom-épithète-préposition; que pour l’expression de certaines autres catégories d’idées il existe des systèmes de formules nom-épithète-verbe; que pour tel autre substantif les circonstances spéciales de son emploi ont déterminé le manque complet de formules d’une certaine mesure à certains cas grammaticaux. Bref, on verra comment cette technique se conforme à l’immense complexité des idées que doivent exprimer les aèdes dans leurs hexamètres héroïques.

***

Le chemin que nous avons suivi dans ce travail paraît être le seul qui soit possible dans l’étude de la technique des formules. Prenant pour sujet les formules d’une certaine catégorie, celles qui contiennent des épithètes fixes, nous avons pris comme point de départ de cette étude celles qui sont à la fois les plus fréquentes et qui sont employées de la manière la plus simple: les formules nom-épithètes qui, en achevant à la fois la phrase et le vers, fournissent le sujet grammatical pour l’expression de l’idée qui est sans aucun doute la plus fréquente dans l’épos — tel personnage fit telle chose. Puis nous avons retracé la technique de l’emploi de l’épithète fixe dans des formules servant à exprimer des idées de plus en plus spéciales et de plus en plus {130|131} complexes jusqu’à ce que nous soyons arrivés à un point où la rareté des formules, c’est-à-dire la spécialité des idées, ne permet plus de se prononcer avec certitude sur leur origine. C’est la même voie que sera forcée de suivre toute étude des autres catégories de formules. Partant de l’emploi fréquent de certaines formules pour lesquelles on pourra facilement établir des systèmes, on atteindra toujours un point où on sera obligé, par raison de la complexité des idées, de renoncer à pousser la recherche plus loin. Il est même certain que l’étude d’aucune autre catégorie de formules ne pourra être poursuivie aussi loin que celle des formules nom-épithète des héros, qui sont à la fois les plus simples et les plus fréquentes de toutes les formules. Or, doit-on étendre à toute la diction d’Homère la conclusion que nous avons pu tirer de l’étude des formules nom-épithète, au nominatif, des sept héros principaux — qu’aucune d’elles ne semble être originale? Il est évident qu’il n’est pas possible de répondre avec certitude à cette question, car ces formules nom-épithète des héros, servant à exprimer l’idée la plus fréquente de l’épos, celle de tel héros, pourrait être par conséquent plus nettement déterminée que d’autres expressions exprimant des idées plus rares. Il est certainement plus prudent de se contenter de ce que l’on peut savoir avec certitude que de chercher plus loin en se servant de l’hypothèse impossible à vérifier. Nous aurons poussé cette étude assez loin si nous montrons comment, pour exprimer une certaine partie des idées variées de la poésie héroïque, les aèdes se servaient d’une technique de formules s’adaptant à l’expression de ces idées en hexamètres. Dans les pages suivantes formant la conclusion de ce chapitre, nous nous bornerons donc à montrer qu’il existe certaines formules pour exprimer différentes catégories d’idées qui n’ont rien de commun avec les actions faites ou subies par les personnages.

§ 8. – Formules préposition-nom-épithète et nom-épithète-verbe employées pour certains noms de pays.

En étudiant les épithètes des personnages et des peuples, il suffisait de considérer les formules composées d’un nom et d’un ou plusieurs mots épithétiques. De temps à autre il arrive au poète d’employer une préposition avec un nom de {131|132} héros, mais cela ne se reproduit pas assez fréquemment pour que les aèdes aient eu grand besoin de séries de formules nom-épithète-préposition. On trouve, en effet, que les épithètes de héros employées dans de telles formules sont presque toutes des épithètes génériques du genre de celles qui, tombant entre deux coupes ou entre une coupe et la fin du vers, ont une existence indépendante de la formule d’une certaine valeur métrique (cf. pp. 80 ss.). Il en est ainsi pour tous les cas sauf deux, dans lesquels le poète se sert d’une expression préposition-nom-épithète pour Ulysse, ainsi:








γ 163 ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα ἄνακτα  
χ 115 ἔσταν δ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα  
χ 202 βήτην εἰς Ὀδυσῆα δαίφρονα ποικιλομήτην
χ 281 τοὶ δ᾽ αὖτ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα  
Λ 482 ὥς ῥα τότ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα  

φ 223 κλαῖον ἄρ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσῆι δαίφρονι χεῖρε βαλόντε
α 48 ἀλλά μοι ἀμφ᾽ Ὀδυσῆι δαίφρονι δαίεται ἦτορ
π 100 ἢ πάις ἐξ Ὀδυσῆος ἀμύμονος ἠὲ καὶ αὐτὸς
ε 149 ἡ δ᾽ ἐπ᾽ Ὀδυσσῆα μεγαλήτορα πότνια νύμφη
Λ 419 ὥς ῥα τότ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα διίφιλον ἐσσεύοντο
θ 502 Ἀργεῖοι, τοὶ δ᾽ ἤδη ἀγακλυτὸν ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα

Sur deux cas où le poète emploie pour Ulysse une expression préposition-nom-épithète possédant une épithète tombant ailleurs qu’entre une des césures du troisième pied et la diérèse bucolique ou la fin du vers, l’un montre le souvenir de ἀγακλυτὸν ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα.

ω 409 ὣς δ᾽ αὔτως παῖδες Δολίου κλυτὸν ἀμφ᾽ Ὀδυσῆα


Dans l’autre cas on a une expression nom-épithète qui est le plus souvent précédée de καί (cf. A 264, Θ 275, Κ 112, etc.), constituant ainsi un type fixe de formule conjonction-nom-épithète. Leur mesure permettant de substituer la plupart des prépositions à καί, il en résulte que le poète a ici un type de formule qu’il faut classer comme conjonction ou préposition-nom-épithète.

