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IV. Le Sens distinctif de l’épithète dans l’épos
L’épithète générique.
L’épithète particularisée.
L’épithète en dehors de l’épos.
Peut-on traduire l’épithète fixe?
§ 1. — L’Épithète fixe peut-elle avoir un sens particularisé?
les scholies nous disent: « μέγαν n’est pas ajouté de façon poétique comme ornement, mais se rapporte au temps considérable exigé pour l’exécution de l’œuvre [2] ». Toute semblable est la remarque du scholiaste à Σ 416, où Hépheste quitte sa forge pour aller à Thétis:
« παχύ est nécessaire à la phrase; il est employé parce qu’Hépheste, de qui le poète dit (Σ 410) πέλωρ αἴητον ἀνέστη, est boiteux et s’appuie sur le sceptre [3] ». Il est évident que les auteurs de ces remarques étaient surtout guidés par le désir de relever les finesses du style homérique. Nous pouvons nous faire une idée de l’exagération à laquelle ils sont arrivés dans ce qu’ils ont dit au sujet du vers Φ 218, où le poète fait parler le fleuve Scamandre:
Aristarque, n’y voyant que la contradiction manifeste entre l’idée de l’épithète et celle de la phrase en conclut, de sa façon habituelle, que l’épithète était forcément ornementale (voir plus loin). Mais d’autres trouvèrent pour l’épithète cette explication ingénieuse: « L’épithète est bien choisie pour indiquer le genre de fleuve qui est ainsi pollué [4] ». Enfin citons le scholiaste de BLV à Β 467, où les Achéens marchent à la bataille:
« C’était auparavant que la plaine était fleurie [5] . Cette épithète est donc employée de la même manière que ἐυμμελίω Πριάμοιο (Δ 47), ἥρως Αἰγύπτιος (β 15), et ἠύκομος Νιόβη (Ω 602). » {149|150}
φαίνετ᾽ ἀριπρεπέα
« La lune est brillante », nous dit Aristonique, « non pas à ce moment-là, mais en général [6] . » Porphyre détaille davantage le raisonnement du grand critique: « De quelle façon les astres peuvent-ils briller autour de la lune resplendissante? La solution du passage est fournie par le contexte. La lune est brillante, non pas à ce moment, mais par sa nature [7] ». Enfin par le scholiaste de L nous savons qu’Aristarque croyait que, dans l’image d’Homère, il s’agit de la nouvelle lune: « Aristarque dit que brillante signifie par sa nature, même si la lune n’était pas pleine; car autrement les astres auraient été plutôt cachés [8] . » Aristarque compare cet emploi de φαεινήν à celui de la même épithète en ζ 74 où Nausicaa envoie chercher le linge pour le porter au lavoir:
« Ce n’est pas que le linge est resplendissant à ce moment, parce qu’il est sale, mais qu’il est propre naturellement [9] ». Pour κλυτά (ζ 58) qui est dit de ces mêmes vêtements, les scholies comparent simplement avec le vers Θ 555, ce qui, avec le terme ἐζήτησαν dans la remarque d’Apollonius (Lex. 161, 20), nous apprend que ce dernier vers était l’exemple par excellence de l’in- {150|151} terprétation ornementale avancée par Aristarque [10] . Nous connaissons d’autres cas auxquels celui-ci apporta la même solution: Σκαμανδρίωι ἀνθεμόεντι (Β 467), ἐρατεινὰ ῥέεθρα (Φ 218) et ἐυμμελίω Πριάμοιο (Δ 47), que nous avons déjà mentionnés comme étant jugés particularisés par d’autres anciens — oὐ τότε, ἀλλὰ πρώην; et enfin ἤνοπι χαλκῶι qui apparaît dans le vers formule
Évidemment l’esprit pénétrant de certains avait remarqué que le trépied serait en réalité rempli de vapeurs et couvert de fumée.