β 17 καὶ γὰρ τοῦ φίλος υἱὸς ἅμ᾽ ἀντιθέωι Ὀδυσῆι


peut être comparé avec

θ 518 βήμεναι ἠύτ᾽ Ἄρηα σὺν ἀντιθέωι Μενελάωι
Υ 407 αὐτὰρ ὁ βῆ σὺν δουρὶ μετ᾽ ἀντίθεον Πολύδωρον


etc. {132|133}

Dans le cas des noms de pays, au contraire, comme dans le cas de nombreux noms communs, il est très souvent besoin d’employer des prépositions, et l’on trouve par conséquent, à côté des séries de formules nom-épithète, d’autres séries de formules préposition-nom-épithète aussi importantes ou même plus importantes que celles-là. Les formules de ce genre pour les noms de pays qui sont les plus communes sont celles qui tombent après les césures du troisième pied et entre le commencement du vers et la penthémimère (cf. le Tableau V, p. 134).

La nécessité souvent répétée d’exprimer l’idée de l’arrivée à un certain endroit a donné naissance à une série de formules où figurent des formes des verbes ἱκάνω, ἱκνεύμεναι, et ἵκω. Les formes de la mesure ⏒_⏒, qui peuvent tomber à la fin du vers ou avant les césures du troisième pied, sont les plus fréquentes. On trouve avec cette mesure:

I.de ἱκάνω: ἱκάνεις, ἱκάνει, ἵκανον, ἵκανε(ν).

II.de ἵκω: ἵκωμι.

III.de ἱκνεύμεναι: ἵκεσθον, ἱκέσθην, ἵκοντο, ἵκωμαι, ἵκηαι, ἵκηται, ἵκησθε, ἵκωνται, ἱκοίμην, ἵκοιο, ἵκοιτο, ἵκοισθε, ἱκέσθω, ἵκεσθαι, ἀφῖχθαι.

Cet artifice a d’autant plus de souplesse qu’après ces trois verbes les prépositions εἰς et ἐπὶ peuvent se remplacer ou peuvent être omises. On trouve à la fin du vers:
















  ἱκέσθην
Τροίην δ᾽ ἐρίβωλον  
  ἵκοντο
Σχερίην ἐρίβωλον   ἵκοιτο
Ἰθάκης ἐς δῆμον   ἵκηται
πολυδίψιον Ἄργος  
Φθίην ἐρίβωλον ἱκοίμην
κλυτὸν Ἄργος  
cf. κλισίην ἐύτυκτον  
δόμον περικαλλέ᾽ ἵκανε
εἰς οὐρανὸν εὐρὺν  
τὰ νείατα πείραθ᾽   ἵκηαι
θοὰς ἐπὶ νῆας   ἵκοιτο

Lorsque ces formes du verbe sont placées avant une des césures du troisième pied, le poète a besoin de formules pour achever le vers. On trouve: {133|134}

Tableau V. — Formules préposition-nom-épithète employées pour certains noms de pays, types principaux.



















προτὶ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν… 5 Τροίηι εὐρείηι… 4 Ἴλιον εἰς ἱερήν… 1
ποτὶ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν… 1 κατὰ Τροίην ἐρίβωλον… 1    
ὑπὸ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν… 1     Τροίηι ἐν εὐρείηι… 4
        δήμου ἀπὸ Τρώων… 7
        δήμωι ἔνι Τρώων… 8
Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον… 2     ἐν δήμωι Ἰθάκης…  
μυχῶι Ἄργεος ἱπποβότοιο… 2 ἐν Ἄργεί περ πολυπύρωι… 1 Ἄργος ἐς ἰππόβοτον… 4
ἑκὰς Ἄργεος ἱπποβότοιο… 2 ἀπ᾽ Ἄργεος ἱπποβότοιο… 2 Ἄργος ἀν᾽ ἱππόβοτον… 1
Πυθοῖ ἔνι πετρηέσσηι… 1     Πυθοῖ ἐν ἠγαθέηι… 1
Λακεδαίμονος ἐξ ἐρατεινῆς… 1 ἐνὶ Σπάρτηι εὐρείηι…      
Σπάρτην ἐς καλλιγύναικα… 1        
    ἀπ᾽ αἰγλήεντος Ὀλύμπου… 2    
    κατ᾽ Οὐλύμπου νιφόεντος… 1    
    κατὰ πτύχας Οὐλύμποιο… 1    
ἐκ Πύλου ἠμαθόεντος… 1 Πύλωι ἔνι μητέρι μήλων… 1 ἐν Πύλωι ἠγαθέηι… 1
        ἐς Πύλον ἠγαθέην 4{134|135}






θ 47   ἵκανεν  
O 151 Ἴδην δ᾽ ἵκανον πολυπίδακα, μητέρα θηρῶν
Ξ 283   ἱκέσθην  






Θ 456 ἃψ   ἵκεσθον  
    ἐς Ὄλυμπον   ἵν᾽ ἀθανάτων ἕδος ἐοτίν
Ε 360 ὄφρ᾽   ἵκωμαι  






Ε 367 αἶψα δ᾽ ἔπειθ᾽ ἵκοντο  
    θεῶν ἕδος, αἰπὺν Ὄλυμπον
Ε 868 καρπαλίμως δ᾽ ἵκανε  

ο 193 αἶψα δ᾽ ἔπειθ᾽ ἵκοντο Πύλου αἰπὺ πτολίεθρον
cf. I 414 εἰ δέ κεν οἴκαδ᾽ ἵκωμι φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
Β 17 = 68 καρπαλίμως δ᾽ ἵκανε θοὰς ἐπὶ νῆας Ἀχαιῶν








Ζ 370 = 497 αἶψα δ᾽ ἔπειθ᾽ ἵκανε  
ρ 85 = 178 αὐτὰρ ἐπεί ῥ᾽ ἵκοντο  
    δόμους εὖ ναιετάοντας
ω 362 οἱ δ᾽ ὅτε δή ῥ᾽ ἵκοντο  
Λ 769 Πηλῆος δ᾽ ἱκόμεσθα  

§ 9. – Formules nom-épithète et nom-épithète-préposition du navire.

L’importance des navires dans l’épos a été cause de la formation du système de formules qui est sans doute le plus complexe de tous les systèmes créés pour les noms communs, et l’Iliade et l’Odyssée paraissent nous fournir la plupart des formules constituant ce système. Le tableau VI (pp. 136-137) montre qu’en ce qui concerne le navire les aèdes avaient, pour remplir le vers entre les coupes et les extrémités, deux séries distinctes de formules, celles qui contiennent une préposition et celles qui n’en contiennent pas. Dans certains cas la formule nom-épithète a servi à former, par la simple addition de la préposition, une formule d’une autre mesure. Ainsi νῆας ἐίσας, et νῆα μέλαιναν qui servent après la diérèse bucolique ont donné κατὰ νῆας ἐίσας et ἐπὶ νῆα μέλαιναν qui servent après l’hepthémimère. Mais dans la plupart des cas la formule nom-épithète-préposition a été créée exprès pour contenir la préposition et sans celle-ci elle serait peu ou ne serait point utile à la facture des vers.

Le tableau fait ressortir nettement les deux caractéristiques d’un système de formules: on voit d’une part qu’il existe, aux différents cas du singulier et du pluriel, des séries de formules de certaines mesures, et d’autre part que la plupart de ces formules {135|136}

Tableau VI. — Formules nom-épithète et nom-épithète-préposition du navire ; types principaux.









































5 6 _⏔_⏓   4 5 6 ⏔_⏔_⏓   3 4 5 6 ⏑_⏔_⏔_⏓   1 2 3 ⏑_⏔_⏔_⏑   3 4 5 6 _ _⏔_⏔_⏓  
ὠκύαλος νηῦς… 2                
ποντόπορος νηῦς… 4                
νηῦς εὐεργής… 3                
νηὸς ἐίσης… 5 νεὸς ἀμφιελίσσης… 5 νεὸς κυανοπρώιροιο… 8     νηὸς κυανοπρώιροιο… 3
νηὶ μελαίνηι… 8 μεγακήτει νηί… 1     νηὶ πολυκλήιδι… 3    
νῆα μέλαιναν… 9 εὐεργέα νῆα… 8            
    περικαλλεα νῆα… 1            
[νῆες Ἀχαιῶν]… 4                
νῆες ἐῖσαι… 1                
*                  
νηυσὶ θοῆισι… 1 νήεσσι θοῆισιν… 2            
νηυσὶν ἐίσηις… 1                
[νηυσὶν Ἀχαιῶν] … 2                
[νῆας Ἀχαιῶν]… 3 νέας ἀμφιελίσσας… 4 νέας κυανοπρωιρείους… 1 νῆας ἐυσσέλμους… 7    
νῆας ἐίσας… 11     [νέας Δαναῶν ταχυπώλων] … 1      {136|137}  
    κοίλης ἐπὶ νηός… 2 νεὸς προπάροιθε μελαίνης… 1 νηὸς ὑπὲρ γλαφυρῆς… 1 κοίλης ἐπὶ νηὸς ἐίσης… 1
        ἐυσσέλμου ἐπὶ νηός… 3 νηὸς ἐπὶ γλαφυρῆς… 1    
        θoῆς παρὰ νηὸς ἐίσης… 1        
    ἐν νηὶ μελαίνηι… 3 θοῆι παρὰ νηὶ μελαίνηι… 2 ἐν νηὶ γλαφυρῆι… 1 κοίληι παρὰ νηὶ μελαίνηι. . . 2
    παρὰ νηὶ μελαίνηι… 1 θοῆι ἐνὶ νηὶ μελαίνηι… 1        
    σὺν νηὶ μελαίνηι… 1 θοῆι σὺν νηὶ μελαίνηι… 1        
    κοίληι παρὰ νηί… 1 ἐυσσέλμωι ἐπὶ νηί… 1        
        ἐυσσέλμωι ἐνὶ νηί… 1        
    ἐπὶ νῆα μέλαιναν… 3 θοῆν ἀνὰ μέλαιναν… 1 νῆα παρὰ γλαφυρήν… 1    
    περὶ νῆα μέλαιναν… 2 θοῆν ἐπὶ μέλαιναν… 1        
        ἐυσσέλμων ἀπὸ νηῶν… 1        
        ἐυσσέλμων ἐπὶ νηῶν… 2        
        μελαινάων ἀπὸ νηῶν… 3        
        μελαινάων ἐπὶ νηῶν… 4        
    κοίληις ἐνὶ νηυσίν… 5 νέεσσ᾽ ἐν ποντοπόροισιν… 1 νηυσὶν ἐπὶ γλαφυρῆις… 1 ἐν ποντοπόροισι νέεσσι… 2
    παρὰ νηυσὶ θοῆισιν… 3 [θοῆις ἐπὶ νηυσὶν Ἀχαιῶν]… 1 [νηυσὶν ἐπ᾽ Ἀργείων]… 1    
    παρὰ νηυσὶν Ἀχαιῶν… 1            
    ἐπὶ νηυσὶν Ἀχαιῶν 4            
    κοίλας ἐπὶ νῆας… 11 [θοὰς ἐπὶ νῆας Ἀχαιῶν]… 10 νῆας ἀνὰ γλαφυράς… 15 κοίλας ἐπὶ νῆας Ἀχαιῶν… 3
    κατὰ νῆας ἐίσας… 1 νῆας ἐπὶ γλαφυράς… 3        
    παρὰ νῆας Ἀχαιῶν… 1     [νῆας ἐπ᾽ Ἀργείων]… 1    
    ἐπὶ νῆας Ἀχαιῶν… 6          {137|138}  