« L’épithète est ajoutée comme ornement, comme dans le cas de δῖα Κλυταιμνήστρη (γ 266) » [12] . Eustathe nous donne plus longuement ce qui était évidemment l’explication d’Aristarque des emplois de ce genre. Il nous dit, au sujet de α 29, où Zeus parle aux autres dieux:
« C’est le Zeus ďHomère qui appelle ici « sans reproche » le méchant Égisthe, non pas d’après ses crimes », évidemment quelques-uns y voyaient de l’ironie, « mais d’après ce qu’il avait habituellement de noble: il avait la haute naissance, la beauté, l’intelligence, et d’autres caractéristiques du même genre [13] ». Ailleurs il répète cette explication: « ἀμύμων est dit d’Égisthe et d’autres qui, indignes sous d’autres respects, sont néanmoins {151|152} sans reproche quant à leur vaillance ou à leur race, ou à d’autres traits de même nature [14] ». Remarquons surtout les expressions terminant ces deux explications: καὶ εἴ τί που ἄλλο et ἤ τι τοιοῦτον.
Dans Homère l’expression πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς apparaît 38 fois, dont 5 fois dans l’Iliade, et elle n’est jamais remplacée, ni dans l’un, ni dans l’autre poème, quoiqu’il soit bien évident que, dans l’Iliade, Ulysse n’a pas été plus éprouvé par les souffrances que n’importe quel autre chef achéen [28] . Mais l’auteur du fragment en question sentait qu’il serait décidément mal à propos de donner au jeune Ulysse ce titre et, par conséquent, il s’est vu obligé de remplacer l’expression par une autre, même si celle-ci devait entraîner deux fautes de métrique. C’est une preuve que l’on était déjà devenu moins indifférent au sens ornemental à une époque relativement ancienne et, en face de ce témoignage, on peut aller jusqu’à conclure que l’emploi de l’épithète dans un sens illogique est, sinon une preuve que le vers qui le contient vient du poème originel, du moins qu’il a été fait à une période toujours ancienne où la diction traditionnelle gardait toute sa vigueur et une fixité rigoureuse. On sait que certains critiques dans l’antiquité, comme d’autres de nos jours, ont voulu utiliser ces emplois comme preuve d’interpolation. C’est la conception que l’interpolateur d’Homère n’était pas seulement un homme de mauvaise foi, mais encore un homme fort peu intelligent. En vérité il faudrait conclure exactement le contraire. On ne peut rejeter du texte qu’une petite partie au plus de ces emplois [29] , et par consé- {164|165} quent il faudrait conclure que l’interpolateur, au lieu de prendre l’épithète dans un sens particularisé, suivant son habitude, imitait d’une manière savante les bizarreries du style homérique.***
Dans les bornes d’un vers renferma sa pensée,
Et donnant à ses mots une étroite prison,
Voulut avec la rime enchaîner la raison [30] . {166|167}
tandis qu’en δ 702 les deux pays en sont également favorisés:
Pourquoi Agénor reçoit-il l’épithète plutôt qu’Enée qui était certainement le plus fort guerrier des trois, ou même que Polydamas? De même les vers M 88-9:
οἳ πλεῖστοι καὶ ἄριστοι ἔσαν,
Hector a certainement autant de droit que Polydamas à une épithète ennoblissante. Cette façon de favoriser un certain héros est même plus inexplicable en Ρ 534:
Chromios, un des chefs des Mysiens, n’est en effet nommé que dans ce chant et à trois reprises: incité par Hector il entre dans la mêlée en compagnie d’Arétos, espérant prendre possession du cadavre de Patrocle; mais il est repoussé parla vaillance des deux Ajax et laisse sur le champ de bataille le corps de son camarade qu’a tué Automédon. Ce sont des actions assez peu glorieuses pour que le poète le favorise plus que les deux plus hardis guerriers de Troie. Enfin considérons les vers Ω 249-251 où Priam reproche leur lâcheté à ses fils:
Πάμμονά τ᾽ Ἀντίφονόν τε βοὴν ἀγαθόν τε Πολίτην
Δηίφοβόν τε καὶ Ἱππόθοον καὶ Δῖον ἀγαυόν·
Agathon n’est mentionné nulle part ailleurs dans Homère, non plus que Dios. Politès qui, le poète l’a remarqué (B 791), était noté pour la rapidité de sa course, n’apparaît pas ailleurs dans le poème sauf en Ν 533 lorsqu’il emmène son frère Déiphobe, qui a été blessé, hors de la bataille. L’emploi des épithètes héroïques à cet endroit est rendue ncore plus singulier par le fait que, quelques vers plus loin, Priam, pour les plus vaillants de ses fils, se sert {169|170} d’épithètes qui ne paraissent nullement plus louangeuses:
Ἕκτορά θ᾽, ὅς θεὸς ἔσκε μετ᾽ ἀνδράσιν,
ὦ Νέστορ Νηληιάδη, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν (6 fois)
etc., (pour d’autres vers de ce genre voir p. 79). Ces vers ont fait {175|176} l’objet de deux interprétations dont la nature et les raisons sont vite exposées. D’un côté le caractère des expressions et leur longueur ont fait penser qu’ils devaient frapper fortement l’esprit de l’auditeur et qu’il faut y voir l’intention du poète de donner aux discours dont ces vers sont le prélude un ton exceptionnel de grandeur, ou de cérémonie, ou de respect. Mais d’un autre côté on ne saurait bien distinguer les raisons pour lesquelles les discours qui débutent ainsi justifieraient plus que les autres l’emploi de vers donnant ce ton; on ne peut y trouver aucun trait qui les distingue des discours débutant autrement. Certains critiques en ont conclu qu’il ne faut pas chercher à découvrir un ton spécial dans ces vers. En réalité on a raison et on se trompe des deux côtés: ces vers donnent bien un ton de grandeur, de cérémonie, de respect, d’admiration, καί τινος τοιούτου; mais ils ne le donnent pas tant aux discours où ils apparaissent qu’à toute la poésie épique. Le public d’Homère avait trop souvent entendu ces vers pour prêter une grande attention aux épithètes qui y figurent et aux raisons qui auraient pu amener leur emploi. Mais ces vers étaient agréables et familiers à ce public pour lequel il formait une partie importante de cette ornementation sans laquelle la poésie héroïque aurait cessé d’être elle-même.***
A | B | C | X |
Nombre de mentions du nom aux cas obliques. | Nombre de fois que l’épithète accompagne le nom à ces cas. | Nombre de mentions du nom au nominatif. | Nombre de fois que l’épithète serait employée au nominatif dans un sens particularisé. |
A: B:: C: X | |||
Ulysse | δῖος (99 fois). . . | 302: 1:: 385: 1,3 | |
πολύμητις (81 fois). . . | ⎫ | ||
πολύτλας (38 fois). . . | ⎭ | 302: 0:: 385: 0 | |
Achille | δῖος (55 fois) . . . | 175: 2:: 185: 2,1 | |
Agamemnon | ἄναξ ἀνδρῶν (37 fois) . . . | 84: 0:: 100: 0 | |
κρείων (26 fois) . . . | |||
Hector | φαίδιμος (29 fois) . . . | ⎫ | |
κορυθαίολος (37 fois) . . . | ⎪ | ||
μέγας (12 fois) . . . | ⎬ | 248: 0:: 170: 0 | |
Πριαμίδης (7 fois) . . . | ⎪ | ||
ὄβριμος (4 fois) . . . | ⎭ | ||
Diomède | βοὴν ἀγαθός (21 fois) . . . | ⎫ | 37: 0:: 42: 0 |
κρατερός (12 fois). . . | ⎭ | ||
Zeus | πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε (15 fois) . . . | ⎫ | 448: 0:: 234: 0 |
ὑψιβρεμέτης (5 fois) . . . | ⎭ | ||
μητίετα (18 fois). . . | 448: 1:: 234: ,5 |
C | D | A | X |
Nombre de mentions du nom au nominatif. | Nombre de fois que l’épithète décrit le nom au nominatif. | Nombre de mentions du nom aux cas obliques. | Nombre de fois que l’épithète serait employée aux cas obliques dans un sens particularisé. |
La forme de l’épithète donnée dans la liste suivante est la première de celles qu’on trouve employées avec le nom en question; ainsi δαίφρονος (7 fois) représente δαίφρονος (4 fois), δαίφρονι (1 fois) et δαίφρονα (2 fois).