***

Les 23 épithètes du navire fournissent dans Homère 70 formes différentes dont deux seulement δολιχηρέτμοιο (2 fois) et κυανοπρώιροιο (12 fois), pourraient être remplacées par une des autres:

Nom.γλαφυφή (1)

εὐεργής (3)

ποντόπορος (4)

ὠκύαλος (2)

κοίλη (1)

θοή (1)

Gén.ἀμφιελίσσης (5)

γλαφυρῆς (11)

δολιχηρέτμοιο (2)

κυανοπρώιροιο (12)

ἐίσης (5)

ἐυζύγου (1)

ἐυσσέλμου (-οιο) (6)

θοῆς (3)

θοήν (30)

κοίλην (3)

μέλαιναν (21)

περικαλλέα (2)

Nom.γλαφυραί (4)

ἐύζυγοι (1)

ὠκύποροι (1)

ἐύσσελμοι (4)

θοαί (5)

μέλαιναι (12)

μιλτοπάρηιοι (2)

ἀμφιέλισσαι (5)

Gén.ἐυσσέλμων (3)

θοάων (5)

μελαινάων (9)

ὀρθοκραιράων (2)

ὠκειάων (2)

ὠκυπόρων (5)

Gén.κοίλης (5)

ποντοπόροιο (4)

ὠκυάλου (1)

μελαίνης (5)

Dat.γλαφυρῆι (4)

ἐυσσέλμωι (2)

θοῆι (18)

κοίληι (4)

μεγακήτει (3)

μελαίνηι (29)

πολυζύγωι (1)

πολυκλήιδι (5)

Acc.γλαφυρήν (2) {138|139}

Dat.κοίληις (12)

ἐίσηις (1)

γλαφυρῆις (-σι, -σιν) (17)

δολιχηρέτμσισι (1)

θοῆις (-σι, -σιν) (22)

κορωνίσι (ν) (17)

μελαίνηισι (5)

πολυκλήισι (6)

ποντοπόροισι (ν) (11)

ὠκοπόροισι(ν) (5)

Acc.ἀμφιελίσσας (9)

γλαφυράς (18)

ἐίσας (11)

ἐυσσέλμους (12)

θοάς (16)

κοίλας (14)

κυανσπρωιρείους (1)

Il semblera peut-être, au premier abord, que ce système d’épithètes du navire montre d’une façon plus nette et plus concluante que ne le fait le système d’épithètes génériques des héros (tableau III) comment l’influence du vers a pu faire naître, pour le maniement d’un nom dans l’hexamètre, un système étendu de formes épithétiques duquel est exclue toute forme qui serait superflue au point de vue de la versification. Dans ce système le manque presque complet de formes équivalentes dérive précisément du fait que les épithètes du navire ne sont pas applicables à d’autres objets, περικαλλέα est la seule exception qui mérite d’être notée parmi les 23 épithètes du navire. Par conséquent le choix d’une seule épithète pour fournir une forme ou des formes de certaines valeurs métriques a pu se faire beaucoup plus facilement que dans le cas des épithètes pouvant être employées avec un grand nombre de noms différents (voir pp. 232 ss.). {139|140}

§ 10. — Formules nom-épithète des chevaux.

A l’exception de ἵππων ὠκυπόδων (1 fois) les formules nom-épithète des chevaux des trois types principaux sont toutes au nominatif ou à l’accusatif. La prédominance de ces deux cas grammaticaux vient évidemment de ce que les chevaux sont presque toujours mentionnés comme accomplissant quelque action ou comme obéissant aux ordres de quelque personnage.











5 6 _⏖_⏓   4 5 6 ⏔_⏔_⏓   1 2 3 _⏔_⏔_
μώνυχες ἵπποι… 8 καλλίτριχες ἵπποι… 3 ἵπποι ἀερσίποδες… 2
ὠκέες ἵπποι… 1 ἐριαύχενες ἵπποι… 1    
    ὑψηχέες ἵπποι… 1    
μώνυχας ἵππους… 2 καλλίτριχας ἵππους… 1 ἵππους ὡκύποδας… 1
ὠκέας ἵππους… 2 ἐριαύχενας ἵππους… 4    
[λαλκόποδ᾽ ἵππω] … 2 κρατερώνυχας ἵππους… 3    
    ὑψηχέας ἵππους… 1    

Χαλκόποδ᾽ ἵππω apparaît deux fois dans Homère. Il s’agit dans chaque cas de l’action de mettre le harnais aux chevaux:






Θ 41 ὣς εἰπὼν  
    ὑπ᾽ ὄχεσφι τιτύσκετο χαλκόποδ᾽ ἵππω
Ν 23 ἔνθ᾽ ἐλθὼν  

Ainsi cette formule n’est pas l’équivalente de μώνυχας ἵππους, car d’ordinaire les chevaux dont on fait mention sont au nombre de trois, deux qui tirent le char, plus le παρήορος. Il est à remarquer que le fait que le duel a survécu dans ces deux vers n’est pas à expliquer par la nécessité du mètre mais parce que la formule ὑπ᾽ ὄχεσφι τιτύσχετο χαλκόποδ᾽ ἵππω, créée au temps où le duel était, bien vivant, avait été conservée toute entière pour exprimer l’idée il attela au char les deux chevaux qui devaient le traîner. Les formules équivalentes qui apparaissent au tableau {140|141} sont donc au nombre de 4: ἐριαύχενες ἵπποι ~ ὑψηχέες ἵπποι et ἐριαύχενας ἵπποι ~ ὑψηχέας ἵππους.

§ 11. — Formules nom-épithète de la race humaine.

Tableau VIII. — Formules nom-épithète de la race humaine, types principaux.









4 5 6 ⏔_⏔_⏓   3 4 5 6 ⏑_⏔_⏔_⏓  
μέροπες ἄνθρωποι… 1    
μερόπων ἀνθρώπων… 1 ἐπιχθονίων ἀνθρώπων… 5
θνητῶν ἀνθρώπων… 7 καταθνητῶν ἀνθρώπων… 6
μερόπεσσι βροτοῖσιν… 1    
θνητοῦς ἀνθρώπους… 1    

Il est évident qu’à la rigueur θνητῶν ἀνθρώπων pourrait servir dans tous les cas où on trouve μερόπων ἀνθρώπων; mais l’une ou l’autre de ces deux formules est choisie chaque fois qu’elles apparaissent dans les poèmes selon qu’il est besoin de faire position ou d’éviter le surallongement.

Les formules au génitif sont beaucoup plus fréquentes que celles au nominatif. On a trouvé tout le contraire pour les formules des dieux et des héros. Cette fréquence vient surtout de la nécessité qu’il y a d’exprimer deux différentes catégories d’idées. On parle le plus souvent de la race humaine lorsqu’il s’agit d’une des choses qu’elle possède. Ainsi on trouve: {141|142}









γενεαὶ  
ἀλόχους  
τέρας μερόπων ἀνθρώπων
(2 fois) πόλεις  
πόλις  
λόχοι  

ἔπεα θνητῶν ἀνθρώπων

Ces formules au génitif servent souvent aussi avec τις à exprimer l’idée quelque mortel. On trouve:

Σ 403 οὐδέ τις ἄλλος

ἤιδεεν οὔτε θεῶν οὔτε θνητῶν ἀνθρώπων

cf. η 247

ι 502 Κύκλωψ, αἴ κέν τίς σε καταθνητῶν ἀνθρώπων

cf. ρ 587, γ 114, Ζ 123.

α 167 θαλπωρή, εἴ πέρ τις ἐπιχθονίων ἀνθρώπων

cf. χ 414, ψ 65.

§ 12. — Formules nom-épithète et nom-épithète-préposition du bouclier.

Les circonstances dans lesquelles il arrive au poète de faire mention du bouclier, sont, en comparaison aux noms communs qui viennent d’être étudiés, très peu nombreuses, et les formules nom-épithète et nom-épithète-préposition servant à le désigner n’ont guère d’usage général, mais servent le plus souvent à décrire une phase particulière de la bataille ou du combat de héros contre héros. Ces formules sont ainsi, pour la plupart, du genre appelé spécial, que nous avons eu l’occasion d’étudier plus haut dans le cas des personnages (pp. 95 ss.) et, comme on l’a vu, il ne faut pas chercher dans leur cas, en isolant la formule nom-épithète, à établir un système: la formule spéciale, étant par définition réservée à l’expression d’une certaine idée ou de certaines idées semblables, ne peut être séparée des autres mots qui, avec elle, servent à exprimer ces idées. Dans le cas des formules du bouclier où figure une épithète, on ne peut donc que constater l’emploi régulier des plus fréquentes de ces formules, lorsqu’il s’agit d’exprimer une idée particulière. {142|143}

La formule le plus souvent répétée où l’on rencontre une épithète du bouclier est κατ᾽ ἀσπίδα πάντοσ᾽ ἐίσην (9 fois), qui décrit le détail si fréquent dans les combats homériques où un guerrier reçoit un coup de lance sur son bouclier. On trouve:









Γ 356 = H 250   Πριαμίδαο  
Ρ 517   Ἀρήτοιο  
Υ 274 καὶ βάλε (ν) Αἰνείαο  
Γ 347   Ἀτρείδαο κατ᾽ ἀσπίδα πάντοσ᾽ ἐίσην
Ν 160 καὶ βάλεν,   οὐδ᾽ ἀφάμαρτε,  
Λ 434 = Ρ 43     ὣς εἰπὼν οὔτησε,  

Ψ 818 ἔνθ᾽ Aἴας μὲν ἔπειτα κατ᾽ ἀπσίδα πάντοσ᾽ ἐίσην

νύξ᾽,

II. La même formule apparaît sans la préposition à quatre reprises; dans chacun des quatre cas, il s’agit d’un héros qui lève le bouclier pour parer un coup de lance:






M 294 αὐτίκα δ᾽  
    ἀσπίδα μὲν πρόσθ ἔσχετο πάντοσ᾽ ἐίσην
Φ 581 ἀλλ᾽ ὅ γ᾽ ἄρ᾽  

Ν 157 = 803 Πριαμίδης, πρόσθεν δ’ ἔχεν ἀσπίδα πάντοσ᾽ ἐίσην

III.L’expression ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι apparaît six fois dans l’Iliade, toujours à la fin du vers. Deux fois elle est précédée de ἀτὰρ; dans ces deux cas l’expression figure dans des passages identiques Δ 446-451 = Θ 60-65 décrivant le choc de deux armées dans la bataille. Dans les quatre autres cas cette expression est précédée de καὶ et, au premier abord, on serait tenté d’y voir quatre manières différentes d’employer l’expression; mais un examen plus approfondi montre que le poète s’est servi chaque fois du même artifice. On a dans καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι une formule dont l’emploi mérite d’être étudié avec un certain soin, étant certainement le type d’un très grand nombre d’autres formules nom-épithète servant à faciliter la versification dans des circonstances tout à fait particulières et qui ne se présenteraient au poète que très rarement. A ce point de vue, l’emploi de καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι est bien à propos comme étant le dernier détail à considérer dans ce chapitre sur la technique de l’emploi de l’épithète. Nous sommes maintenant arrivés au point où la méthode de recherche que nous avons employée ne peut plus être utilisée, la complexité des idées et des expressions que traduisent celles-ci {143|144} ne permettant plus de relever de systèmes assez étendus ni d’épithètes, ni de formules nom-épithète, ni même de signaler, par leur fréquence, les formules nom-épithète spéciales. Mais ici, au terme de notre recherche, ce dernier exemple nous permet d’entrevoir comment les aèdes se sont créé des formules capables de servir, même lorsque l’idée à exprimer n’était susceptible de se rencontrer que très rarement dans un poème héroïque. Certes, la conclusion que l’on peut en tirer est de nature très générale, mais, en vue de la quantité de formules des héros que nous avons pu rattacher à la tradition, aussi bien que de la variété de façons d’employer ces formules dans la composition des hexamètres que nous avons pu constater, il n’est peut-être pas exagéré de conclure avec ce dernier exemple que, parmi les formules nom-épithète de l’Iliade et de l’Odyssée il y a en a très peu dont on puisse attribuer la création à l’auteur, ou aux auteurs, de ces poèmes.

Le poète, parlant du bruit des armes (M 161), de la grande quantité d’armes que possède un certain héros (N 264), de l’apparence des armes des Achéens lorsque ceux-ci marchent à la bataille (Π 214), ou des armes dont les Achéens se munissent en vue de la bataille (T 360), veut rendre plus vive à l’auditeur l’image de sa pensée, et à cette fin il nomme, dans chacun des quatre passages, quelques-unes des différentes armes qui figurent dans cette image. La question de savoir comment exprimer son idée devient ainsi dans chaque cas celle de savoir comment il fera entrer dans ses hexamètres une série de sujets et un seul prédicat commun à ces sujets. Il le fait d’une manière à la fois variée au point de vue du style et fort commode au point de vue de la versification: il nomme un seul sujet, le fait suivre du prédicat, et ajoute ensuite autant d’autres sujets qu’il veut. Cet arrangement des différents éléments de la phrase dans le vers ne serait pas plus facile pour le poète qu’un autre arrangement quelconque, si ce n’était qu’il possède, pour désigner les différentes armes, des formules conjonction-nom-épithète tombant entre certaines coupes et les extrémités du vers. Il est nécessaire que la portion de la phrase formée du premier sujet et du prédicat se termine à la fin du vers ou à une des coupes, car elle forme déjà par elle-même une phrase grammaticalement complète et le poète, en récitant, est obligé naturellement d’y faire une assez longue pause: le sujet ou les sujets supplémentaires suivront alors en s’éten- {144|145} dant entre le commencement ou la fin du vers et les coupes.

En Π 212 ss. et en M 159 ss. il n’est question que de casques, fournissant le premier sujet, et de boucliers, fournissant le sujet supplémentaire:

Π 212 ὡς δ᾽ ὅτε τοῖχον ἀνὴρ ἀράρηι πυκινοῖσι λίθοισι

δώματος ὑψηλοῖο, βίας ἀνέμων ἀλεείνων,

ὣς ἄραρον κόρυθές τε καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι.

Μ 159 ὣς τῶν ἐκ χειρῶν βέλεα ῥέον, ἠμὲν Ἀχαιῶν

ἠδὲ καὶ ἐκ Τρώων· κόρυθες δ᾽ ἀμφ᾽ αὖον ἀύτειν

βαλλομένων μυλάκεσσι καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι.

En Ν 264 ss. il s’agit de lances, fournissant le premier sujet, et de boucliers, de casques et de cuirasses fournissant trois sujets supplémentaires. On trouve les mêmes sujets en T 357 ss., mais dans un ordre différent, nécessité par la mesure des autres éléments de la phrase:

Ν 264 τῶ μοι δούρατά τ᾽ ἔστι καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι,

καὶ κόρυθες καὶ θώρηκες λαμπρὸν γανόωντες.