⎫ | C: D:: A: X | ||
Ulysse | δαίφρονος (7 fois). . . | ⎪ | |
ἀμύμονος (9 fois). . . | ⎪ | ||
μεγαλήτορος (8 fois). . . | ⎪ | ||
πολυμήχανε (23 fois) . . . | ⎪ | 385: 0:: 302: 0 | |
Διὶ μῆτιν ἀτάλαντον (8 fois) . . . | ⎪ | ||
θείου (31 fois) . . . | ⎪ | ||
πολύφρονα (5 fois) . . . | ⎪ | ||
ταλασίφρονος (12 fois) . . . | ⎭ | ||
Achille | Πηληιάδεω (16 fois) . . . | 185: 0:: 175: 0 | |
Hector | ἱπποδάμοιο (5 fois) . . . | ⎫ | 170: 0:: 248: 0 |
ἀνδροφόνοιο (11 fois). . . | ⎭ | ||
Diomède | ἱπποδάμοιο (8 fois) . . . | 42: 0:: 37: 0 | |
Nestor | μεγαθύμου (5 fois). . . | 52: 0:: 58: 0 |
§ 2. – L’Épithète générique.
θεῖε Πλάτων, ἤθη καὶ βιὸν ηὐγάσαο
- Achille.
- Ulysse.
- Agamemnon
- Diomède.
- Nestor.
- Patrocle.
- Ménesthée, l’Athénien.
- Thrasymède, fils de Nestor.
- Machaon, fils d’Esculape.
- Hector.
- Alexandre.
- Agénor, guerrier Troyen.
- Priam.
- Sarpédon, chef des Lyciens.
- Memnon.
- Tydée, père de Diomède.
- Oineus, père de Nestor.
- Aréithoüs, père de Ménesthée.
- Alastor, guerrier Pylien; il est mentionné à trois reprises: à la première simplement comme un Pylien, aux deux autres lorsqu’il emporte Teucros et Hypsénor blessés hors de la mêlée.
- Épeigeus, Myrmidon, nommé une fois seulement lorsqu’il est tué par Hector au cours de la lutte pour le cadavre de Sarpédon.
- Épéios, qui construisit le Cheval de Bois. Il n’apparaît dans l’Iliade qu’en Ψ où il triomphe d’Euryalus à la boxe, mais est vaincu à son tour au disque.
- Lycomède, Achéen, nommé 5 fois, qui accomplit quelques exploits assez peu remarquables.
- Éreuthalion, qui n’est mentionné qu’une fois comme guerrier tué par Nestor dans la jeunesse de celui-ci.
- Hypsénor, Troyen, n’est mentionné qu’une fois, lorsqu’il est tué par Eurypyle.
- Arétaon, Troyen, n’est mentionné qu’une fois, lorsqu’il est tué par Teucros.
- Agathon, fils de Priam, mentionné une seule fois, lorsque Priam, s’apprêtant à aller chez Achille, commande à ses fils de lui préparer le chariot. {184|185}
- Mentor, vieillard ami de Télémaque.
- Amarynceus, roi Épéen; Nestor se distingua à ses jeux funéraires.
- Échéphron, nommé deux fois dans l’Odyssée comme fils de Nestor.
- Eumée, le porcher d’Ulysse.
- Philétios, le chevrier d’Ulysse.
- Oreste.
§ 3. — L’Épithète particularisée.
φάσκεν ἐλεύσεσθαι χρυσόρραπις Ἀργειφόντης,
ἔξοχος Ἀργείων κεφαλήν τε καὶ εὐρέας ὤμους;
elle lui répond:
Ce vers ressemble fort à l’autre où figure l’épithète:
Dans ce vers Eurymaque dit que, si Ulysse est vraiment celu qu’il dit être, il est justifié dans son désir de se venger des prétendants. On ne saurait nier que ces deux vers soient inspirés l’un de l’autre ou d’un modèle commun; mais ce n’est pas une raison pour refuser de voir le rapport qui existe entre l’épithète et {199|200} le verbe. Cependant on doit se garder de trouver dans l’épithète le sens le vrai Ulysse; le sens est simplement Ulysse revenant en sa patrie. Nous voyons ici une façon traditionnelle d’employer l’épithète dans un sens particularisé.