Τ 357 ὡς δ᾽ ὅτε ταρφειαὶ νιφάδες Διὸς ἐκποτέονται,

ψυχραί, ὑπὸ ῥιπῆς αἰθρηγενέος Βορέαο,

ὣς τότε ταρφειαὶ κόρυθες λαμπρὸν γανόωσαι

νηῶν ἐκφορέοντο καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι

θώρηκές τε κραταιγύαλοι καὶ μείλινα δοῦρα. {145|}

Footnotes

[ back ] 1. Est-il bien nécessaire d’expliquer la raison de l’emploi des chiffres et des comparaisons numériques dans cette étude sur le style d’Homère? On pourra faire remarquer à ceux qui feraient l’objection qu’une étude de style ne doit pas être un problème de statistique, que l’emploi de chiffres est le seul moyen de vérifier avec exactitude ce qui autrement ne pourrait être qu’une impression vague. Il s’agit, dans ces pages, de montrer la pleine étendue d’une qualité du style homérique que tous doivent remarquer, mais dont personne, sans une étude numérique, ne pourrait apprécier la suprême importance. D’ailleurs chacun des détails de cette recherche numérique possède, au point de vue de la compréhension d’Homère, sa propre valeur, compensant en quelque mesure les restrictions qu’imposent à notre sensibilité une langue étrangère et une poésie différente de la nôtre. Par exemple, si l’on sait, ce qui ne se découvre certainement pas par la seule lecture d’Homère, que le mot πολυφλοίσβοιο ne se rencontre pas en dehors de l’expression πολυφλοίσβοιο θαλάσσης, qu’après προσεφή Ulysse est invariablement désigné par l’épithète πολύμητις et jamais une autre, que dans plus de la moitié des cas Ὀδυσσεύς est accompagné d’une épithète, que ce même héros n’est jamais qualifié de πολυμήχανος sauf au vocatif, etc., etc., on aura autant de données sur ee qui constitue le style homérique. Certes l’auditeur originel, même le plus sensible, n’aurait su dire si le poète avait modifié tel ou tel détail de ce style coutumier: mais c’est l’ensemble de ces détails qui constituait pour lui le style qu’il savait être celui du poète et qu’il en attendait. [ back ] Quant à la façon d’employer les chiffres dans l’étude du style homérique qui leur a valu une si fâcheuse réputation, c’est-à-dire les comparaisons fondées sur quelques différences légères ou même présumées, on s’empresse ici de s’en écarter, sachant qu’en ce qui concerne le style les comparaisons numériques, dépendant largement de l’action du poème, ne peuvent être qu’approximatives. Dire « huit fois plus souvent », ou « seize fois plus souvent », ce n’est qu’une autre manière de dire « beaucoup plus souvent ».

[ back ] 2. Comme il a été remarqué plus haut (p. 29) seule l’épithète ornementale doit faire partie d’un système de formules nom-épithète, et par conséquent il a fallu exclure de ce chapitre certaines épithètes particularisées. La façon dont ces épithètes particularisées se distinguent des épithètes fixes sera expliquée à sa place (pp. 192 ss.), nous voulons seulement en signaler ici l’exclusion de ce chapitre parce qu’en plusieurs endroits, comme ici, nous cherchons à donner toutes les formules nom-épithète ou toutes les épithètes de certaines catégories. Il faut donc énumérer ici quelles épithètes sont ainsi exclues afin que le lecteur reconnaisse que leur exclusion de ce chapitre ne saurait affecter, qu’au plus faible degré, la simplicité des divers systèmes de formules nom-épithète et d’épithètes que nous aurons l’occasion d’établir. Les épithètes en question sont au nombre de 14. Du Tableau I est exclue la mention des formules Ὀδυσεὺς πολύτροπος, Ὀδυσεὺς Ἰθακήσιος; du Tableau ΙΙI est exclue la mention des épithètes ὑπέρθυμος, πελώριος; de la liste des épithètes spéciales des héros (p. 112), μάχης ἀκόρητον, ἀνάλκιδος, πολυμήλου, ἀγήνορι, ἔκπαγλος; de la liste des épithètes du navire (p. 138), κυανοπρωιρείους, εὔπρυμνοι; de la liste des épithètes spéciales des héroïnes (p. 119), στυγερῆς, δολόμητις; de la liste des épithètes spéciales des peuples (p. 121), ὑπερκύδαντας.

[ back ] 3. On désigne par le terme surallongement le phénomène métrique de la syllabe longue fermée; c’est-à-dire de la syllabe qui, déjà longue par nature, l’est aussi par position. Par exemple la syllabe -ων dans περίφρων Πηνελόπεια. La durée de prononciation d’une telle syllabe est sensiblement supérieure à celle de la syllabe longue seulement par nature ou par position, et par conséquent Homère l’évite dans la dernière partie du vers où la rapidité du mouvement est essentielle au rythme. Ainsi parmi les nombreuses formules nom-épithète que nous avons eu, et aurons, l’occasion de citer dans ce volume il n’en est que trois qui montrent le surallongement avant la diérèse bucolique: nous en avons déjà cité une; les deux autres sont Ἀχαιῶν χαλκοχιτώνων et ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς (cf. pp. 237-238). Sur ce sujet, voir A. Platt, On Homeric Technique, Classical Review, 1921, p. 143.

[ back ] 4. Ce besoin stylistique d’éviter la répétition d’un nom propre là où il serait mal à propos a créé un autre artifice, une série de formules qui ne font que détailler l’idée du verbe. De telles formules sont χάλκεον ἔγχος et δουρὶ φαεινῶι. De même à côté de κορύσσετο δῖος Ἀχιλλεύς, on a κορύσσετο vώροπι χαλκῶι (2 fois); à côté de ἐκέκλετο δῖος ὑφορβός, δῖα γυναικῶν, δῖος Ἀχιλλεύς, on a ἐκέκλετο μακρόν ἀύσας (10 fois), ἐκέκλετο φώνησέν τε (2 fois); à côté de κόρυθ᾽ εἵλετο φαίδιμος Ἕκτωρ (2 fois), on a λίθον εἵλετο χειρὶ παχείηι (2 fois), δορὺ δ᾽ εἵλετο χειρὶ παχείηι, ξίφος εἵλετο χειρὶ παχείηι, etc.

[ back ] 5. La deuxième personne ne s’emploie d’une manière répétée que dans certaines lignes d’annonce de discours: [ back ] . . . προσέφης Πατρόχλεες ἱππεῦ (3 fois [ back ] . . . προσέφης Ἐύμαιε συβῶτα (15 fois). [ back ] La mesure des nominatifs Πάτροκλος et Ἐύμαιος, ne permet pas leur emploi, et le poète a eu recours à la forme artificielle Πατρόκλεες ef à l’emploi de la deuxième personne.

[ back ] 6. Ellendt cite les cinq premiers cas (Drei homerische Abhandlungen, Leipzig, 1864, pp. 50-52). Ce critique, citant les différents vers où il croyait remarquer l’influence du vers, mélange des expressions du genre dont il est question ici à d’autres qui ne sont que des exemples de l’artifice d’échange que l’on a étudié dans la première partie du chapitre. Il est à remarquer que certains des exemples qu’il cite sont basés sur des calembours pour le moins très douteux. Il faut être bien hardi pour voir une preuve d’analogie dans des expressions telles que ὃς πᾶσι ~ ἱππεῦσι, ou ἐπεὶ ~ ἐπ᾽ ἠ —.