(6-14) Dans les neuf autres cas l’épithète est appliquée aux Prétendants, quatre fois par Ulysse, une fois par Pénélope, et quatre fois par le poète lui-même, et dans chaque cas il y a bien plus que la méchanceté inhérente des Prétendants pour expliquer l’emploi du mot. Il s’agit toujours soit d’un certain crime des Prétendants — le gaspillage des troupeaux d’Ulysse (ψ 356, ξ 27), le complot contre la vie de Télémaque (δ 790), la corruption des servantes (υ 12), les indignités souffertes par Ulysse déguisé en mendiant (υ 291), soit de la haine qu’ils inspirent à Ulysse (π 271, ο 315) et à Pénéloppe (σ 167), soit enfin de l’idée de vengeance (ν 373). {200|201}
Il s’agit dans les deux cas de la prophétie de Tirésias: Ulysse, pour apaiser la colère de Poseidon, doit faire un nouveau voyage après son retour à Ithaque. II doit aller en quête d’un peuple qui ne connaît ni la mer ni les navires. L’épithète n’a pas nécessairement une signification occulte, comme semble l’avoir le mot ἀθηρηλοιγόν; mais c’est certainement un des mots particuliers à la prophétie qu’avait faite, selon la tradition aédique, le vieux Thébain aveugle.
μητρός τε στυγερῆς καὶ ἀνάλκιδος Αἰγίσθοιο
εἰρύατ᾽ εὔπρυμνοι, πολιῆς ἐπὶ θινὶ θαλάσσης,
ὄφρα ἴδητ᾽ αἴ κ᾽ ὔμμιν ὑπέρσχηι χεῖρα Κρονίων;
on est tenté de voir dans l’épithète αἰπύν l’intention du poète d’in- {203|204} sister sur la destruction complète et absolue des Prétendants, on sera vite désabusé, ou ce qui est peut-être plus significatif, vite découragé, en cherchant un sens analogue dans les 23 autres vers où l’épithète accompagne ὄλεθρος. C’est de la même façon qu’on saura reconnaître le sens ornemental de l’épithète dans les expressions Κίλλαν τε ζαθέην (A 38, cf. I 151, Β 508, 520); ἱερὴν ἑκατόμβην (A 99, cf. Ψ 146, γ 144, δ 478); πολυάικος πολέμοιο Α 165, cf. Υ 328); διοτρεφέων βασιλήων (Α 176, cf. Β 98 et surtout δ 63); πικρὸν ὀιστόν (χ 8, cf. Δ 134, 217, Ν 592, etc.); ἐυδμήτους . . . τοίχους (χ 24 cf. υ 302, χ 126); etc., etc.
Η 38Ἕκτορος ὄρσωμεν κρατερὸν μένος ἱπποδάμοιο
Nous avons vu aussi que l’épithète de Zeus, par exemple, dans l’expression ὃν (τὸν) ἀθάνατος τέκετο Ζεύς (3 fois, cf. p. 98) doit être regardée comme étant ornementale. Mais l’épithète fixe, en exceptant les deux types de formules qui viennent d’être nommés, n’est jamais séparée de son nom. Il faut ou bien que l’épithète fasse partie d’un système de formules servant à exprimer dans l’hexamètre un nom ou une catégorie de noms de première importance, qu’on rencontre dans la poésie avec la plus grande fréquence et qui nécessitent ainsi un système des plus complexes; ou bien qu’elle figure dans une formule destinée à exprimer une {204|205} idée spéciale. Car autrement il faudrait supposer, pour un nom n’apparaissant que rarement dans la poésie, un système si complexe qu’il contiendrait non seulement les formules des types principaux, celles qui tombent entre une coupure et une des extrémités du vers, mais aussi les types de formules qui servent très rarement même avec les noms de héros, qui sont de beaucoup les plus fréquents parmi les noms. Ainsi pour levers A 10:
νοῦσον n’apparaîtrait pas si fréquemment dans la poésie et dans une telle variété de circonstances que l’on puisse supposer un artifice traditionnel par lequel le nom et l’épithète seraient placés dans le vers comme nous les voyons ici; et l’on ne peut supposer non plus que l’idée essentielle il envoya la peste à travers le camp serait si commune que les aèdes auraient créé une formule traditionnelle pour l’exprimer dans l’espace compris entre le commencement du vers et la diérèse bucolique. La seule raison possible de la présence de κακήν dans ce vers est le désir particulier du poète de faire entrer ce mot dans sa phrase, et par conséquent il faut reconnaître qu’il a voulu dire, non pas certes que la peste en question fut plus mauvaise que d’autres, mais qu’à ce moment elle était mauvaise pour les Achéens.
Ἀτρείδης·
non pas par Chrysès le prêtre mais par Chrysès qui était prêtre.
fut introduite dans le vers dans le hut de nous suggérer une image particulière.***
ἵππουριν· δεινὸν δὲ λόφος καθύπερθεν ἔνευεν.