[ back ] 7. Par une telle association de sons les aèdes ont parfois introduit certaines formes d’un verbe dans la flexion d’un autre verbe où elles n’auraient jamais pu exister. Ainsi ἐείσατο qui appartient en propre à la flexion du verbe εἴδεται, fait partie en χ 89 et en Ο 415 de la flexion du verbe εἶμι. Cf. K. Meister, Die homerische Kuntsprache, pp. 19-21.

[ back ] 8. L’accusatif de la formule Ἀτρέος υἱός apparaît deux fois dans Homère: [ back ] Δ 98 αἴ κεν ἴδηι [ back ] Μενέλαον ἀρήιον Ἀτρέος υἱόv. [ back ] Δ 205 ὄφρα ἴδηις [ back ] La ressemblance qui existe, à partir de la trithémimère, entre ces deux vers el celui qui vient d’être cité montre qu’on se trouve en présence d’une formule plus étendue que Ἀτρέος υἱός; ce qui exclut, au moins dans Homère, un usage général de cette dernière formule à la fin du vers.

[ back ] 9. On doit remarquer qu’en Ζ 46 il s’agit de Ménélas, tandis qu’en Λ 131 c’est Agamemnon à qui l’on s’adresse. C’est un curieux exemple de la tendance des aèdes à économiser sur les formules.

[ back ] 10. Pour d’autres cas semblables, aussi bien que pour apprécier le nombre de ces vers-formules, voir la liste de vers communs à l’Iliade et à l’Odyssée, qui est donnée par Dunbar à la fin de sa Concordance to the Odyssey.

[ back ] 11. πόδας ὠκύς est donné comme épithète spéciale à Achille quoiqu’il soit employé en ν 260 pour un autre héros: [ back ] Ὀρσίλοχον πόδας ὠκὺν ὃς ἐν Κρήτηι εὐρείηι. [ back ] La présence de l’épithète dans ce vers s’explique comme une conséquence exceptionnelle du eu de l’analogie, de même que les anomalies métriques discutées plus haut en ont résulté. Les épithètes appliquées à certains hommes dans Homère qui ne figurent ni dans cette liste ni au tableau III sont les suivantes: [ back ] Α. γέρων qui peut s’appliquer à tout héros âgé: γέρων ἱππηλάτα Νέστωρ, γέρων Πρίαμος θεοειδής, γέρων ἀγαθὸς Πολύιδος, etc. [ back ] Β. Certaines épithètes indiquant la profession ou le métier du personnage: χῆρυξ, ἡνιοχῆα, ἱερεύς, μάντιος, οἰωνιστήν, χρυσόχοον, συβῶτα, αἰπόλος, ὑφορβός, ἀλήτης. [ back ] C. ὀλοόφρονος qui ne peut être employé que pour les magiciens: ὀλοόφρονος Αἰήταο, Μίνωος ὀλοόφρονος. [ back ] D. Certaines expressions épithétiques désignant deux ou plusieurs héros à la fois: μάχης εὗ εἰδότε πάσης, πεπνυμένω ἄμφω, πολέμου ἀκορήτου, μεμαότε θούριδος ἀλχῆς, θεράποντες Ἄρηος, ἐγχεσιμώρους, μήστωρας ἀυτῆς, etc. [ back ] E. λαοῖσι τετιμένον, dit de l’aède Démodocus. [ back ] F. πεπνυμένα μήδεα εἰδώς, dit des hérauts.

[ back ] 12. Les seules épithètes appliquées à des femmes qui ne figurent pas dans les listes suivantes sont des désignations de domestiques: [ back ] θαλαμηπόλος Εὐρυμέδουσα [ back ] Εὐρυνόμη θαλαμηπόλος [ back ] φίλη τροφὸς Εὐρύκλεια.

[ back ] 13. ναυσικλυτοί est donnée comme épithète spéciale quoiqu’elle décrive les Phéaciens aussi bien que les Phéniciens; elle ne pourrait évidemment être générique. Il est à remarquer que la ressemblance de son et de mesure entre Φοίνικες ναυσικλυτοί et Φαίηκες ναυσικλυτοί est trop exacte pour que l’une des deux expressions ne soit pas inspirée de l’autre.

[ back ] 14. Cf. Düntzer, Homerische Abhandlungen, p. 538.

[ back ] 15. Les épithètes des villes que l’on peut regarder avec certitude comme génériques sont les suivantes. Le chiffre indique le nombre de villes différentes décrites par chaque forme. Au génitif: ἐυκτιμένης (2), ἐρατεινῆς (2), ἱεράων (1). Au datif: ἐυκτιμένηι (3), ἠγαθέηι (3), ἱερῆι (2), εὖ ναιομένωι (1). Α l’accusatif: ἐυκτίμενον πτολίεθρον (4), ἐρατεινήν (7), ἐρατεινάς (1), ἐυκτιμένην (1), ζαθέην (4), ἱερόν, ἱερήν (3), ἠγαθέην (1), εὖ ναιομένωι (2).

[ back ] 16. Les expressions χρυσάμπυκας ἵππους (4 fois) et ἐρυσάρματας ἵππους (1 fois), ont été omises au tableau. La première s’emploie seulement pour les chevaux ries dieux, la deuxième n’est pas une épithète ornementale, mais établit une distinction entre les chevaux de char et les chevaux de trait.

[ back ] 17. Cf. H. Düntzer, ouvr. cité, p. 538.