§ 4. – L’Épithète en dehors de l’épos.
καὶ Μεγαβάτης ἠδ᾽ Ἀστάσπης,
ταγοὶ Περσῶν, βασιλῆς βασιλέως
ὕποχοι μεγάλου, σοῦνται στρατιᾶς
πολλῆς ἔφοροι, τοξοδάμαντές τ᾽
ἠδ᾽ ἱπποβάται, φοβεροὶ μὲν ἰδεῖν,
δεινοὶ δὲ μάχην
ψυχῆς εὐτλήμονι δόξηι.
Aeneae magni dextra cadis.
Le poète emploie heros au moment où Énée, sans fléchir sous les dures prédictions de la Sybille lui répond, pourrait-on dire, en héros (VI 103). Il n’est pas jusqu’au patronymique Anchisiades (VIII 521) qui ne montre le motif particulier que le poète avait de l’employer: ce mot apparaît dans le poème au moment solennel où Énée, ayant reçu la promesse de secours d’Évandre, entend la foudre dans le silence et voit dans les cieux les armes que sa mère lui promet.
Classe veho mecum, fama super aethera notus.
pius ait été remplacée par pater; car l’idée de la phrase, c’est la mission divine d’Énée. De même Énée sacrifiant à Junon se nomme pius dans sa prière et non pater (VIII 84). Évandre. s’adressant au cadavre de son fils Pallas, dit (XI 170): « Quels honneurs funèbres pourrais-je ajouter, Pallas, à ceux du pieux Énée ». De même Énée est pius lorsqu’il prie le soleil (XII 175); lorsqu’il s’adresse au cadavre du jeune Lausus (X 826):
Quid pius Aeneas tanta dabit indole dignum?
lorsque, le cœur lourd, mais obéissant aux volontés des dieux, il quitte Didon (IV 393); lorsqu’à la vue de sa flotte incendiée, il supplie Jupiter d’éteindre les flammes; etc. Par contre il est pater et non pius, d’abord lorsqu’il est père d’Ascagne, car c’est ce simple sens particularisé que présente deux fois l’épithète (III 343, XII 440), et aucun exemple peut-être ne montre mieux combien l’expression pater Aeneas est loin d’une telle formule nom-épithète que πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε. De même Énée est pater lorsque, avec la jeunesse Troyenne, il entre dans la salle de banquet de Didon et s’assied sur un lit de pourpre: pius aurait paru bizarre à Virgile dans de telles circonstances (I 699). Il est pater quand il ne permet pas que l’ardeur porte Entelle le boxeur à la cruauté (V 461). M. Goelzer, qui ordinairement cherche à traduire pater par divin, se sent obligé ici de traduire par paternel. De même Énée est pater en V 545, lorsqu’il s’enquiert du jeu de cavalerie que doit diriger le jeune Ascagne. Ici le sens n’est sans doute pas celui de père d’Ascagne, mais de père du peuple et surtout de la jeunesse qui partage son destin. C’est le même sens qu’on trouve en V 348, VIII 606, IX 172.
§ 5. – Peut-on traduire l’épithète fixe ?
ὀφθαλμοῦ εἴρηται ἀεικελίην ἀλαωτύν,
φάσθαι Ὀδυσσῆα πτολιπόρθιον ἐξαλαῶσαι,
υἱὸν Λαέρτεω, Ἰθάκηι ἔνι οἰκί᾽ ἔχοντα.
Par quel moyen pourraît-on rendre le sens ornemental de πτολιπόρθιον tout en conservant le sens particularisé des mots du vers suivant? De même dans la scène de la querelle des chefs: comment traduire l’épithète κύδιστε au vers A 122 pour que le lecteur n’y voie pas d’ironie lorsqu’elle précède une expression qui est vraiment insultante: φιλοκτεανώτατε πάντων? Comment ne traduire qu’une épithète ornementale en θεοείκελε au vers 131:
κλέπτε νόωι,
mais exprimer tout le mépris contenu dans l’expression πάντων ἐκπαγλότατ᾽ ἀνδρῶν qu’emploie Agamemnon quinze vers plus loin?
L’esprit renonce aussitôt à une si vaine tentative.
Footnotes